«Le voile n’est pas une obligation islamique»

Etudiante voilée à l'université / IStock
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Etudiante voilée à l'université
IStock

«Le voile n’est pas une obligation islamique»

Elisabeth Schenker
26 février 2015
La professeure d’arabe, Sylvia Naef, revient sur les origines du voile lors d’une conférence à Genève, lundi 23 février. Porté pour des questions d’honneur et de pudeur en Egypte, le voile n’a pas été remis en question par les premières féministes égyptiennes.

«Le voile islamique est venu à symboliser dans les sociétés européennes l’oppression religieuse de la femme. Il fait d’ailleurs aussi débat dans les sociétés musulmanes. Une question qui ne date pas d’hier», lâche Sylvia Naef, professeure d’arabe à la faculté des lettres de l’Université de Genève, lors d’une conférence sur le «féminisme naissant et la question du voile dans le monde arabe au début du XXe siècle», à l’Uni Mail, à Genève. Ce cours public interfacultaire intitulé «Genre et traditions religieuses» a débuté lundi 23 février à Genève. Neuf cours se succèderont les lundis jusqu’au 18 mai, et viendront tous interroger le «lieu commun d’une corrélation simple entre traditions religieuses et domination masculine», du point de vue de différentes disciplines académiques.

Le voile en Egypte au début du XXe siècle

Le premier texte connu concernant le port du voile de visage – le seul dont il sera question durant la conférence, qu’il ne faut pas confondre avec son homologue pour les cheveux, stipule la conférencière –, remonte à l’époque assyro-babylonienne et interdit aux femmes non libres de le porter. Très tôt, il devient ainsi «un signe de distinction de classe. Dans les classes populaires, les femmes ne se couvraient pas le visage».

Sylvia Naef est claire: «le voile facial n’est pas une obligation islamique ou coranique. Mais cette pratique reste liée à l’islam pour la plupart des gens». Elle continue: «Il protège l’honneur de la femme et c’est par l’honneur des femmes que passe l’honneur de toute la famille. Le problème du harcèlement des femmes dans les rues reste encore d’actualité, en Egypte.

Au début du XXe siècle, sortir sans voile est considéré comme impudique. L’éducation joue beaucoup. C’est comme si on nous demandait de venir en cours les seins nus. Chaque société a ses valeurs et ses notions de pudeur. Parmi les pionnières du féminisme, s’il n’y a pas d’objection pour que les jeunes filles ne se voilent pas, toutefois elles ne souhaitent pas sortir découvertes.»

Le vrai combat ne porte pas sur le voile, mais sur l’éducation et les conditions de vie

C’est au travers des vues des trois des premières féministes du pays que la conférencière va brosser le tableau de la condition des femmes en Egypte au début du siècle passé. Rappelant au passage que «l’égalité des sexes n’allait pas de soi non plus en occident», elle fait remarquer que les femmes en Egypte avaient des droits que leurs homologues occidentales n’avaient pas encore.

En effet, «la loi islamique donne aux personnes de sexe féminin le droit de gérer leur argent et les biens immobiliers, dit la conférencière. D’ailleurs, ces dernières ont créé 25% à 40% des fondations pieuses, des écoles, des hôpitaux et des fontaines publiques. Toutefois, peu d’entre elles possédaient assez de biens pour être totalement indépendantes de sa parenté mâle».

La professeure d’arabe rappelle aussi que pour Qasim Al-Amin, homme politique et penseur égyptien du XIXe siècle, l’ignorance de la gent féminine n’était pas due à l’islam, mais à «de mauvaises habitudes venues extérieures à la religion».

Pour lui comme pour les trois pionnières égyptiennes au début du siècle passé, seule l’instruction peut améliorer la position des femmes dans la société. «Non pour qu’elles fassent de brillantes carrières», explique Sylvia Naef, «mais pour qu’elles puissent mieux éduquer leurs enfants et les soigner. L’important était de leur permettre de meilleures conditions de vie dans le mariage, de lutter contre la polygamie et surtout contre la répudiation, contre le confinement et les mariages arrangés. Elles devaient en outre apprendre à gagner leur vie pour ne pas se trouver dans des situations difficiles en cas de divorce.»

La libération de la femme: une idée moderne, tout comme le niqab

«Le nassérisme a encouragé la libération de la femme tout en les incitant à entreprendre des études universitaires. Actuellement, les Égyptiennes sont plus nombreuses dans les universités que les Suissesses», expose Salvia Naef. «En Irak et en Syrie, c’est la même chose, continue-t-elle. C’est un féminisme d’état. Il faut noter que le retour du voile n’a pas fait sortir les femmes des universités». En conclusion, la professeure explique que le niqab est une création moderne, et que bien que «considéré par certains comme une obligation coranique, il n’est qu’une réinterprétation de certains versets du Coran sur la manière dont une femme doit se montrer en public. La chose est très complexe».

Le programme complet du cours public «Genre et traditions religieuses» est disponible sur le site de l’université de Genève. Ce cycle de conférences est le fruit de la collaboration de trois facultés de l’Université de Genève: la Faculté autonome de théologie protestante, la Faculté des lettres, et la Faculté des sciences de la société.

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