Remarié, un médecin catholique se fait virer

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Remarié, un médecin catholique se fait virer

EPD/Protestinter
2 octobre 2018
Licencié pour s’être remarié, un médecin-chef allemand, employé dans un hôpital catholique obtient gain de cause devant la Cour de justice de l’Union européenne.

Le licenciement d’un médecin-chef allemand catholique remarié par un employeur ecclésiastique représente un cas de discrimination en vertu du droit européen. Ainsi en ont décidé les juges de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), début septembre. L’obligation qui lui était faite de respecter le caractère sacré du mariage aux yeux de la foi catholique ne semblait pas représenter une exigence professionnelle essentielle, légitime et justifiée, a déclaré la Cour, renvoyant la décision à la Cour fédérale du travail. 

L’affaire concerne un homme travaillant depuis plus de dix-huit ans dans un hôpital catholique de Düsseldorf. Marié religieusement au sein de l’Église catholique, il a divorcé en 2005 et épousé plus tard sa nouvelle compagne, cette fois lors d’une cérémonie civile. La clinique où il exerçait, qui dépend de l’archevêché de Cologne, a justifié son licenciement par le fait que son remariage soit considéré comme une union non valide, ce qui représenterait un manquement grave à ses obligations de loyauté. 

Les recours déposés par le praticien, en première instance devant le tribunal du travail, puis devant le tribunal supérieur du travail et la Cour fédérale du travail (Bundesarbeitsgericht ou BAG), ont tous été couronnés de succès. Cependant, le verdict de la BAG a été cassé par la Cour constitutionnelle fédérale. Aux yeux des juges de Karlsruhe, il ne garantissait pas suffisamment le droit constitutionnel des Églises à l’autodétermination. La BAG a alors saisi la CJUE d’une demande d’avis.

Égalité de traitement au travail: l’exception des Églises

La CJUE devait se prononcer sur l’interprétation d’une loi européenne sur l’égalité de traitement au travail. Celle-ci prévoit des exceptions en faveur des Églises. La question était de savoir jusqu’où celles-ci sont censées aller. Parmi les principaux points à clarifier, on compte la possibilité pour un employeur ecclésiastique de définir un comportement loyal selon des critères différents pour les cadres appartenant ou non à son Église. En effet, d’après la BAG, la clinique de Düsseldorf n’interdisait qu’aux catholiques de s’engager dans une union non valide aux yeux du droit ecclésiastique. 

En 2015, l’Église catholique a modifié ses directives sur le principe de loyauté: selon leurs fonctions et leur domaine d’activité, les cadres ne perdent plus automatiquement leur emploi en cas de remariage. Il est très probable qu’en vertu de cette nouvelle mesure, le médecin concerné n’aurait aujourd’hui pas été licencié, a déclaré à Berlin le juriste Gregor Thüsing, qui suivait le procès pour l’Église. L’institution religieuse a cependant intérêt à clarifier les questions fondamentales touchant à l’appréciation du droit des Églises à l’autodétermination.

Pour Hans Langendörfer, en vertu de ce droit constitutionnel, il revient à l’Église et non pas aux tribunaux d’État de s’appuyer sur ses convictions religieuses pour définir les obligations de loyauté à imposer à ses collaborateurs, l’importance à donner à tout manquement et les règles pertinentes pour garantir la crédibilité de l’institution. Il a déclaré son intention d’analyser précisément les motifs du jugement. 

L’Église catholique désapprouve l’avis de la Cour

La Conférence épiscopale allemande catholique a montré une grande réserve dans ses commentaires sur l’avis rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) sur le licenciement d’un médecin remarié. L’institution considère cette décision d’un œil critique, car le droit constitutionnel des Églises à s’administrer librement dans leurs affaires internes «n’y est pas suffisamment considéré», a déclaré son secrétaire Hans Langendörfer, s’exprimant après l’annonce de l’arrêt. 

Pour l’Église protestante d’Allemagne (EKD), l’avis rendu par la CJUE vient à l’appui du droit des communautés religieuses à appliquer leur propre droit du travail. Dans le même temps, la Cour a souligné le rôle des tribunaux du travail en tant que garants des droits des employés en cas de décision arbitraire ou de traitement injuste, a fait valoir une représentante de l’EKD au Service de presse protestant (EPD). «L’Église protestante accorde une grande importance à cette protection, qui est assurée aux citoyens de la République fédérale d’Allemagne.»

À l’en croire, l’avis rendu sur les obligations propres au droit du travail de l’Église catholique romaine n’a en soi aucune importance aux yeux de l’EKD, de ses Églises membres et de la diaconie. Seuls les principes fondamentaux au cœur de cette décision sont à relever. La conception que se font les institutions religieuses des exigences à imposer à leurs collaborateurs doit ainsi être suffisamment respectée. «Il revient à l’Église et non pas aux tribunaux d’État de s’appuyer sur ses principes religieux pour définir les règles pertinentes pour garantir la crédibilité de l’Église et la propagation de son message, ainsi que l’importance à donner à un éventuel manquement grave à l’obligation de loyauté.»

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