Privés de leurs églises, les fidèles rwandais se rassemblent chez eux

©RNS/AP Photo/Ben Curtis
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©RNS/AP Photo/Ben Curtis

Privés de leurs églises, les fidèles rwandais se rassemblent chez eux

Tonny Onyulo
13 septembre 2018
Depuis que le gouvernement rwandais a fermé de nombreux lieux de culte qui n’étaient pas aux normes, les fidèles peinent à trouver des endroits où se recueillir. Certains d’entre eux se rassemblent dans leur propre maison.

Grace Umutesi habite dans le bidonville de Bannyahe, dans la banlieue de Kigali, au Rwanda. Depuis que les autorités ont fermé son église, en juillet dernier, parce qu’elle ne respectait pas les normes de sécurité des bâtiments, elle effectue secrètement des cérémonies religieuses chez elle. «Je suis très déçue par la décision du gouvernement de fermer notre église», a déclaré cette mère de quatre enfants, âgée de 35 ans. «Mais nous ne pouvons pas nous arrêter de prier et louer Dieu parce que notre église a été fermée. Dieu est partout et il écoute nos prières.»

Grace Umutesi, une ancienne de l’Église Joy Temple Ministries, a expliqué que son église avait été fermée parce que le pasteur n’avait pas de diplôme en théologie d’un institut agréé, comme l’exige le gouvernement. Elle a également ajouté que le bâtiment ne disposait pas de toilettes et de salles de bains adéquates pour les invités et les fidèles et ne pouvait se permettre de se conformer aux réglementations gouvernementales. «C’est cher pour l’Église de se mettre aux normes. Le gouvernement a tort de nous empêcher de louer Dieu.»

8000 églises et 100 mosquées fermées

Le lieu de culte de Joy Temple Ministries fait partie des milliers de bâtiments que les autorités ont fermés ces derniers mois. Selon les derniers chiffres du gouvernement, environ 8000 églises et 100 mosquées ont été fermées dans ce pays d’Afrique de l’Est qui compte douze millions d’habitants. Les musulmans représentent environ 5% de la population rwandaise.

Au début de cette année, les législateurs rwandais ont promulgué de nouvelles lois exigeant que les pasteurs aient suivi des formations en théologie et que les bâtiments des églises soient rénovés. Les édifices doivent comporter des toilettes séparées pour femmes et hommes ainsi qu’une route pour accéder au bâtiment.

Les opposants au président actuel, Paul Kagame, ont affirmé que cette répression était une prolongation de son long passé de méconnaissance des droits de l’homme. Selon eux, il s’en prend à la liberté d’expression depuis qu’il est au pouvoir depuis 2000. Mais le gouvernement a défendu cette décision. Il a expliqué vouloir apporter du bon sens au sein des institutions religieuses, tout en ne visant aucune religion ou église spécifique.

Des lieux susceptibles de s’effondrer

«Nous avons la liberté de culte dans notre pays, mais cela ne signifie pas de rassembler les fidèles dans des lieux de culte inférieurs aux normes et susceptibles de s’effondrer à tout moment», a expliqué Justus Kangwagye, un responsable du gouvernement. «Nous exigeons simplement que les édifices religieux respectent des normes modestes et que tous les prédicateurs suivent une formation théologique avant d’ouvrir une église.»

Les nouvelles règles ont conduit à la fermeture de la plupart des églises pentecôtistes où les prédicateurs charismatiques attirent énormément de fidèles à cause, entre autres, de miracles supposés. Justus Kagame accuse depuis longtemps les pasteurs pentecôtistes d’utiliser de «faux» miracles pour attirer les habitants et s’enrichir. Le gouvernement a déjà arrêté six pasteurs cette année qui ont tenté de défier les nouvelles lois. Ces pasteurs ont été relâchés par la suite.

Des offices religieux à la maison

En réponse aux fermetures, de nombreux fidèles ont décidé de célébrer leurs services religieux chez eux. «Désormais, des milliers de fidèles prient secrètement dans leur maison par peur de la répression du gouvernement», a révélé un pasteur de haut rang qui ne veut pas être nommé par crainte d’être arrêté.

«Lorsque le gouvernement a arrêté les six pasteurs, c’était comme un avertissement pour les autres les décourageant à résister aux nouvelles lois sur les églises. Nous ressentons de la douleur en tant que pasteurs, mais nous ne pouvons ni parler ni discuter de cette décision. Comment les dirigeants peuvent-ils priver leur peuple du droit de pratiquer librement son culte?»

Tous les dimanches, des fidèles marchent sur des kilomètres à la recherche d’églises, car celles dans leur quartier ont été fermées. Esther Umohoza, qui vit dans le secteur de Nyamirambo, au sud-ouest de Kigali, effectue 15 kilomètres chaque dimanche pour pouvoir se recueillir. Parfois, elle se rend également les mercredis chez son voisin pour des études bibliques, un moyen de rester proche de Dieu.

«La vie est devenue difficile, surtout pour les chrétiens dans ce pays», a-t-elle constaté. «Vous devez voyager sur de longues distances pour trouver Dieu. Mais nous n’abandonnerons pas. Je prie pour que le gouvernement révise ces règles. Nous avons besoin que les églises soient partout afin que les gens puissent prier librement.» Esther Umutesi pense que la prière entraînera des changements dans la politique du gouvernement. Elle espère que les églises rouvriront bientôt. «Nous prions Dieu pour qu’il change l’esprit du gouvernement. Nous croyons réellement qu’aucun chef ne peut aller à l’encontre de Dieu, et s’ils le font, notre pays sera maudit.»

Tonny Onyulo, Kigali, Rwanda
Religion News Service/Protestinter