Commémorer les pages sombres de l’histoire ?

Photo d'une marche de solidarité avec les populations indigènes au Canada prise par une membre de Christian Peacemaker Teams
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Photo d'une marche de solidarité avec les populations indigènes au Canada prise par une membre de Christian Peacemaker Teams

Commémorer les pages sombres de l’histoire ?

31 octobre 2019

Le deuxième lundi du mois d’octobre marque aux États-Unis ce qu’il est convenu d’appeler « Columbus Day ». Comme son nom l’indique, il s’agit de commémorer l’arrivée historique de Christophe Colomb sur les côtes du Nouveau Monde. Avant que le Congrès américain n’en fixe la date définitive au début des années 1970, cette fête a connu plusieurs versions et, encore aujourd’hui et selon les diverses régions des Amériques, l’accent en est parfois quelque peu différent.

Aujourd’hui, aux États-Unis, un débat se poursuit concernant le statut et l’utilité d’une telle célébration. Plusieurs états et certaines municipalités ont déjà changé le nom de ce jour férié pour celui d’Indigenous People’s Day. Sans grande surprise, les partisans et opposants se divisent selon les lignes politiques classiques : les libéraux sont en faveur du changement, les conservateurs sont dans l’autre camp !

Pourquoi ce débat ? En quoi est-ce qu’un tel changement peut modifier la perception d’une réalité historique ?

L’arrivée de Christophe Colomb en octobre 1492 sur les rives du continent américain marque certes la découverte de nouvelles terres et l’expansion remarquable des populations européennes ; en même temps, les historiens en revisitant cet événement mettent au jour le massacre des peuples amérindiennes, la négation de cultures ancestrales et les effets pervers de la colonisation. Un génocide peut-il vraiment être l’objet de célébration et de glorification, aussi lointain soit-il ?

La critique de la colonisation des Amériques n’est certes pas nouvelle ; elle a surgi au cours des siècles parmi les théologiens, les politiciens et les penseurs. Diderot, en référence à la colonisation des Amériques, parlait déjà des « Barbares européens ! » La Bulle papale « Inter Caetera » promulguée par le Pape Alexandre VI en 1493 légitimait la saisie par les européens de toute terre qui n’était pas habitée par des chrétiens. L’histoire des États-Unis est la traduction directe de cette Bulle papale ; sous le nom de « Doctrine of Discovery » ou Doctrine de la Découverte, la conquête violente des Amériques sera codifiée et justifiée sous ce principe-même. En 1823, la Cour suprême américaine utilisait la « Doctrine of Discovery » comme le fondement du droit territorial pour les colons européens et finalisait ainsi le transfert des terres aux Européens.

Le mouvement auquel appartiennent les adeptes de la suppression du « Columbus Day » aux États-Unis s’intéresse de près à la « Doctrine of Discovery » et à ses effets sur les populations amérindiennes. La discussion ne se limite pas seulement au nom de ce jour férié, mais englobe entre autres des réflexions sur la réparation et la restitution, les droits civiles des descendants des populations amérindiennes, la protection de leurs terres, et la représentation adéquate de l’histoire de la conquête européenne dans les livres scolaires et les annales. Changer le nom d’une commémoration doit s’accompagner d’un changement de mentalité et une réécriture historique. 

L’Église a évidemment joué un rôle essentiel dans cette conquête et la justification des violences qui l’accompagnèrent. Du coup, certaines églises aujourd’hui s’engagent activement dans ce débat et des institutions telles que le Conseil Œcuménique des Églises (déclaration du COE) y participent. Ces églises mettent à disposition diverses ressources afin d’encourager ce travail chez les croyants (vous trouverez par exemple un site Mennonite ici et Quaker ici ou une déclaration de l’église presbytérienne ici). Ce travail demande une longue réflexion de la part des églises et nous oblige à confesser nos péchés passés. Changer le nom d’une commémoration est un premier pas dans ce sens. Cette conversation prend de l’ampleur sur le continent nord-américain ; qu’en est-il de l’Europe ? La réconciliation ne devrait-elle pas commencer aux origines mêmes du mouvement de colonisation ?

J’habite actuellement dans le Kentucky, le territoire traditionnel des Cherokee et des Shawnee parmi bien d’autres groupes ! J’ai eu le droit de venir m’installer ici grâce à la conquête des européens, je suis une exilée s’il l’on veut mais dans le fond, je fais avant tout partie de la longue histoire de la colonisation et je suis un colon.

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