Caroline Abu Sa’Da: «Je voulais impérativement sortir du discours culpabilisant»

Caroline Abu Sa'Da, créatrice et directrice de l’antenne suisse de SOS Méditerranée depuis 2017. / © Miguel Bueno
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Caroline Abu Sa'Da, créatrice et directrice de l’antenne suisse de SOS Méditerranée depuis 2017.
© Miguel Bueno

Caroline Abu Sa’Da: «Je voulais impérativement sortir du discours culpabilisant»

Rencontre
Caroline Abu Sa'Da est fondatrice et directrice de l’antenne suisse de SOS Méditerranée depuis 2017. Elle s'est prêtée au jeu des questions.

Vous avez créé seule l’antenne suisse de SOS Méditerranée, qui sauve des réfugiés en mer. Comment êtes-vous arrivée là? 

En 2016, j’ai co-écrit Non assistance, un documentaire sur la migration en Méditerranée. Suite à cela, SOS Méditerranée est venu me trouver. Puis j’ai pris mon bâton de pèlerin et je suis allée frapper aux portes pour trouver des partenaires et des fonds. Ce que j’apprécie à SOS Méditerranée, c’est cet ancrage dans la société pour comprendre ce qui indigne et motive les gens à s’engager. 

Quelles sont les conséquences de la Covid-19 sur votre action? 

Il y en a beaucoup. Nous avons pris la décision de ne pas repartir en mer pour le moment. Nous ne pouvions pas assurer la sécurité de nos troupes. Notre bateau, l’Ocean Viking, est amarré à Marseille et repartira probablement à la mi-juin. Nous nous séparons aussi de notre partenaire médical, MSF (Médecins sans frontières), car nous n’avions  pas la même manière d’envisager notre activité durant la crise. C’est un coup dur, mais j’aime ces moments où l’on doit réinventer les choses.

Votre ONG a la cote. Comment faites-vous?

J’ai souhaité établir des partenariats avec, notamment, le monde de la culture, dont nous recevons un important soutien. Nous avons été partenaires du Paléo festival en 2018. Nous nous associons à des festivals, des artistes, des théâtres. Il est important que chacun se sente faire partie d’une mobilisation plus large. Et je voulais impérativement sortir du discours culpabilisant. C’est une fonction lourde.

Qu’est-ce qui vous anime?

J’ai depuis toujours un amour pour le Moyen-Orient. J’ai beaucoup travaillé en Palestine, en Irak et en Syrie. Je suis aussi à moitié palestinienne, et arabophone. J’étais en Palestine lors de la première intifada et j’ai été horrifiée par le génocide au Rwanda pendant mon adolescence. Tout cela a fait partie de mon envie de m’engager.

Face à la situation actuelle, est-ce que vous gardez espoir?

Oui, toujours. Je ne suis pas optimiste au point de penser que l’on peut radicalement changer la situation, mais beaucoup sont au courant de ce qui se passe et ont envie de s’impliquer. Chacun est renvoyé à sa responsabilité personnelle.

Est-ce que vous avez un suivi des réfugiés après les avoir sauvés en mer?

Non. Mais les rescapés nous demandent une chose: «Tout sauf la Libye», tant les conditions y sont horribles. Nous respectons cela. Nous les remettons entre les mains des Croix-Rouge nationales. Notre responsabilité s’arrête là. 

SOS Méditerranée en bref 

L’ONG concentre son action sur la Méditerranée centrale. Son bateau, l’Ocean Viking, est présent au large des côtes libyennes, une des routes les plus meurtrières au monde. «Nous avons une double vocation: sauvetage mais aussi témoigner de ce qui se passe», explique la directrice. L’ONG voit le jour en 2015, et son antenne suisse en 2017. Elle a aussi un siège en France, en Allemagne et en Italie. En Suisse, 5 personnes sont salariées, avec environ 150 bénévoles actifs. SOS Méditerrané Suisse vit principalement de dons du grand public et des communes. L’ONG a secouru environ 32 000 personnes.