Quand le corps n'est plus l'ennemi de l'esprit

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Quand le corps n'est plus l'ennemi de l'esprit

3 février 2010
Esculape, dieu des rêves et de la médecine

Lausanne – Le succès du livre sur les rebouteux en Suisse romande, la fréquentation sans faille de Lourdes malgré une médecine de pointe ou tout simplement les demandes des patients à leurs soignants interpellent le monde médical. L'Université de Lausanne (UNIL) a donc décidé d'organiser un cycle de conférences pour approfondir les rapports entre médecine et spiritualité.

La médecine occidentale a opéré une séparation claire avec la religion. Le rationnel et l'irrationnel ne jouent pas dans la même cour. Mais la distinction est-elle si nette?
Jacques Besson, chef du service de psychiatrie communautaire au Centre hospitalier universitaire du canton de Vaud (CHUV) à Lausanne, a choisi de faire le point sur cette relation entre corps et esprit avec la commission des sciences humaines de la Faculté de biologie et de médecine (FBM) de l'UNIL.


Vincent Barras, directeur de l'Institut universitaire d'histoire de la médecine et de la santé publique (FBM-CHUV) a ouvert les feux avec un cours intitulé « Médecin et religion: perspective historique ». Il a rappelé qu'à l'origine, les guérisseurs et les prêtres se confondent. C'est dans la Grèce Antique, avec Hippocrate que la médecine rationnelle est née: c'est le début de la médecine scientifique, renforcée longtemps après par les Lumières, qui opèrent une nette séparation entre science et religion.

Cette séparation est indispensable, a indiqué M. Besson dans le journal Le Courrier. Les fondements scientifiques sont très importants. Mais il y a une profonde unité psychosomatique entre la santé et la spiritualité. La question du sens, de la cohérence de l'être humain avec son environnement, la question de la culture est très importante pour la santé. Impact de la spiritualité sur la santé

 

Il existe de nombreuses études épidémiologiques qui démontrent l'impact de la spiritualité sur la santé. Les unes montrent son caractère bénéfique, soulignant son rôle dans l'insertion communautaire, sa fonction de ressource interne ou les aspects d'hygiène de vie. A l'inverse, des études soulignent que certaines approches religieuses peuvent interférer avec les soins, faire hésiter des patients à aller consulter.

Les frontières doivent être claires entre médecine et spiritualité, mais investiguer pour trouver des ressources du côté de la spiritualité peut être intéressant. Le cycle de conférences veut justement poser ce genre de questions. Quelle formation pour les médecins, quels besoins spirituels ont les patients?

Les aumôneries dans les hôpitaux répondent partiellement aux besoins, car les hôpitaux ont beaucoup changé. Les durées de séjour y sont très courtes, les aumôneries y développent une approche interconfessionnelle. Il semble donc nécessaire de renforcer le dialogue entre soignants et aumôniers, qui sont à l'interface entre les patients et les soignants. Le cycle de conférences débattra de ce genre de questions. Par exemple, dans le domaine des soins palliatifs, faut-il davantage intégrer la question de la spiritualité? Concrètement, la question se pose déjà à l'entrée de l'hôpital: faut-il demander aux patients des précisions sur leur identité confessionnelle? Cela fait débat.

Psychiatrie et santé

Et les rapports entre psychiatrie et spiritualités? Les jungiens pensent que Dieu fait partie de l'inconscient. Les systémiques ont une ouverture à la dimension écologique, soit l'intégration de l'homme à l'univers. Mais historiquement, la psychiatrie, c'est le rationalisme. Freud a considéré la religion comme une névrose obsessionnelle. Il a fait école et aujourd'hui encore, la religion est souvent perçue sous l'angle névrotique dans la profession. (tb)

 

Neurosciences

Les neurosciences s'intéressent aussi de près à la spiritualité, montrant par exemple les zones d'activation du cerveau lors de la méditation. Et sous l'impulsion des neurosciences apparaissent de nouvelles branches, comme la neurophilosophie ou la neuroéthique à Genève, a relevé M. Besson, lors d'une conférence à Crêt-Bérard.

Les imageries du cerveau révèlent par exemple que les plaisirs naturels, les paradis artificiels ou les expériences spirituelles activent les mêmes zones dans le cerveau. Or, le spirituel relève encore du tabou en médecin, estime le psychiatre.

Dépression

La santé mentale est devenue le principal problème de santé publique en modernité, a expliqué M. Besson. La dépression et l'addictologie représentent la plus grande majorité des cas (près de 80%) et engendrent environ 30% des coûts de la santé. Or ce qui rend les gens vulnérables à l'addiction sont, entre autres, le stress et l'angoisse. Et dans les soins proposés, les Alcooliques Anonymes, par exemple, apprennent aux patients à prendre en compte notamment leur dimension spirituelle.

Peu connu aussi: les antidépresseurs ne sont pas aussi efficaces que l'on pouvait le penser. Ils soignent, selon les études, dans 35% des cas contre 30% pour les médicaments de type placebo.

Actuellement, le corps médical tient peu compte des croyances des patients. Selon plusieurs études anglo-saxonnes, plus de 80% de personnes se disent croyantes. Chez les médecins, cette proportion tombe à 50% et seuls 25% sont d'accord d'en parler.

Si la médecine est clairement du côté du rationnel, la laïcisation des hôpitaux et des infirmières est récente et date du 19e siècle. Les infirmières ont été pendant longtemps des religieuses travaillant bénévolement.

Les prochains rendez-vous:

  • Les trois modules s'articulent autour de la « spiritualité au lit du malade » (janvier à juin 2010), suivi par « médecine, spiritualité et culture » (septembre à décembre 2010), puis par « spiritualité et psychiatrie » (janvier à juin 2011).
  • Prochaine date: le mardi 23 février. « Aumônerie hospitalière: de la visite ecclésiale à l'accompagnement spirituel » avec Daniel Pétremand, Marco Martinez et Etienne Rochat, aumôniers au CHUV. Discutante: Julie Buche Andary, infirmière au CHUV et licenciée en éthique clinique.
  • CHUV (accès par le métro M2), auditoire César-Roux, 18h30, entrée gratuite.
  • Davantage d'informations dans le programme

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