Transplantation? Une cascade de questions

Transplantation? Une cascade de questions / © Mathieu Paillard
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Transplantation? Une cascade de questions
© Mathieu Paillard

Transplantation? Une cascade de questions

Gilles Riquet, pasteur
6 mai 2022
Bioéthique
Les Suisses sont appelés à s’exprimer sur une modifcation de la loi sur la transplantation. Le texte soumis au vote modife les modalités d’expression du consentement ou du non-consentement au don d’organes.

Le 15 mai, une modifcation de la loi concernant le prélèvement d’organes sera soumise à votation: désormais est donneur potentiel – et effectif avec l’accord de ses proches – quiconque n’aura pas fait enregistrer au préalable son opposition. Ainsi, l’ignorance, l’oubli, l’inadvertance ou la négligence à suivre la procédure équivaudront à un assentiment tacite: les organes pourront être prélevés légalement sans autorisation explicite. Par ce biais, la chirurgie espère accéder à davantage d’organes.

Le procédé fait violence aux droits de la personne, puisqu’il présuppose un accord là où celui-ci n’existe pas. Cependant, la détresse des demandeurs pourrait malgré tout justifer cette entorse – si toutefois la transplantation elle-même ne soulevait pas de graves questions.

En effet, pour être viables, les organes doivent être prélevés sur un corps dont le cœur bat, dont la circulation sanguine, la régulation de la température et celle des hormones fonctionnent. C’est donc un être vivant qu’on opère pour en «tirer» ce dont on a besoin pour d’autres. Intervention évidemment condamnable sur le plan légal, que seule lève la nouvelle définition juridique de la mort: est «mort» tout patient dont l’ensemble du cerveau ne montre plus d’activité. Alors seulement, ses organes peuvent être prélevés, après quoi il est regardé comme mort au sens usuel du terme.

Or, ce «mort cérébral» peut réagir physiquement pendant l’opération: élévation drastique du pouls, de la tension artérielle, de la sudation au moment de l’incision. Inconscient, l’opéré «sent» tout de même son corps. C’est pourquoi des anesthésistes lui administrent calmants et analgésiques avant le prélèvement.

Questions en vrac: selon notre foi, un être humain n’est-il pas une unité sacrée corps, âme et esprit que l’on ne peut démembrer? Et selon les textes légaux, l’intégrité de la personne n’est-elle pas inaliénable, violée alors par un prélèvement sans consentement? Est-il permis de considérer l’homme comme une chose à dépecer, une réserve de pièces détachées, un magasin d’accessoires? N’existe-t-il pas des sorties de «coma irréversible» avec guérison complète? Ne souhaitons-nous pas tous mourir en paix de notre propre mort? Et encore: peut-on mettre en balance les vies, celle du bénéficiaire pleine d’espoir contre celle du donneur qui se termine? Et enfin, connaît-on les causes de la réticence des Suisses à l’égard du don d’organes?

Jésus a guéri des êtres qu’on rejetait parce qu’ils n’avaient plus toute leur tête. Lui n’a pas considéré leur vie comme méprisable. Au contraire, il s’est fait proche d’eux. Proche de l’inconscient qui ne sait plus qui il est, du plus pauvre des pauvres qui n’a même plus de cri pour se défendre, du mourant muet que l’on allonge sur la table d’opération, du «perdu pour perdu» qui ne sera jamais perdu pour lui.

L’Eglise évangélique réformée de Suisse a pris position sur cet objet.

A lire sur le site www.everf.ch.

Gilles Riquet a été pasteur de plusieurs Eglises françaises en Suisse alémanique. Il vit sa retraite à Winterthour.