Saint-François, un couvent de frères mendiants

L'église Saint-François fête ses 750 ans. @Keystone
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L'église Saint-François fête ses 750 ans. @Keystone

Saint-François, un couvent de frères mendiants

14 janvier 2022
Cette année sont fêtés les 750 ans de l’église Saint-François, aujourd’hui située au carrefour des transports publics de la capitale vaudoise. Retour historique sur sa fondation par des Franciscains, en bordure d’une Lausanne gagnée par la Réforme, près de trois siècles plus tard.

Lausanne a toujours eu ses nécessiteux. Et si à la fin du XXe siècle, ceux-ci avaient pris leurs quartiers à la place de la Riponne, au milieu du XIIIe siècle, les mendiants étaient à Saint-François. Il s’agissait alors d’une communauté de frères franciscains, des disciples de François d’Assise, qui vivaient de la charité publique. Et c’est d’ailleurs à ces singuliers indigents que la capitale vaudoise doit l’un de ses plus célèbres bâtiments, l’église Saint-François, qui  célèbre aujourd’hui ses 750 ans.

Au moment de sa réalisation, la bâtisse et ses dépendances ne sont d’ailleurs pas vraiment au centre de la ville, comme l’explique Stéphanie Vocanson-Manzi, enseignante d’histoire au Gymnase de Beaulieu, et dont le sujet de mémoire, à l’Université de Lausanne, portait sur l’étude de la comptabilité du couvent entre 1532 et 1536: «Il a même fallu abattre une portion du mur d’enceinte pour créer l’église et ses monuments conventuels.» S’instaure alors une relation de proximité entre les Lausannois et les frères franciscains, qui vivront essentiellement de la quête et de donations, notamment grâce à leur talent reconnu pour la prédication.

Près du marché

«Au Moyen Âge, la rue de Bourg est déjà celle du marché, ainsi que celle où les bouchers vendent leur viande», explique Stéphanie Vocanson-Manzi. «Toutes les églises sont alors des paroisses traditionnelles, à l’exception de Saint-François et de la Madeleine, qui est habitée par des frères dominicains», relève Bernard Andenmatten, professeur d’histoire médiévale à l’Université de Lausanne, qui précise que les Franciscains ont également de la vigne et un jardin, où les Lausannois demandent parfois à être enterrés. «Cela est l’occasion de donations, plus ou moins régulières, mais de grandes familles demandent, quant à elles, d’être enterrées au sein même de l’église». C’est le cas de la famille de Billens, dont la Réforme n’aura pas raison de la chapelle funéraire, encore visible à Saint-François. «Quelques Lausannois travaillent au convent, notamment des matres, des lavandières qui s’occupent également des plus jeunes novices», explique Stéphanie Vocanson-Manzi, qui précise encore que les Franciscains n’ont pas le droit de posséder de l’argent, l’église et ses murs ne leur appartenant donc pas.

En 1368, un terrible incendie touche la ville de Lausanne, lors duquel la communauté n’est pas épargnée. L’église et le couvent sont gravement touchés, et la reconstruction va à nouveau dépendre des donateurs, du bas-peuple jusqu’aux élites. «La dynastie européenne de la maison de Savoie va alors offrir d’importantes sommes d’argent», note Stéphanie Vocanson-Manzi. «Toutefois, les travaux se feront petit à petit, à mesure que l’argent arrive dans les caisses des Franciscains», précise Bernard Andenmatten.

Un hôte de marque

Juste avant la Réforme, l’église de Saint-François devient, contre toute attente, une demeure pontificale. Un hôte plutôt inattendu réside régulièrement dans les années 1442-1449 à Lausanne. Il s’agit d’Amédée VIII, duc de Savoie, qui prend le nom de Félix V. «Il séjourne au couvent de Saint-François quand il passe par Lausanne», explique Bernard Andenmatten. Ce pape-là, veuf et père de famille, n’a pas été retenu dans la liste officielle des papes de l'Église catholique et est donc considéré comme «antipape». Il est nommé par le Concile de Bâle, qui commence en 1431, et qui veut réformer l'Église en proclamant notamment la supériorité du Concile sur le pape.

Viret et Calvin s’arrêtent à Saint-François

«C’est une autre conception de l'Église et de l’encadrement religieux qui arrive avec la Réforme, au début du XVIe siècle», explique Bernard Andenmatten. À leur arrivée, les Bernois ont deux solutions «pour faire comprendre que le protestantisme est désormais la meilleure religion du monde», s’amuse Stéphanie Vocanson-Manzi. Soit ils imposent la Réforme de force en obligeant tout le monde à se convertir, soit ils convertissent les deux églises, afin que les fidèles de la population lausannoise puissent entendre le prêche. «Ils choisissent la deuxième option, mais cela ne fonctionne pas et la Réforme doit être imposée comme il se doit», explique Stéphanie Vocanson-Manzi. Et alors que les Franciscains sont sommés de se convertir ou rejoignent d’autres couvents de Bourgogne, «Pierre Viret, qui loge dans le couvent, prêche la Réforme en 1536, alors que des actes d’iconoclasme (destruction de représentations religieuses, ndlr.) sont commis durant la même année», évoque Christian Grosse, professeur d’histoire et anthropologie des christianismes modernes à l’Université de Lausanne. On dit d’ailleurs que Calvin serait venu y préparer la dispute de Lausanne. L’année suivante, «un synode interne à l’église réformée s’y tient». Et à l’instar du pays de Vaud, l’église Saint-François est alors définitivement protestante.

750 ans… vraiment?

Pour l’historien Bernard Andenmatten, les 750 ans de l’église Saint-François annoncés cette année sont un anniversaire pour le moins discutable. «Il faut bien arrêter une date et ces célébrations sont une occasion de revenir sur l’histoire religieuse du canton», admet-il. Toutefois, «la date de création d’une église mendiante, habituellement, est soit la date de la fondation du couvent attenant, soit celle de l’acte de consécration de l’église». Pour Saint-François, un tel acte n’existe plus. «Un parchemin date la donation du terrain aux Franciscains en 1258» et la période de construction n’est pas connue avec précision, mais serait située entre 1260 et 1280. «En fait, 1272 correspond simplement à la date d’une donation importante pour la ”fabrique” de l’église, ce qui indique justement que cette dernière est encore en construction», commente Bernard Andenmatten.

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