Vote anti-minarets: l'écrivain Shafique Keshavjee met en garde contre le "politiquement correct"

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Vote anti-minarets: l'écrivain Shafique Keshavjee met en garde contre le "politiquement correct"

15 décembre 2009
Shafique Keshavjee (DR)

Lausanne – Après le vote anti-minarets, tout reste à faire, estime l'écrivain et spécialiste de l'interreligieux, Shafique Keshavjee. Il renvoie dos à dos l'UDC et ses "généralisations à consonance xénophobe", la gauche et son "indifférenciation égalitariste" ainsi que les élites au discours "politiquement correct". A ses yeux, les plateformes existantes de dialogue entre les communautés religieuses et l'Etat sont actuellement insuffisantes.


L'ouverture face à la grande majorité des musulmans qui respectent la constitution suisse et les droits humains doit être clairement réaffirmée, défend M. Keshavjee. Mais parallèlement, des valeurs non-négociables ont besoin d'être défendues, en particulier face à une frange de musulmans qui défend un « islam littéraliste, militant et conquérant », écrit-il dans un texte disponible sur le site de l’Eglise réformée vaudoise (voir liens plus bas). Parmi ces valeurs il mentionne « la liberté de croire, de ne pas croire et la liberté de ne plus croire, la pleine égalité entre l’homme et la femme, le respect de la majorité et le respect des minorités » pour ne citer qu'elles. « Il a fallu des siècles pour les établir en Occident. Il ne saurait y avoir de retour en arrière », a-t-il affirmé à ProtestInfo.

Il met aussi en garde une partie de la gauche et certains responsables d'Eglises contre un angélisme peu réaliste. Selon lui, il est important de montrer sa solidarité avec les musulmans qui défendent clairement la liberté et l’égalité. Mais il est irresponsable de le faire avec ceux qui les nient. L'indifférenciation égalitariste, qui assimile unilatéralement minorité musulmane à minorité opprimée, sans voir qu’une minorité de la minorité peut être opprimante, n'est pas la bonne réponse, selon lui.

Eviter les discours creux

Pour M. Keshavjee, il s'agit d'éviter les discours déclamatoires de grands principes, mais qui restent creux. Ceux-ci n'ont d'ailleurs pas porté, compte tenu du résultat obtenu par l'initiative anti-minarets le 29 novembre, qui a largement dépassé le seul électorat UDC.

Il invite également les communautés musulmanes à faire un pas en direction des Suisses. A ses yeux, « pour que l'intégration se passe au mieux, les Suisses ont besoin d'être rassurés sur la compatibilité de l'islam enseigné dans les centres islamiques avec la constitution suisse ». Or, « les critiques des intellectuels musulmans (...) ont souvent peu d'effet dans les centres islamiques, dans lesquels un islam plus traditionnel et culturel est vécu et enseigné», estime le spécialiste du dialogue interreligieux. Les musulmans modérés et majoritaires en Suisse ont été peu entendus pendant la campagne de votation, regrette-t-il.

M. Keshavjee souhaite un large débat sur ces questions, et notamment sur des textes de la tradition islamique qu'il juge problématiques (voir liens plus bas). Il en appelle au discernement de part et d'autre comme à l'exigence de vérité.

Tania Buri

Qui est M. Shafique Keshavjee?

M. Shafique Keshavjee est actuellement professeur de théologie à Genève et à Lausanne après avoir été pasteur. Il a d'abord travaillé en paroisse avant de s'impliquer dans le dialogue oecuménique et interreligieux, ainsi que dans des questions d'engagement éthique des Eglises. Avec d'autres, il a fondé la maison de l'Arzillier à Lausanne, maison de dialogue entre Eglises, religions et spiritualités. Il est aussi écrivain et auteur de Le roi, le sage et le bouffon (dialogue interreligieux) et La princesse et le prophète (mondialisation). Publiés au Seuil à Paris, ses livres ont été traduits dans de nombreuses langues (bulgare, turc, russe, coréen, chinois, japonais…). M. Keshavjee a également été membre de la constituante vaudoise.
Texte complet de M. Keshavjee
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