Mariage pour tous - Votation de septembre 2021

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Mariage pour tous - Votation de septembre 2021

22 juin 2021

Le 12.06.2021, un grand article parait dans 24Heures à ce sujet, avec l’annonce d’un referendum à ce sujet. On y signale le refus de certains pasteurs (Martin Hoegger, Olivier Bader) cités, et on peut imaginer qu’ils ne sont pas les seuls à être des opposants. J’aimerais faire quelques remarques à ce sujet :

1.    En Suisse le mariage entre deux personnes est du ressort de l’Etat et du Code civil. Il est évident que tous les citoyens peuvent s’exprimer au sujet des décisions légales et constitutionnelles proposées par nos autorités politiques. Au cours du XIXe s. la discussion a été vive chez nous pour savoir de qui dépendait le mariage. A cette époque pas si lointaine, le mariage et la cérémonie qui l’authentifiait était entre les mains de l’Eglise vaudoise incorporée et assimilée à l’Etat. Le mot paroisse et commune avait le même sens, une unité fusionnelle. Ainsi, le vendredi à 15h. un pasteur était à la cathédrale de Lausanne pour accueillir tous les fiancés qui désiraient se marier. Le pasteur avait un devoir d’Etat ; il devait s’enquérir si le futur mari avait un équipement militaire complet et si son fusil était en état de fonctionner (encore dans la première moitié du XIXe s.) ; un peu plus tard, il devait s’assurer que le couple avait une Bible. Aujourd’hui, la seule chose qui reste de ce passé récent, c’est la sonnerie des cloches de la cathédrale le vendredi à 15h. (et plus personne ne sait pourquoi).

2.    La Constitution de 1861 et la Loi ecclésiastique de 1863, ont donné à l’Eglise vaudoise une autonomie bienvenue : institution d’un Synode et d’une Commission synodale, des arrondissements qui avaient leur rôle à jouer, les paroisses en tant que réalité ecclésiastique et non plus municipale. Cette autonomie de l’Eglise et sa liaison avec l’Etat ont été confirmées dans la Constitution vaudoise en 2003.

3.    Les mœurs de notre société ayant évolué, l’Etat a estimé juste et bon de modifier la Loi, afin de permettre aux divorcés de se remarier officiellement, légalement, afin que ces couples ne soient pas obligés de vivre en concubinage, d’être dans une situation d’adultère, puisque le mariage était irrévocable. Divorce, puis remariage des divorcés, quel scandale pour certains membres de l’Eglise nationale, évangélique, réformée du Canton de Vaud au XXe s. ! Je me souviens fort bien de toutes les questions éthiques, morales, ecclésiales, théologiques que le remariage des divorcés a posé à un grand nombre de ministres avant, pendant et après la seconde guerre mondiale. J’entends encore la déclaration de certains pasteurs proclamant haut et fort qu’ils ne béniraient pas de telles unions. Ce n’était pas seulement ceux qu’on appelle, et qui revendiquent d’être, eux, évangéliques, car notre Eglise cantonale se nomme elle aussi Eglise… évangélique réformée, adjectif malheureusement oublié par quantité de journalistes. Cela signifie que notre Eglise est évangélique, même si certains veulent accaparer ce vocable pour leurs communautés autonomes.

