«Reconnaître la dimension religieuse de chacun est primordial»

Christelle Luisier Brodard, nouvelle présidente du gouvernement vaudois, mène le processus de reconnaissance des communautés religieuses.
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Christelle Luisier Brodard, nouvelle présidente du gouvernement vaudois, mène le processus de reconnaissance des communautés religieuses.

«Reconnaître la dimension religieuse de chacun est primordial»

4 juillet 2022
Réélue au Conseil d’État et désormais présidente du gouvernement vaudois, Christelle Luisier Brodard veut mener à terme le processus de reconnaissance des communautés religieuses du canton.

C’est son choix: Christelle Luisier Brodard, désormais présidente du gouvernement vaudois, garde les rênes du Département des institutions et du territoire (DIT). Et ce, même si le pan religieux de ce dicastère regorge d'enjeux complexes, à l’heure où la Commission consultative en matière religieuse (CCMR) poursuit son instruction auprès des trois communautés religieuses candidates au statut d’intérêt public: la Fédération évangélique vaudoise (FEV), l’Union vaudoise des associations musulmanes (UVAM) et la Fédération anglicane et catholique chrétienne. Interview.

Ce travail d’instruction s’apparente-t-il à une opération de surveillance?

Il ne s’agit en aucun cas de surveillance. La Constitution vaudoise offre la possibilité à une Église d’être reconnue d’intérêt public. C’est la communauté intéressée qui en fait la demande. À partir de là s’ouvre une démarche partenariale entre elle et l’État, qui l’accompagne dans le processus de reconnaissance. Celui-ci s’inscrit toutefois dans un cadre fixé par une loi. Il nous appartient donc de veiller à ce qu’il soit respecté et c’est la mission de la CCMR. Au-delà de l’aspect légal, je relève que le dialogue instauré est bénéfique pour tous et à long terme. Selon moi, reconnaître la dimension religieuse de chacun est primordial pour la cohésion dans notre canton, cela dans une dimension de respect et de compréhension des uns envers les autres.

Si une communauté est reconnue d’intérêt public, y aura-t-il encore des pointages?

Dès le moment où une reconnaissance est acquise, les conditions fixées à son obtention devront subsister, ce qui supposera effectivement d’assurer un suivi, dont la forme et le rythme restent à définir. Le but est toutefois de créer et de développer un lien de confiance entre les communautés reconnues et l’État.

Ce traitement n’induira-t-il pas une inégalité avec les Églises historiques?

Les Églises historiques sont reconnues de manière constitutionnelle. Il y aura de fait une différence de traitement, mais elle est assumée. Et ce depuis la création de ce processus de reconnaissance.

Il n’est pourtant pas exclu que, dans certaines paroisses protestantes ou catholiques, des ministres puissent tenir des propos intolérants…

Les risques existent bien entendu, mais nous sommes dans un dialogue régulier avec les Églises sur ces questions.

Pour certains courants évangéliques, le créationnisme est un fondement théologique. Est-il réaliste de penser qu’il soit totalement absent dans les Églises de la FEV?

Le travail mené par la CCMR permettra d’établir s’il existe un éventuel fondement théologique de cette nature. À cet égard, je rappelle que la déclaration liminaire d’engagement signée par les communautés prohibe notamment tout positionnement de leur part allant à l’encontre de l’enseignement prodigué dans l’école publique, qui est neutre politiquement et confessionnellement, ainsi que fondé sur des réalités scientifiquement établies.

De même, peut-on assurer que ces communautés sont irréprochables sur les questions d’égalité et d’homosexualité?

Comme je l’ai indiqué, les communautés ont dû signer, avant de s’engager, une déclaration liminaire qui contient des éléments liés à la non-discrimination. Certaines Églises évangéliques se sont d’ailleurs retirées de la FEV au moment d’entériner ces prérequis. D’autres se sont inquiétées de devoir, à terme, unir des couples homosexuels. Nous n’interviendrons pas sur les pratiques cultuelles. Il appartiendra à la CCMR d’établir si les communautés requérantes satisfont aux conditions légales.

Pourtant, selon une étude de l’Université de Bâle, les ministres issus des Églises historiques qui refuseraient de bénir des personnes homosexuelles pourraient, quant à eux, se voir sanctionnés pénalement…

Effectivement, selon l’appréciation des auteurs de cette étude, le risque d’une condamnation pénale ne pourrait être totalement exclu. En ce sens, leur conclusion pose une question sans qu’une réponse catégorique y soit visiblement apportée. L’étude indique ainsi qu’il y aurait lieu de procéder à une pesée des intérêts entre le droit de la communauté à l’indépendance spirituelle et le principe de non-discrimination.

Quand le travail de la CCMR sera-t-il terminé?

Le processus, qui dure cinq ans, a été retardé par le Covid. On peut imaginer que la CCMR termine son travail d’instruction concernant les Églises anglicanes et catholiques chrétiennes d’ici à la fin de cette année. Un projet de loi ou de décret pourrait donc être soumis au Grand Conseil en 2023. Pour les autres communautés requérantes, l’instruction durera à tout le moins jusqu’en 2024.

Si la CCMR rend un rapport positif, la reconnaissance sera-t-elle automatique?

Non. Le dossier remontera d’abord au Conseil d’État qui se positionnera, puis au Grand Conseil. Il existe également la possibilité d’un référendum facultatif. Ce processus est donc éminemment démocratique. Un préavis positif de la CCMR devrait cependant faciliter l’ensemble du processus d’approbation, notamment au niveau juridique. Une telle thématique dépasse cependant la seule rigueur du droit. Dès qu’on parle de religion cela ouvre un vaste débat. Personne ne peut donc empêcher qu’un député s’élève contre une reconnaissance.

De même, personne ne peut empêcher le peuple, à son tour, de refuser qu’une communauté soit reconnue…

C’est pourquoi nous devons être exemplaires. Le processus doit être transparent, équitable et connu. Le plus gros défi sera de faire connaître au mieux les tenants et aboutissants des demandes et des exigences de l’État envers les communautés. Ces thèmes doivent revenir au centre du débat de société.

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