«Le manque peut nous nourrir»
Née il y a trois ans auprès de la communauté étudiante, et porté par Alexandre Mayor et Xavier Gravend-Tirole, aumôniers des Hautes Ecoles, le projet «Détox la Terre» faisait le lien entre le carême chrétien et certaines pratiques pour réduire nos impacts écologiques. Ce mouvement œcuménique réunit désormais 18 groupes de jeunes et s’est élargi aux jeunes chrétiens romands – mais des personnes plus âgées sont aussi bienvenues. Cette année l’initiative se focalise davantage sur le jeûne de consommation, les groupes de jeûne alimentaire étant principalement structurés et animés par Voir et Agir, qui allie Action de carême et l’Entraide protestante (EPER). Explications avec Xavier Gravend-Tirole, docteur en théologie.
Le terme «Détox» est chargé négativement sur le plan moral, comme si consommer était toxique. Est-ce une bonne manière d’initier le changement?
Evidemment, c’est de la provoc’, mais on sait aussi qu’une partie de notre consommation est questionnable, car elle peut entraîner une dépendance problématique, du moins quand on est en recherche de liberté intérieure. «Détox» nous est apparu comme un chouette mot-clé parce qu’il résonne avec cette vogue du «bien-être», mais il ouvre aussi à la notion de «conversion». C’est-à-dire refaire de l’espace pour Dieu en moi, me débarrasser de tout ce qui m’encombre dans l’existence pour retrouver comment être en meilleure communion avec Dieu. L’image qui me vient, c’est celle de ce maître zen qui, devant un disciple qu’il reçoit, verse du thé dans une tasse déjà pleine. Son interlocuteur lui dit: «Arrêtez, ça déborde!» Et le maître de lui répondre: «Mais c’est l’état dans lequel vous êtes! Vous n’avez plus la place en vous pour la sagesse.»
Enfin «détox» ouvre vers une notion de purification non culpabilisatrice, qui permet d’avoir un regard et une attitude plus droite et ajustée vis-à-vis des autres, du monde et de Dieu. N’oublions pas «heureux les pauvres»! Ce verset biblique nous dit qu’il y a du bonheur dans une forme de manque, que celui-ci peut nous nourrir. Sans entrer dans le dolorisme ou le misérabilisme, le manque est une soif qui permet de creuser un espace pour un autre que moi en moi.
Justement, quelle offre spirituelle proposez-vous?
Elle se décline sur trois niveaux. Un échelon personnel, avec un «carnet de détox» (téléchargeable en ligne, voir ci-dessous) qui propose une démarche de réduction sur sa manière de consommer et/ou son alimentation, à faire sur 15 jours, et qu’on peut suivre à son rythme. Basé sur le travail de l’écopsychologue Johanna Macy, il compte quatre dimensions: s’ancrer dans la gratitude, acter sa peine pour le monde, changer son regard sur le monde et s’engager.
Ensuite, nous avons un échelon collectif avec une démarche communautaire, puisque nous proposons des groupes de partage, essentiels pour se rendre compte que l’on n’est pas seul avec ses questionnements. Des animations «clé en main» sont mises sur pied par Alexandre Mayor et son équipe pour chacune de ces rencontres.
Enfin, une dimension collective plus large est proposée sous forme d’une célébration œcuménique, qui aura lieu le 3 mars prochain à l’Eglise St-Laurent.