Leur métier est de porter l’espérance

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Leur métier est de porter l’espérance

24 mars 2020
Les aumôniers apportent une assistance spirituelle à ceux qui en ont le plus besoin. Souvent, leur présence redonne un peu d’humanité.

« Celui qui souffre a besoin de présence »

 

Elisabeth Schenker Aumônière aux Hôpitaux universitaires et pasteure de l’Église protestante de Genève.

«Espérance› ne fait pas partie de mon vocabulaire, c’est un mot théologique. Je n’ai pas d’espérance, j’ai des certitudes, des expériences de relation avec Jésus», note tout de go Elisabeth Schenker. 

«Quand je rencontre un patient, je crois que Jésus est déjà là, mais celui ou celle qui souffre dans un hôpital a besoin de présence humaine. Cette présence permet d’apaiser la souffrance morale, la peur», explique-t-elle. «Ma foi, c’est ce qui me permet de ressortir d’une chambre d’hôpital sans me dire que la vie est injuste! La vie a une valeur qui ne dépend ni de sa longueur, ni de ce qu’on en a fait», note la pasteure régulièrement confrontée à des situations dramatiques. «Quand tu es aumônier, tu ne parles que rarement de ton espérance. Quand on me demande, je dis simplement qu’il faudrait être prétentieux pour dire que la vie s’arrête à ce qu’on en voit», explique-t-elle.

«Pour ma part, je vais vers l’autre en étant persuadée qu’après la mort on rencontre l’Amour». Par contre, elle souligne: «Je ne peux pas dire si l’on témoigne de l’espérance ou pas. Seuls les gens que l’on accompagne le pourraient.» Mais pour elle, ce qui compte dans son métier, ce n’est pas tant de parler: «Le Christ nous a dit d’avoir confiance. 

Ce qui compte, ce n’est pas de parler, c’est d’écouter, c’est d’être là… ». 

« Leur permettre de dire leur espérance »

 

 

Luc Genin Membre de l’aumônerie cantonale neuchâteloise auprès des requérant d'asile. 

 

«L’espérance, je la rencontre au quotidien. Elle se traduit dans l’espoir d’une vie meilleure. L’espoir de ne pas être renvoyé. Ne pas subir Dublin, des accords qui conduisent vers le pays de transit. L’espoir d’un permis. Quand le Secrétariat d’Etat aux migrations (SEM) dit non et que le recours est jugé perdu d’avance, l’espoir irréaliste de trouver un travail, de se marier pour dire que tout n’est pas perdu», énumère Luc Genin, aumônier auprès des requérants d’asile. «La phrase se ponctue par un ‹Inch’ Allah› dont la conviction est parfois difficile à mesurer», écrit le ministre. «L’espérance produit la patience, la ténacité, même l’obstination. Cela me touche. Comme quand ils ont marché durant des mois avec leur femme et de très jeunes enfants d’Afghanistan jusqu’en Grèce ou qu’ils sont restés agrippés sous un camion pendant des milliers de kilomètres.» 

L’aumônier raconte: «Mercredi passé, j’ai demandé à Abel, un requérant qui se trouve maintenant à Tête de Ran, un centre cantonal, quel était son espoir et ce que cela représentait pour lui. Il m’a dit: ‹Espérer une vie nouvelle, un nouveau départ, par rapport à ce que j’ai traversé pour arriver jusqu’ici. Espérer une vie avec plus de bonheur.» Seul en Suisse, sa famille restée au Togo, le trentenaire «sait que la vie n’est pas facile, mais elle est très belle, c’est pourquoi il faut toujours garder l’espoir», rapporte Luc Genin. 

« Redonner de l’humanité »

 

Adrienne Magnin Aumônière en milieu hospitalier (La Chaux-de-Fonds), ancienne aumônière en centre de soins palliatifs. 

«Quand les gens entrent à l’hôpital, ils peuvent avoir le sentiment d’être pris dans une procédure déshumanisante», témoigne Adrienne Magnin. «Mon espoir est que, à travers les soignants bienveillants et mon accompagnement, la personne retrouve son humanité, et qu’elle se rende compte que sa vie ne se résume pas à sa maladie, la crise de santé, ou la fin de vie. Qu’elle puisse malgré tout retrouver une dynamique de vie!» L’aumônière nuance toutefois le terme d’espoir ou d’espérance. 

«Pour moi, il n’est pas tellement question d’espoir ou d’espérance, mais d’une certitude: que Dieu est là, qu’l est notre berger, qu’Il veille sur nous, et qu’Il ne nous manquera de rien. Mon espoir, ma prière, est que Dieu fasse de moi l’instrument de Sa paix, comme le dit si bien saint François d’Assise.» « Dans les établissements de soins, les gens espèrent rentrer ou retrouver leur vie d’avant. Ce sont des projets qui ne sont pas toujours réalistes.» Face à ces personnes, Adrienne Magnin se souvient de la prière de Jésus à Gethséman, tellement humain: «Eloigne de moi cette coupe de souffrance! Pourtant, ne fais pas ce que je veux, mais ce que tu veux.» Elle y voit un Jésus se confiant en un Dieu d’amour pour la suite, et ce malgré les épreuves qu’il sait l’attendre. Son histoire nous donne l’espérance que Dieu a un projet pour chacun. «Jésus nous montre que l’essentiel est dans l’attitude avec laquelle nous choisissons de vivre.»