La fatalité mise en déroute

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La fatalité mise en déroute

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Pâques est certainement la plus importante des fêtes chrétiennes. Son message est celui de l’espérance, qui transcende même la finitude de la mort. Comment partager cette Bonne Nouvelle à notre époque?

«Je trouve qu’il existe une différence fondamentale entre futur et avenir», déclare Félix Moser, professeur honoraire de théologie pratique à l’Université de Neuchâtel. «Un arbre a un futur, mais il suffit d’une décision de la Ville pour qu’il soit coupé. L’homme a un avenir. Collectivement, il est responsable de ce qui va lui arriver», commente le théologien. «Ainsi, l’espérance chrétienne s’inscrit dans notre présent», explique-t-il. 

«Aujourd’hui les classes les plus défavorisées vivent une grande insatisfaction, elles se sentent trahies face aux promesses d’un avenir meilleur qui semble de plus en plus irréel. Cela entraîne du désespoir, de la colère ou encore différentes formes de fatalisme. La tentation est grande de se replier dans une recherche de bien-être et de satisfaction immédiate», poursuit-il. «Je note que d’autres manières de réagir se dessinent, en particulier nombre de jeunes tirent la sonnette d’alarme. En extrapolant les données d’aujourd’hui, les calculs des scientifiques nous annoncent un avenir problématique et une mobilisation s’opère autour de ce constat.» 

Comment vivre l’espérance chrétienne dans ces conditions? «Elle se distancie des marchands d’illusions, elle s’appuie sur la conviction que Dieu est présent de façon secrète», explique Félix Moser. «L’espérance chrétienne invite à mener un combat intérieur pour l’accueillir et la faire vivre dans notre quotidien avec d’autres. Elle refuse les formes violentes de transformation du monde, la fin ne justifie pas les moyens. Elle ressemble à une graine, qui est appelée à porter du fruit.» 

Il poursuit: «Le philosophe Martin Buber disait: la seule chose qui puisse devenir fatale à l’homme, c’est de croire à la fatalité›. L’espérance chrétienne doit agit comme une forme d’anti-fatalisme», plaide Félix Moser. «Les chrétiens sont appelés à s’engager pour plus de justice et de paix. L’espérance nous engage pour l’avenir de notre monde, même si nous croyons que l’avenir appartient à Dieu.» 

«La Bible est un formidable antidote contre la désespérance: elle est traversée d’exemples où la fatalité, elle-même, a été mise en déroute. Pensons à Abraham et Sarah, confrontés à la stérilité; Bartimée cloué au bord du chemin et rabroué par la foule; les disciples d’Emmaüs, emmurés dans la logique du deuil au lendemain de la croix», se réjouit pour sa part Simon Butticaz, professeur de Nouveau Testament à l’université de Lausanne. «L’Écriture appelle en son cœur à une refondation de l’espérance: elle ouvre des horizons au-delà des seules possibilités humaines; elle fracture les verrous de la paralysie, déjoue les logiques du raisonnable, enraye les mécanismes de la peur. C’est là la ‹Bonne Nouvelle› de Pâques dans l’aujourd’hui, la ‹promesse› agissante de ce Dieu dont la résurrection du Crucifié est l’étendard, comme l’a redécouvert le grand théologien allemand Jürgen Moltmann.» 

Diversité des espérances

« L’espérance est au faîte du lexique religieux. La Bible hébraïque la nourrit de la promesse divine. L’islam la fonde, face à la crainte, dans l’agrément divin des oeuvres humaines. Au sein du christianisme, son statut de ‹vertu théologale› la place au même niveau de dignité conceptuelle que l’amour et la foi», écrit le philosophe Philippe Capelle-Dumont, directeur de publication de la Revue de sciences religieuses dans le texte liminaire au dossier consacré à l’espérance. Il poursuit: «Qu’elle en ait été ici ou là exilée, l’espérance est restée la grande affaire de la philosophie, de Spinoza à Marx, de Hegel à Kierkegaard, de Levinas à Ricœur.» Le regard est aussi tourné vers l’au-delà dans le bouddhisme où le croyant espère atteindre l’Eveil: un état d’amour et de compassion intenses, profonds et débordants, libéré de façon parfaite et inconditionnée de toute limitation subjective. 

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