Une sixième extinction de masse : réalité ou fiction scientifique ?

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Une sixième extinction de masse : réalité ou fiction scientifique ?

16 septembre 2022

Je réagis par ce bref article, en toute amitié, au titre du prochain café thématique ayant lieu le lundi 26 septembre 2022 à 19h00 au Sycomore à Lausanne : « Comment s’engager pour la planète alors qu’a lieu la sixième extinction de masse ? ». J’écris d’autant plus volontiers que selon le flyer reçu par mail, « le public est encouragé à participer à la discussion ».

J’observe que le titre de ce café thématique est présenté sous la forme d’une question qui contient une affirmation selon laquelle « a lieu la sixième extinction de masse ». Je ne sais pas si cette affirmation est à considérer comme une donnée scientifique indiscutable, ou plutôt comme une interpellation visant à faire réagir, à déranger, à provoquer, à « s’engager pour la planète » ? En tous les cas, la question que vous posez, ainsi formulée, force indirectement l’adhésion à une thèse qu’il me semble nécessaire de discuter.

Cinq extinctions de masse

Que de nombreuses espèces biologiques soient menacées d’extinction, ou même en voie d’extinction ou déjà éteintes, par l’emprise de la civilisation humaine sur la planète Terre est un fait évident. Je m’interroge cependant sur la pertinence de l’expression « sixième extinction de masse ». Il y a eu, au cours du Phanérozoïque (période de 570 millions d’années à aujourd’hui, au cours de laquelle la vie a acquis une taille visible à notre échelle) cinq extinctions biologiques de masse au cours desquelles des embranchements ou des classes entières d’êtres vivants ont disparu. Lors de la dernière, à la fin du Crétacé, il y a 65 millions d’années, environ 70% des espèces biologiques ont disparu par suite d’un fort refroidissement global, auquel notamment les dinosaures, dépourvus de système de régulation thermique, n'ont pas survécu, cédant ainsi la place à l’ère des mammifères et des oiseaux.

Or aujourd’hui, des espèces disparaissent en lien à l’expansion humaine, comme cela fut déjà le cas dans les dernières dizaines de milliers d’années, lorsqu’une part de la mégafaune européenne disparut sans doute en lien à des changements climatiques conjoints à une extermination par les populations humaines préhistoriques. Mais s’agit-il déjà d’une extinction de « masse » ? Aucun clade important (ensemble de lignées d’espèces ayant un ancêtre commun) ne disparaît dans son ensemble, et il me semble que l’on ne peut pas parler de disparitions massives d’espèces différentes, de sorte que ne subsiste qu’une très petite part du nombre antérieur d'espèces ? Il s'agirait donc de définir plus précisément ce que l'on entend par extinction de « masse ».

Parmi la pléthore d’ouvrages qui paraissent actuellement sur ces thématiques de l’extinction d’espèces et de l’effondrement civilisationnel, plusieurs usent de formulations prudentes, comme celui de Bruno David, A l’aube de la 6ème extinction (Grasset, 2021) qui précise en quatrième de couverture : « ses effets spectaculaires [du réchauffement] ne sont encore que la face la plus visible d’un bouleversement de bien plus grande ampleur qui concerne la vie elle-même », admettant ainsi que le drame décisif ne s'est pas encore manifesté.

Qui fait violence à qui ?

Le thème de votre café, à mon sens bien choisi, est le lien entre « violence et écologie ». Je me demande toutefois si le ton apocalyptique et catastrophiste que prend cette affirmation d’une « sixième extinction de masse » ne contribue pas justement à susciter un climat d’incertitude et de peur propice à des actions de plus en plus précipitées, et donc potentiellement porteuses de « violence » symbolique d’abord, sociale ensuite. Dans ce même ordre d’idées, je suis surpris de la place que prend le logo d’extinction-rébellion sur l’affiche de votre café organisé par Les Terreaux. Centre culturel Lausanne, écrit en petit en bas. Qui est l’idéateur et l’organisateur de la rencontre ?

Je m’interroge : Quand et comment joue-t-on avec le feu ? En oubliant de dénoncer une extinction de masse qui ne saurait tarder, ou au contraire, en fabriquant du stress au travers de ce qui reste une « fiction scientifique intéressante » à discuter ?

Le réensauvagement de l'Europe

Je ferai valoir, à ce titre et pour terminer, l’approche d’un intéressant ouvrage trouvé parmi la multitude de ceux que l’on ne peut pas soupçonner d’anti-écologisme : Gilbert Cochet, Béatrice Kremer-Cochet, L’Europe réensauvagée, vers un nouveau monde (Actes Sud, 2020). Je cite le quatrième de couverture : « Alors que l’on pensait la vie sauvage, malmenée par 9000 ans de pâturages et de déboisement, en voie d’extinction en Europe, la faune et la flore reprennent spontanément leurs droits sur des territoires délaissés : bisons, ours, aigles, esturgeons et phoques reprennent en nombre croissants. Face à cet étonnant constat, deux naturalistes entreprennent un tour continental des milieux naturels. On y découvre que, malgré la quasi-disparition de nombreuses espèces iconiques, des initiatives inspirantes et couronnées de succès voient le jour dans tous les pays pour soutenir ce réensauvagement ».

Grand arpenteur naturaliste et sportif des forêts du Jura (dont, soit dit en passant, la surface ne fait que croître depuis un siècle en regagnant les pâturages boisés), ayant appris par la presse que l’ancien prédateur redouté a été observé dans la chaine jurassienne, non loin de chez moi, je me surprends, été comme hiver, à observer les traces fraîches de canidés dans la terre ou dans la neige, dans l’espoir et l’appréhension conjoints de rencontrer un jour … un loup.

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