Pastorat féminin en Suisse romande: un long chemin

Lauriane Savoy a soutenu sa thèse en théologie pratique en février 2022. / ©Rzn Torbey
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Lauriane Savoy a soutenu sa thèse en théologie pratique en février 2022.
©Rzn Torbey

Pastorat féminin en Suisse romande: un long chemin

Précurseur
Les femmes ont pu devenir pasteures dès 1928 à Genève, et seulement en 1972 sur Vaud. Dans une thèse soutenue en février, la chercheuse Lauriane Savoy compare ces deux situations.

A Genève, l’ouverture du pastorat aux femmes est acceptée «très largement» par le Consistoire en mars 1928, remarque Lauriane Savoy, «surtout au regard du droit de vote des femmes», qui est refusé par les citoyens du canton à cinq reprises. C’est une jeune femme aspirant à devenir pasteure, Marcelle Bard, fille d’un pasteur et professeur de théologie, qui pousse l’Eglise à se positionner.

Mais un statut particulier est alors créé pour les femmes: elles sont «pasteures auxiliaires», et ne peuvent exercer que dans des paroisses où un homme est déjà nommé. «Mais dans les faits, elles pratiquaient les mêmes tâches et le même métier», note la chercheuse. Ce statut particulier, abandonné en 1968, s’explique: «Dans la société de l’époque, il était compliqué de concevoir qu’une femme puisse avoir une position d’autorité, et concilier pastorat et maternité.»

Dans la société de l’époque, il était compliqué de concevoir qu’une femme puisse avoir une position d’autorité

Vaud freiné par le statut étatique

Le canton de Vaud compte à l’époque une Eglise libre de «5600 membres seulement, mais qui joue un rôle important sur le plan intellectuel ou social. La première femme pasteure, Lydia von Auw, y est consacrée en 1935». Mais dans l’Eglise nationale vaudoise, majoritaire, ce n’est pas le cas. Le Conseil synodal, saisi par un pasteur désireux de donner plus de responsabilités aux femmes, réalise une enquête auprès des Conseils de paroisse en 1929: «Sur le terrain, les réactions sont très négatives: ‹pas de pasteur en jupon›», cite Lauriane Savoy. Qui décrypte: «Les trois personnes en position d’autorité dans les villages sont alors le syndic, le régent (l’instituteur, NDLR) et le pasteur. Pour beaucoup de Vaudois, imaginer une femme dans cette triade virile est alors tout simplement impossible.»

Les deux Eglises vaudoises fusionnent en 1966. Et, en 1972, le pastorat y est enfin ouvert à toutes les femmes, alors que c’est déjà le cas dans les autres cantons suisses. Pourquoi ce décalage avec Genève? D’abord, en raison de différences sociologiques, Vaud étant un territoire plus rural et donc conservateur. Ensuite, pour des questions institutionnelles: «L’Eglise vaudoise reste liée à l’Etat, contrairement à Genève. Les innovations y sont plus difficiles, car les autorités politiques jouent un rôle important dans le gouvernement ecclésial. Les résistances politiques face au suffrage féminin se transposent dès lors plus facilement dans l’Eglise», explique Lauriane Savoy. De plus, un mouvement conservateur, Eglise et liturgie, fondé en 1930 par quelques pasteurs sur des questions cultuelles, «prend des positions hostiles à la possibilité pour les femmes d’exercer des responsabilités, et publie plusieurs brochures avec tout un argumentaire théologique», détaille la chercheuse.

Des innovations majeures

Une fois généralisé, le pastorat féminin est étonnamment bien accepté sur le terrain. Mais «pas toujours par les collègues»! Il participe au renouvellement de la fonction et de l’Eglise. Dès les années 1970, certaines figures contribuent à la créativité liturgique et théologique, ainsi qu’à l’ouverture oecuménique. Et pouvoir s’adresser «à un homme ou à une femme a fluidifié les relations des fidèles avec l’Eglise», souligne Lauriane Savoy, car, selon les personnes ou les situations de vie, le genre peut revêtir une importance. Enfin, le travail théologique sur l’interprétation des textes a permis aux institutions d’être plus inclusives. «Dès qu’une Eglise dépasse une interprétation littérale des textes, oppressante pour les femmes, elle peut aussi remettre en question ceux concernant l’homosexualité», observe, par exemple, Lauriane Savoy.

Thèse

«L’ouverture du ministère pastoral à la mixité femmes-hommes dans les Eglises protestantes de Genève et Vaud.» Thèse de doctorat en théologie.

Disponibilité: Archive ouverte de l’Université de Genève. Parution possible en 2023.

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