La loi genevoise sur la laïcité est déjà menacée

© Istock / © Istock
i
© Istock
© Istock

La loi genevoise sur la laïcité est déjà menacée

Législation
Fin avril, Genève est devenu le premier canton suisse à se doter d’une loi sur la laïcité a n d’encadrer les rapports entre l’Etat et les religions. Le texte est déjà contesté par plusieurs référendums.

Le projet de loi sur la laïcité découle de la nouvelle Constitution genevoise, votée fin 2012. Un article y indique que «les autorités entretiennent des relations avec les communautés religieuses». Restait alors à préciser la nature de ces relations... Pour ce faire, un groupe de travail a été constitué. Son rapport au Conseil d’Etat a ensuite été retravaillé par la Commission des droits de l’homme du Grand Conseil. Le projet de loi a été adopté le jeudi 26 avril par les députés du Grand Conseil genevois. Les 63 oui – contre 25 refus et 3 abstentions – ont fait de Genève l’unique canton à avoir légiféré sur la laïcité. Pas si étonnant puisqu’il s’agit également du seul canton où la neutralité religieuse de l’Etat est revendiquée si fortement.

Les spécificités genevoises

Genève et Neuchâtel sont les deux seuls cantons suisses à se définir comme laïques. Le paiement de l’impôt ecclésiastique y est facultatif. Cependant, les trois Eglises reconnues par l’Etat de Neuchâtel (Eglise réformée évangélique et Eglises catholiques romaine et chrétienne) sont soutenues par un concordat, qui leur accorde un total de 1,5 million de francs par an.

A Genève, c’est 0 franc depuis la loi de 1907. Le nouveau texte ne change pas cet état de fait. Aucune subvention directe donc, mais pas non plus de contribution financière indirecte. A titre d’exemple, l’Etat ne contribue pas au financement des aumôneries qui représente 10 % du budget de l’Eglise protestante de Genève (EPG), ou à l’entretien des nombreux édifices ecclésiastiques.

Cependant, l’Etat se charge de récolter la contribution ecclésiastique volontaire, avec la déclaration d’impôt, puis de la verser aux Eglises. Cela représente 15 à 20 % du budget de l’EPG. Ce service, rendu par l’Etat, était remis en cause par la nouvelle loi. Il est finalement maintenu: «Nous avons évité le pire. Nous sommes globalement satisfaits même si un certain nombre de points posent question. Cette loi péjore notamment la situation des biens incamérés (les édifices ecclésiastiques dont la propriété a été transférée aux Eglises par les communes, ndlr). Certaines promesses nous laissent espérer que cela ne sera plus le cas après le toilettage prévu de la Constitution», précise le président de l’EPG, Emmanuel Fuchs.

L'esprit de la loi

La loi interdit notamment les manifestations religieuses sur le domaine public et le fait de masquer son visage dans les bâtiments publics. Le port de signes religieux ostentatoires est également interdit aux élus du parlement cantonal et des délibératifs communaux, en plus des magistrats et des fonctionnaires en contact avec le public.

Cette loi «pose à la fois la base d’une relation possible entre le Conseil d’Etat et les Eglises et d’une reconnaissance du travail des Eglises pour le bien commun. L’esprit dans lequel elle a été rédigée nous laisse espérer une marge de manœuvre, notamment pour le travail des aumôneries et l’enseignement du fait religieux», espère Emmanuel Fuchs.

Vers une votation populaire?

Le texte voté ne fait de loin pas l’unanimité puisqu’il est attaqué par voie judiciaire par les Verts et également menacé par quatre référendums. Les raisons en sont plurielles, notamment l’interdiction du port de signes religieux pour les élus et les fonctionnaires et la possible restriction de la liberté de croyance. Si 6'500 signatures sont récoltées d’ici le 20 juin, les Genevois seront appelés aux urnes pour se prononcer