Les méthodistes ferment la porte aux personnes LGBTQ

Des militants LGBTQ / ©RNS
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Des militants LGBTQ
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Les méthodistes ferment la porte aux personnes LGBTQ

Emily McFarlan Miller
27 février 2019
Après à quatre jours de session extraordinaire, les méthodistes ont décidé de refuser la consécration et le mariage aux personnes LGBTQ. Une décision qui pourrait avoir de lourdes conséquences sur la cohésion de l’Église.

Réunis en session extraordinaire du 23 au 26 février, les délégués de l’Église méthodiste unie, aux États-Unis, ont décidé d’interdire la consécration et le mariage aux personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, transsexuelles et queers (LGBTQ). Ce «plan traditionnel» a été adopté à 438 voix contre 384. C’était l’une des trois propositions pour que l’Église aille de l’avant sans se séparer. Toutefois, son adoption a laissé les partisans et les opposants inquiets face à l’avenir de la deuxième plus grande confession protestante du pays.

Plus tôt dans la journée, un effort ultime pour adopter une autre proposition, connue sous le nom de projet pour «Une seule Église» (One church plan), a échoué. Ce plan, recommandé par le Conseil des évêques, aurait permis aux Églises individuelles et aux conférences régionales de décider si elles souhaitaient consacrer et marier les personnes LGBTQ.

Le comité législatif, composé des 864 délégués de la Conférence générale, avait déjà rejeté le plan pour «Une seule Église», lundi 25 février. Les délégués ont ensuite rejeté, mardi, une proposition visant à remplacer le «plan traditionnel» par le plan pour «Une seule Église». Le même jour, un comité juridique de l’Église a jugé que certaines parties du «plan traditionnel» étaient inconstitutionnelles. Ainsi, les délégués ont dû débattre et approuver une série d’amendements. Certaines des questions constitutionnelles sont demeurées en suspens, même après l’adoption du plan. Cet objet de vote a généré des heures de débats passionnés et virulents.

Retarder le vote

Certains opposants ont tenté de retarder le vote par une série d’amendements. «Nous allons proposer des amendements jusqu’à ce que les camions Monster arrivent», a affirmé le révérend Mark Holland, un délégué de la Conférence des Grandes Plaines. Mark Holland, dont le groupe «Mainstream UMC» défendait le plan pour «Une seule Église», faisait référence au prochain événement qui avait lieu dans le centre où les méthodistes se réunissaient: Monster Jam, une rencontre sportive motorisée. La session extraordinaire de la Conférence générale devait donc absolument se terminer à 18h30, en raison de cet événement. L’évêque Cynthia Fierro Harvey, qui a présidé cette session extraordinaire, a rappelé à plusieurs reprises aux délégués de terminer la tâche à accomplir. Et les tentatives de retarder le vote ont finalement échoué.

Des points de vue divers

Les délégués ont également débattu de la manière de négocier avec les Églises qui veulent quitter la dénomination. Des participants criaient depuis les tribunes: «Arrêtez de faire du mal!» Les débats ont révélé les profondes divisions au sein de la dénomination. Le pasteur Ken Carter, président du Conseil des évêques, a souligné que l’Église méthodiste unie — qui compte parmi ses membres Hillary Clinton et Jeff Sessions — avait toujours inclus divers points de vue. «Nous sommes une Église qui rassemble des personnes ayant des visions différentes du Royaume de Dieu. Je crois que c’est ainsi qu’est le corps du Christ.» Ken Carter a reconnu que les méthodistes aux États-Unis n’avaient pas toujours été en mesure de s’entendre. Certaines fois, ils ont trouvé des moyens de travailler ensemble. «L’Église méthodiste d’Amérique s’est unie et divisée, puis réunie et redivisée», a-t-il rappelé.

Des opposants déçus

Les réactions des opposants au «plan traditionnel» étaient multiples. La pasteure Pamela Lightsey, professeure de théologie à la Meadville Lombard Theological School de Chicago, craignait que ce projet n’ouvre la voie à «une foule de problèmes plus sérieux». «Les gens ne parlent pas encore de partir, bien que nous ayons l’impression que l’Église tente de nous laisser tomber», a-t-elle constaté avant que tous les votes soient finalisés.

