De la plus haute expression de la bienveillance? Vraiment?

Image d'illustration / © Pixabay
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De la plus haute expression de la bienveillance? Vraiment?

20 avril 2020

Qui aurait cru, il y a six semaines à peine, que les commerces, les cafés, les restaurants aient fermés et les manifestations culturelles aient été annulées. Qui aurait cru que l’on ferme les crèches, les écoles, les universités? Qui aurait cru que nous serions semi-confinés chez soi, ne pouvant sortir que pour aller faire nos courses ou pour aller à la pharmacie? Qui aurait cru que les «open space» et les «espace de coworking» si tendances, fassent place au télétravail? Qui aurait cru que nous devions sortir en gardant nos distances sociales; un mètre d’abord, puis deux? Qui aurait cru que nous ne serions plus autorisés à visiter, ni serrer dans nos bras, ni embrasser nos petits-enfants et nos parents? Qui aurait cru que nous renoncions à goûter aux fameux bouchons pascals du Gothard?

Nous pourrions continuer longtemps la liste des questions que fait naître en nous cette redoutable pandémie qui frappe l’entier de notre globe.

Récemment le journal «le Temps[1]» évoquait l’époque (pas si lointaine) où l’Europe se moquait des épidémies, notamment celle provoquée en 1968 par la grippe dite de Hongkong qui a fait 50'000 morts en trois mois aux États-Unis. Il est vrai que le pays avait la tête ailleurs; il se relevait à peine de la mort de Bobby Kennedy, de celles de Martin Luther King, était en pleine guerre du Vietnam et  était obsédé à l’idée de faire alunir Apollo 11 et son équipage avant les Russes. En 1969, la même grippe fera 35'000 morts en France, toute entière concentrée à se relever de mai 68. Jusqu’à aujourd’hui je n’avais jamais entendu parler de cette épidémie, et je me demande: combien la grippe de Hongkong avait-elle fait de morts en Suisse? J’avais neuf ans; mes parents avaient-ils pris des précautions pour m'en préserver? Aurais-je pu en être victime?

Aujourd’hui pour sauver la vie des plus vulnérables parmi nous, nous avons employé les grands moyens et nous avons, si ce n’est arrêté, du moins ralenti à l’extrême l’économie. Nous avons confiné les personnes âgées; inventé le hashtag «restez à la maison!». Nous rabâchons ce onzième commandement à nos aînés comme s’ils n’étaient que d’insupportables préadolescents, et ceci au mépris des méfaits de la sédentarité sur leur santé.

En ces temps de pandémie, nous assistons «en direct» à l’expression la plus élevée de la bienveillance sociale: tout arrêter pour préserver la vie des plus vulnérables.

Loin de moi de déplorer cet idéal altruiste dont fait preuve notre société. Mais je ne peux que me questionner : qu’avons-nous fait jusqu’à maintenant pour sauver ces milliers de vies que la pollution ordinaire tue annuellement et les 6,5 milliards de dépenses qu’elle nous coûte? Qu’avons-nous fait pour éviter les morts des canicules passées et à venir qui vont s’accélérer avec le réchauffement climatique? Qu’avons-nous fait  pour interdire le libre commerce des viandes élevées aux antibiotiques et qui – au final - menace gravement l’immunité de notre société? Qu’avons-nous fait pour restreindre l’abus légal de ce poison qu’est le sucre dans notre alimentation et qui est en passe de provoquer une pandémie d’obésité morbide, dont nous savons - aux dernières nouvelles – qu’elle contribue à augmenter la létalité du nouveau coronavirus?

Ces questions, il faudra ne pas oublier de se les poser le jour où nous sortirons de ce confinement et il faudra le faire sans complaisance, et continuer à prendre les mesures pour préserver la vie humaine dont nous mesurons la fragilité. Car si nous ne le faisons pas, et que nous recommençons comme «en 14», comment expliquerons-nous aux générations futures qui devront encore longtemps en payer le prix, qu’en 2020,  nous ayons fait passer les plus vulnérables avant toute chose, si c’est pour les négliger après?

 

 

[1] « Quand l’Europe se moquait des épidémies », Laure Lugon, le Temps 6 avril 2020

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