Le credo de Stephen Hawking

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Le credo de Stephen Hawking

16 septembre 2009
Genève – Les origines de l'univers seront un jour compréhensibles à l'être humain. C'est la conviction que l'astrophysicien Stephen Hawking a défendue mardi soir 15 septembre à l'Université de Genève devant plus de 4'000 personnes.


L’être humain pourra-t-il un jour être libéré de son ignorance ? La création de l’univers peut-elle se passer de Dieu ? La conférence du professeur Stephen Hawking, intitulée « La création de l'univers » à Genève a rappelé que ces questions accompagnent l’histoire de l’humanité et suscitent toujours le même intérêt.

 

L'audience, nombreuse, s’est déplacée à la fois par intérêt scientifique, par envie d’assister à cet événement et par curiosité pour ce penseur et vulgarisateur hors pair, au parcours de vie marqué de réussites professionnelles qui contrastent avec sa condition physique. Atteint de dystrophie neuromusculaire, il est paralysé à tel point qu'il ne peut s’exprimer qu’au travers d’un ordinateur et d’un synthétiseur vocal.

La peur du vide

« L’idée que l’univers ait un commencement ne plaît pas à tout le monde », prévient Stephen Hawking. Il y d’abord ceux qui souhaitent éviter l’hypothèse d’une intervention divine, tel Aristote qui postulait que l’univers a existé de tout temps. Il y en a ensuite d’autres qui craignent qu’à force de « frapper les cieux d’alignement », les découvertes scientifiques ne finissent par « chasser les dieux du firmament », comme chantait Georges Brassens dans « Le Grand Pan ».

 

« L’idée que l’univers ait un commencement ne plaît pas à tout le monde » Stephen Hawking, lui, n’hésite pas à utiliser le terme Dieu comme la « convention » d’un agent extérieur à l’origine de l’univers. Cela ne l'engage de toute façon à rien, puisque sa théorie exclut cette hypothèse.

Il s’est d’ailleurs souvenu à Genève de sa rencontre avec le pape Jean-Paul II au Vatican en 1981. Le souverain pontife avait alors demandé aux scientifiques présents de ne pas étudier les origines de l’univers. Dieu aurait choisi la manière dont l’univers devait commencer, avançait le pape.

Stephen Hawking avait pourtant présenté au Vatican un document détaillant sa propre théorie du commencement de l’univers. Malicieux, il a évoqué lors de sa conférence le sort qui aurait pu être le sien à l’époque de Galilée, projetant un photo-montage le représentant derrière les barreaux de l’Inquisition.

Une genèse sans Dieu

Car sa théorie a de quoi déplaire aux partisans d’un créateur divin. Le professeur Hawking a travaillé très tôt sur les lois basiques qui régissent l’Univers. Il a, avec son collègue Roger Penrose, démontré que la théorie de la relativité générale d’Einstein impliquait que le temps et l’espace aient un commencement lors du Big Bang et une fin dans les trous noirs - ces étoiles en fin de vie qui s’effondrent sur elle-même et avalent toute la matière environnante du fait de leur force de gravitation phénoménale.

Hawking a ensuite établi que les trous noirs émettent un rayonnement, appelé le « rayonnement de Hawking ». Il a ainsi contredit la croyance que les trous noirs sont si denses que rien ne puisse s’en échapper. Et l’hypothèse de l’évaporation et la disparition des trous noirs est dès lors plausible, ils auraient eux-mêmes potentiellement une fin dans le temps.

Pour sortir de la question problématique de l’avant Big-Bang, Hawking recourt à la notion de pôle sud. Imaginer un moment T-zéro pose inévitablement problème dans notre conception linéaire du temps. L’idée du pôle sud évite ce problème , car « il n’y a rien au sud du pôle sud », argumente-t-il.

Hawking postule pour finir et par conséquent que la création de l’univers a été déterminée entièrement par les lois de la science - la gravitation et la mécanique quantique - à partir du néant.

Fréquemment interrogé sur la question de savoir si les lois physiques pourraient avoir été déterminées par une entité divine toute puissante, il répond habituellement que ces questions sont métaphysiques, et non pas physiques.

Le prestigieux savant n’est d’ailleurs pas allergique aux questions ouvertes. S’il se dit confiant sur le fait que l’être humain trouvera un jour les réponses sur la naissance de l’univers, il termine sa conférence sur ces deux questions, projetées sur le grand écran : « pourquoi sommes-nous là ? D’où venons-nous ? ».

Une chaire sans religion

Stephen Hawking est titulaire de la prestigieuse chaire de professeur lucasien de mathématiques de l’Université de Cambridge. Elle a été créée en 1663, soit 300 ans après le procès de Galilée, selon les volontés testamentaires du Révérend Henry Lucas, membre du parlement de l’Université, peut-on lire sur le site de cette Haute école. Lucas a précisé que le titulaire de cette chaire ne devait pas être activement impliqué dans l’Église.

La raison n'était pas tant due aux conflits entre l'interprétation scientifique et religieuse, mais plutôt à l'influence des hommes d'Église sur l'université. Forts de leur pouvoir, ils dirigeaient les recherches dans la perpective de leur propre doctrine. Or, pour devenir professeur à Cambridge à l'époque où Lucas a fait son legs et a émis ses volontés, il fallait obligatoirement entrer dans les ordres. Le premier titulaire de la chaire lucasienne, Isaac Barrow, en a été dispensé, bien qu'il était lui-même un homme religieux.

Isaac Newton a occupé cette chaire

Son successeur, Isaac Newton, nommé en 1669, a fait appel au roi Charles II, car cette obligation aurait été contraire à ses croyances chrétiennes, divergentes de la tradition anglicane. Le roi a accepté la demande de Newton et a dispensé à perpétuité tous les futurs professeurs de la chaire lucasienne de l'obligation d'entrer dans les ordres. William Whiston, nommé en 1702 à la suite de Newton, a même été éjecté de la chaire à cause de ses fortes croyances religieuses contraires aux dogmes religieux dominants.

Nommé à sa suite en 1711, Nicolas Saunderson a été choisi justement parce qu'il n'appartenait à aucune religion. Les questions liées à la religion ont par la suite diminué en intensité pour le reste du 18ème siècle, bien que le dernier scientifique nommé à ce poste juste avant le 19ème siècle, Isaac Milner, était également un révérend. Aucun de ses successeurs n'a été ordonné, alors que la plupart étaient croyants. Le professeur Hawking, le 17 ème scientifique nommé à la chaire lucasienne, parle pour sa part peu de religion. Il devrait prendre sa retraite d'ici le mois d'octobre 2009.