La morale à la Maison-Blanche serait dictée plus par les industriels que des religieux

© Keystone / AP / EVAN VUCCI
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© Keystone / AP / EVAN VUCCI

La morale à la Maison-Blanche serait dictée plus par les industriels que des religieux

12 septembre 2017
Après les émeutes de Charlottesville, Donald Trump n’a pas dénoncé les actes racistes qui y ont été commis, provoquant des vagues de démission au sein de ses groupes de conseillers. Seul le Conseil consultatif évangélique semble épargné.

Le révérend Alphonso R. Bernard a démissionné du Conseil consultatif évangélique de la Maison-Blanche. Cette décision fait suite aux commentaires largement critiqués du président Trump après le rassemblement de suprémacistes blancs à Charlottesville en Virginie. A.R. Bernard a expliqué que son départ était dû à un «conflit de valeurs de plus en plus profond» avec l’administration. Pasteur principal du Centre culturel chrétien (Christian Cultural Center), la plus grande Eglise évangélique de New York, A.R. Bernard a rendu publique sur tweeter sa lettre de démission de ce conseil tant décrié, mi-août.

A. R Bernard, âgé de 64 ans, était sans doute le membre du Conseil évangélique qui était le plus susceptible de se dissocier publiquement des positions de Trump. Adolescent, il était activiste pour les droits civils et il dirige actuellement une Eglise à Brooklyn où Trump a récolté peu de suffrages. Loes des dernières élections, il avait soutenu les candidats démocrates Bill Clinton et Barack Obama. Il a une position plus ouverte sur le mariage homosexuel que beaucoup de ses collègues chrétiens évangéliques.

Bernard s'était déjà exprimé sur CNN afin d'encourager les membres du Conseil consultatif évangélique à se montrer plus critique envers le président: «J’aimerais voir un plus grand nombre de responsables évangéliques du conseil se prononcer de façon claire, mais ça ne veut pas dire qu’ils doivent démissionner».

Influence évangélique à la Maison-Blanche

Durant sa campagne, en juin 2016, Donald Trump avait mis en place ce groupe et avait promis qu’il entrerait en fonction en cas de victoire. L’actuel président n’était alors que candidat à la candidature républicaine. Cet organe devait se rencontrer régulièrement pour «apporter soutien et conseils à Donald Trump sur les questions qui importent aux évangéliques et aux autres fidèles en Amérique», selon les promesses d’alors. Après les élections, le conseil n’a pas été officiellement convoqué par l’administration, mais il n’a pas non plus été dissous. Depuis lors, «sa relation avec la Maison-Blanche est restée informelle certes, mais active», explique Johnnie Moore, auteur évangélique, partisan et porte-parole du groupe dans un courriel à l’agence Religion News Service. «Les membres du conseil ont participé à toutes les réunions évangéliques et certains d’entre nous ont joué les éminences grises d’une façon ou d’une autre au sein du gouvernement», explique-t-il.

La Maison-Blanche a organisé de nombreuses rencontres avec d’éminents chrétiens évangéliques depuis que Donald Trump est au pouvoir, y compris un dîner au mois de mai, le soir avant la Journée nationale de la prière dans la Salle Bleue de la Maison-Blanche, et deux rencontres en juillet. Le Révérend James MacDonald, pasteur de la Harvest Bible Chapel dans la banlieue de Chicago, a été le premier à démissionner du Conseil évangélique en automne dernier à la suite de la parution d’un enregistrement de 2005 de Trump faisant des commentaires indécents sur les femmes. En lien avec sa démission, A. R. Bernard a annoncé sur Twitter qu’il s’était distancié du Conseil évangélique il y a plusieurs mois.

Réactions claires des milieux économiques et culturels

Quand Donald Trump a déclaré qu’il y avait des «personnes bien ("good people"» tant chez les manifestants que du côté de leurs adversaires, des chefs d’entreprise appartenant à des groupes consultatifs de la présidence ont démissionné et on déclaré le faire en raison de leur attachement à la tolérance et à l’égalité raciale. Cette vague de démission a poussé Donald Trump à dissoudre les deux organes qui le conseillaient en matière de politique économique. Le 18 août, les derniers membres du Comité présidentiel conseillant Trump sur les questions sociales ont également renoncé à leurs fonctions dans une lettre collective.

Les regards se sont alors tournés vers les conseillers religieux du président, qui ne se distanciaient pas de Donald Trump. «Alors que les représentants de l'économie et de l'industrie prennent position contre la suprématie blanche et l’échec de Donald Trump à dénoncer les racistes pour ce qu’ils sont, aucun des membres de son Conseil évangélique — les soi-disant évangéliques — n’ont démissionné de leurs postes», écrit John Fea, professeur au Messiah College en Pennsylvanie qui enseigne le christianisme et l’histoire américaine. «Apparemment, ce sont les industriels, et non les religieux qui portent un message moral à la Maison-Blanche.»

Tandis que de nombreux membres du groupe du Conseil évangélique se sont prononcés dernièrement dans les médias sociaux et en chaire contre le sectarisme, ils ont également déclaré que ce serait injuste d’abandonner un président qui a plus que jamais besoin de conseillers fidèles. Ils n’ont pas non plus abandonné A. R. Bernard, puisqu’ils l’ont complimenté sur Twitter et dans les médias. «Je respecte profondément, comme je l’ai toujours fait, le Dr Bernard», a écrit Johnnie Moore. «Parfois, nous avons des désaccords, mais cela ne change pas notre engagement à une foi et notre amitié commune. Nous continuerons à solliciter son point de vue sur les questions importantes.» Plus de 80% des évangéliques blancs ont voté pour Donald Trump, la plus grande proportion parmi tous les groupes religieux interrogés. Ces électeurs disent souvent que même s’ils n’approuvent pas le comportement personnel du président, ils admirent ses compétences, son leadership et son sens des affaires.