4.    Mais les opposants au remariage des divorcés étaient aussi des personnes attachées à un tout autre bord ecclésiologique, au mouvement Eglise et Liturgie. Ils refusaient en somme à l’Etat d’avoir sécularisé le mariage et considéraient que le mariage était une affaire religieuse ; ils semblaient regretter la suppression du droit catholique-romain dans ce domaine (et en même temps ils ont grandement favorisé la qualité de la liturgie de notre Eglise). Le Règlement ecclésiastique avait donc prévu que les pasteurs pouvaient refuser de présider une telle cérémonie à l’occasion de divorcés remariés. C’est bien pourquoi, quand, non seulement le commun des mortels dit : nous allons nous marier à l’église de… avec le pasteur tel et tel, mais encore une partie importante de nos ministres disent volontiers : J’ai un mariage samedi prochain… Le vocabulaire utilisé par les uns et par les autres ne peut que conduire à la confusion. Le mariage a lieu à l’Etat civil, mais malheureusement la plupart de ceux qui se marient n’y attachent aucune importance, se focalisant uniquement sur la cérémonie religieuse, non pas à cause de leur foi et de leur engagement chrétien, mais pour tout le décorum qu’on y ajoute, alors qu’en entrant dans l’église, les conjoints entrent déjà mariés, et que la phrase liturgique doit être, s’adressant à chacun des conjoints : Déclarez-vous devant Dieu et devant son Eglise que vous avez pris pour femme NN ici présente ?… que vous avez pris pour époux NN ici présent ?  Le mariage a déjà eu lieu, valablement et sans répétition ailleurs. Que d’autres Eglises déclarent que le mariage a lieu au sein de l’Eglise, c’est leur affaire, mais en Suisse, avec toutes ses traditions souvent diverses, le mariage est civil et le remariage des divorcés est lui aussi une affaire civile. Que certains couples souhaitent un acte liturgique, un culte pour présenter cet événement à Dieu et le remercier de pouvoir vivre ensemble heureusement et dans l’amour (cadeau du Dieu créateur), c’est évidemment une possibilité que chaque couple peut demander à son Eglise, à sa communauté, dans la joie de ce moment où ils invitent familles, amis et connaissances. Il ne s’agit en aucun cas de supprimer la fête, mais il est indispensable d’être au clair sur ce que l’on est train de vivre dans l’église ou la chapelle.

5.    Mariage pour tous. De quel droit les citoyens peuvent-ils l’interdire ?  Ce qui est valable pour les uns l’est aussi pour les autres. Si la société il y a quelques décennies s’est échauffée à propose du remariage des divorcés, je comprends parfaitement qu’aujourd’hui, il y ait 1000 questions qui viennent à l’esprit. Pourquoi ? parce que, comme la société a mis longtemps pour s’habituer à ce que des divorcés redevenus singuliers, souhaitent former un couple.

6.    Je dirai qu’il en va de même pour les femmes et les hommes homosexuels, les transgenres... Notre Eglise y pense depuis longtemps et en a délibéré en 2012 à St Sulpice. La discussion a été importante pour définir quelle forme devrait prendre cette nouveauté.  Une proposition a été de prévoir pour ces personnes, Un acte liturgique. Oui, mais quoi ? La réponse a été très pragmatique : Il faut attendre que des cas se présentent et demander aux ministres concernés de réfléchir seuls, puis avec le couple en formation, comment on pourrait vivre ce moment cultuel. Le Synode n’a donc pas légiféré liturgiquement à ce propos. J'ai assisté à ce Synode comme public ; je me suis trouvé avec quelqu’un d’autre comme public également ; c’était une lesbienne qui voulait voir et savoir comment le Synode délibèrerait et quelles serait ses conclusions. J’aimerais bien savoir combien de cérémonies religieuses ont eu lieu à la suite de la décision du Synode de 2012, et comment les ministres concernés par ces demandes ont réagi, ou préparé et vécu la liturgie évoquée par la décision du Synode. Est-ce que ces modèles ne pourraient pas nous inspirer aujourd’hui ?

7.    Aujourd’hui, la votation fédérale prévue est une affaire d’ordre politique, civile et nous touche de près, surtout en tant que chrétiens. J’estime que le Synode s’est déjà prononcé en 2012 et qu’il n’y a pas lieu, au niveau ecclésiastique, de vouloir interdire ce genre de mariage. La société a découvert la question LGBT relativement récemment, alors qu’elle existe depuis que l’être humain est sur la terre. Il est vrai que la Bible dans ses premières pages n’aborde pas cette problématique et que, dans le livre de la Genèse le mariage est présenté comme étant hétérosexuel, que le divorce, selon la discussion de Jésus avec les docteurs de la Loi, ne se justifie pas ; et pourtant Jésus ne le condamne pas (Dt 24 :1 et Mc 10 :4) ; c’est à cause de la dureté de votre cœur que Moïse a dû en venir à cette possibilité par une lettre de répudiation. Dans l’homosexualité, il n’est pas question de dureté du cœur, ni de mal, ni de péché. L’homosexualité n’est pas une faute commise par celui ou celle qui est né(e) avec cette nature spécifique d’ordre sexuel. L’Etat en a pris conscience et a décidé d’édicter une loi qui va dans le sens de l’égalité entre tous les humains. L’apartheid est une notion humiliante et il n’est pas sûr que nous l’ayons vraiment exclu.

  Juin 2021. G. Leuenberger

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