Les méthodistes LGBTQ et ceux qui soutiennent leur pleine inclusion dans l’Église doivent décider ce qu’il va se passer pour la suite, a relevé le pasteur Gregory Gross, un délégué de la Conférence du Nord de l’Illinois et organisateur pour le Queer Clergy Caucus, un groupe de ministres LGBTQ. Il se peut qu’il n’y ait plus de place pour eux dans l’Église méthodiste, a-t-il déploré. Ces personnes devront peut-être envisager «une nouvelle expression du méthodisme». «C’est écœurant de voir à quel point les gens nous détestent, à quel point ils n’aiment manifestement pas les personnes LGBTQ et se sentent menacés par nous. C’est dégoûtant et démoralisant. Finalement, nous savons au moins qui sont ces personnes.»

Un tournant «historique»

Mark Tooley, président de l’Institut conservateur sur la religion et la démocratie, a qualifié la journée de mardi de «capitale» et «historique». En approuvant le «plan traditionnel», la dénomination montre qu’elle «se distancie de son identité libérale américaine pour se rapprocher d’une nouvelle identité mondiale enracinée dans l’orthodoxie chrétienne», a souligné Mark Tooley dans un courriel. «L’Église méthodiste suit un chemin différent des autres Églises protestantes aux États-Unis, qui sont toutes en déclin.»

Il a reconnu que certaines parties du plan avaient été jugées inconstitutionnelles par le Conseil juridique et n’avaient pas été modifiées avant leur adoption. Néanmoins, la décision était importante. «L’adoption de la partie du plan qui est constitutionnelle est un grand pas en avant pour le rôle international de l’Église.» Mark Tooley s’attend à ce que certains paragraphes soient ajoutés lors de la prochaine session ordinaire de la Conférence générale, prévue pour 2020 à Minneapolis. «Globalement, l’avenir de l’Église, bien qu’avec de nombreux obstacles, semble prometteur.»

En phase avec l’Afrique

Le pasteur Jerry Kulah, délégué de la Conférence du Libéria et doyen de l’École de théologie de Gbarnga dans la capitale, Monrovia, a affirmé ne pas être inquiet par le plan dont le Conseil juridique s’est actuellement saisi. «Nous avons un Conseil juridique qui est là pour nous aider à perfectionner tout ce que nous faisons et qui n’est peut-être pas conforme avec le Livre de discipline (ndlr. qui constitue le droit et la doctrine de l’Église méthodiste).» Jerry Kulah s’était prononcé en faveur du plan traditionnel, affirmant que l’Église en Afrique est en pleine croissance en raison de son engagement pour le «christianisme biblique», qui soutient l’idée que le mariage doit être réservé à un homme et une femme. «L’Église en Amérique ne peut pas vivre d’une certaine manière et l’Église en Afrique d’une autre», a-t-il ajouté.

Jorge Lockward, un délégué de la Conférence de New York, qui portait une étole avec un arc-en-ciel, a précisé que pendant la session extraordinaire, les méthodistes unis étaient honnêtes sur leurs divisions. Maintenant, dit-il, il est temps de prier. «Gardez espoir!», a-t-il lancé à un groupe d’étudiants à la fin de la session. En arrivant à la Conférence générale, Jorge Lockward espérait voir «le souffle de l’Esprit». C’est ce qui s’est passé, mardi, lorsque les délégués se sont rassemblés au centre de la salle et que les évêques sont descendus prier avec eux.

«Je me suis toujours senti aimé par l’Église, mais toujours un peu en marge, et pour la première fois de ma vie, j’ai senti que j’étais complètement dedans.» Malgré les résultats, il est persuadé que Dieu est toujours à l’œuvre dans l’Église méthodiste unie. «Ce que je sais, c’est que l’Esprit souffle et que nous avons besoin de garder nos girouettes bien huilées... pour pouvoir le suivre.»

L’Église méthodiste unie compte plus de 12,5 millions de membres dans le monde. Environ 58% des délégués à la Conférence générale venaient des États-Unis, où l’Église méthodiste unie est la deuxième confession protestante, avec près de 7 millions de membres. Près de 41% provenaient de conférences centrales en dehors des États-Unis, y compris d’Églises en expansion dans des pays africains et aux Philippines.

Emily McFarlan Miller, St Louis, Missouri, RNS/Protestinter