L’humour, une pratique mystique

Pixabay
i
Pixabay

L’humour, une pratique mystique

1 avril 2016
Poisson d’avril! Votre pasteur goute-t-il les blagues potaches? Rencontre avec trois ministres qui voient de la spiritualité dans le rire.

Par Joël Burri

Martin Hoegger, qui exerce un ministère d’accompagnement spirituel de la communauté de Saint-Loup collectionne les blagues. Il les note sur un carnet et diffuse des florilèges à quelques amis. Quand il prêche à Pâques, il en raconte une à ses fidèles. «Pâque c’est la Bonne Nouvelle, c’est le rire de Dieu! Je pratique donc cette tradition qui avait court au Moyen-Age et que l’on appelle le Rire pascal

«L’humour et la grâce sont des frères jumeaux» pour Etienne Rochat-Amaudruz, pasteur dans la paroisse de Cheseaux-Romanel. «Tous deux ont pour rôle de nous libérer de la pesanteur de la vie humaine», explique l’homme de foi qui s’est essayé au difficile exercice des sketches, lors du spectacle «Trois ministres sur un plateau», en 2015. «La vie c’est lourd, mais rire c’est le moyen de jouer sa vie», estime également le pasteur Armin Kressmann qui revêt régulièrement l’habit de clown. «Le rire est très important, car il nous décentre. Il permet le décalage qui nous évite de prendre les réalités terrestres pour réalités ultimes», précise-t-il.

Décentrement essentiel

Armin Kressmann souligne «dans le protestantisme l’exigence d’être vrai jusqu’au bout, contient le danger de l’extrémisme et de l’intolérance. C’est pourquoi il faut se garder l’humour qui permet le décentrement.» C’était aussi le rôle du fou du roi. «Le fou critiquait au risque de se faire décapiter. Il se mettait en danger pour dénoncer les débordements. J’y vois presque une figure christique.» Ce rôle essentiel de l’humour est d’ailleurs l’une des raisons de l’abandon du Rire pascal, explique Martin Hoegger «Les autorités de l’Eglise voyaient d’un mauvais œil ces blagues qui parfois les mettaient en cause.»

Mais l’humour est également spirituel «Il n’y a pas beaucoup de place pour l’humour dans l’Eglise, par contre, la foi et l’Evangile en ont beaucoup!», souligne Etienne Rochat-Amaudruz. «Quand je suis sur scène en clown, je vis une expérience mystique que je ne peux pas expliquer», explique Armin Kressmann. Il tire plusieurs parallèles entre l’exercice de la clownerie et la spiritualité. «Le clown joue avec ce qui est dévoilé et ce qui est caché. Il suggère, mais ne montre pas. C’est un peu comme ce Dieu que l’on ne voit pas. De plus avec quelques règles minimales – on ne touche pas au nez de clown, et dans le jeu on n’impose pas: à chaque proposition il peut y avoir une contreproposition – le clown pose un cadre sécurisant pour explorer l’altérité, voire l’Altérité.»

Commun à toutes les religions

L’humour est d’ailleurs présent dans toutes les religions. «Quand j’étais membre du comité de l’Arzillier, la maison du dialogue interreligieux, j’ai vécu une très belle expérience», relate Martin Hoegger. «Pour une rencontre, j’avais demandé au responsable de chaque religion de préparer des blagues. Nous nous sommes rendu compte que chaque tradition accordait une certaine place à l’humour. Il y a des blagues qui étaient transversales et réapparaissaient dans chaque culture sous une forme différente. Cette rencontre nous a vraiment permis de construire des ponts entre nous.»

Alors si en ce 1er avril vous rencontrez un pasteur, n’hésitez pas à lui raconter cette blague tirée du florilège de Martin Hoegger: «Un pasteur est résigné. Des chauves-souris se sont installées dans le clocher de l’église, et elles ne veulent pas s’en aller. Il rencontre un collègue. “Nous en avions aussi chez nous, mais elles sont parties.” “Comment as-tu fait?” “Très facile, je les ai baptisées et confirmées. Et je ne les ai plus jamais revues!”»