Linn Lévy: «Je souhaite aller vers le temps long, celui de la discussion et des détours»

© RTS/Anne Kearney
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© RTS/Anne Kearney

Linn Lévy: «Je souhaite aller vers le temps long, celui de la discussion et des détours»

Médias
Depuis la rentrée, l’émission télévisée Faut pas croire de RTS religion a une nouvelle présentatrice. Rencontre avec la journaliste genevoise Linn Levy.

Vous reprenez les rênes de Faut pas croire*, l’émission de spiritualité de RTS Un. Quel est votre lien à la religion?

Je suis agnostique. C’est-à-dire que je me soumets à mon ignorance et à mes limites. Je ne pourrais jamais me dire athée, car je n’ai pas de certitude. Je reste ouverte à tout. Dans mon tempérament, il y a peu de choses définies. Je suis plutôt en chemin. La foi est un cadeau. Elle est donnée. Mais je ne me considère pas comme ayant la foi.

Vous êtes de tradition juive?

Oui, je suis juive à 100%: d’éducation et de tradition! Ma judéité est quelque chose de très intime qui fait partie de mon identité profonde. Ce qui ne m’empêche en rien de présenter une émission sur d’autres traditions religieuses. Ce sont les questions de sens et de spiritualité qui sont cruciales.

Que peut apporter le regard religieux sur le monde d’aujourd’hui?

Faut pas croire s’intéresse aux questions religieuses, mais aborde aussi, et bien plus largement, les questions éthiques et philosophiques qui traversent nos sociétés. Poser un regard sur ce qui nous entoure, c’est marquer un temps d’arrêt. C’est prendre de la distance. C’est analyser. Ne pas se laisser dépasser. Parfois dans un inconfort.

L’ADN de Faut pas croire, c’est cela: créer un espace de pensée en recevant des personnes qui portent en elles un univers, une histoire, une culture, des dialogues. Nous sommes dans un monde où la vitesse et la performance sont érigées en valeurs absolues. Je souhaite aller vers le temps long, le temps de la discussion et des détours. Je veux ouvrir. Et souffler.

Le rire est un rempart merveilleux contre ce qui nous arrive

Allez-vous donner une nouvelle direction à l’émission?

J’ai le souhait de m’inscrire dans la direction de ce qui a été fait, et dont Aline Bachofner (présentatrice de Faut pas croire de 2012 à 2020, NDLR) a été la figure de proue. Je participe aussi à d’un travail collectif, au sein d’une équipe en émulation constante. Nous avons le désir de décrypter ce qui nous arrive dans un souci de transparence, sans aller dans la simplification à outrance. Nous voulons créer le débat, mais dans le sens de la discussion et de l’échange, et non pas d’une confrontation des avis. S’il faut apporter des changements, ce sera plus une question de couleur que d’orientation profonde. Par ailleurs, tout un travail va être fait sur le web (voir encadré).

Vous êtes quelqu’un d’enjoué. Vous n’avez pas peur de sourire, de rire, d’être naturelle. Est-ce que vous espérez dépoussiérer les clichés que l’on a sur la religion?

Non. On n’attend pas cela de moi. J’aime ce que disait David Le Breton dans une récente émission**: «Le rire est toujours une forme de résistance». C’est un rempart merveilleux contre ce qui nous arrive. Et cela nous unit. Il faut rire ensemble, mais pas à tout prix.

Vous êtes aussi journaliste littéraire. Comment voyez-vous cette transition?

Rien ne s’oppose. J’ai toujours eu soif d’apprendre, de comprendre, de rencontrer, de discuter. Et les auditeurs peuvent encore compter sur ma participation régulière à la newsletter littéraire de la RTS, QWERTZ, qui propose des textes et des entretiens audio.

D’où vient cette passion pour la littérature?

De mon enfance. Cela m’a toujours apaisée. Je pense la littérature en tant que compagnon. Les livres c’est la vie. Ils sont une partie intrinsèque de mon existence. Les livres; n’importe quel livre. Du manga au livre de philosophie. Les journaux aussi. Et même parfois des bêtises! Car au-delà des livres, ce sont les mots qui comptent. Un livre à recommander? Yoga, le dernier livre d’Emmanuel Carrère. Un vrai livre sur une quête personnelle.

Bio express

Linn Levy, nait en 1977 et grandit à Genève. Elle effectue un master en Relations internationales à l’IUHEI (2000), puis part à Londres étudier la philosophie politique à la London School of Economics (LSE) pour un deuxième master. Elle commence sa carrière de journaliste dans la presse écrite, à la Tribune de Genève (2003-2008), d’abord dans les rubriques internationale puis locale. Elle consacre ensuite l’essentiel de son temps aux rubriques culturelles des magazines de la RTS.

Mue de RTS religion

Fini le pilotage des émissions religieuses par deux producteurs, l’un catholique, l’autre réformé! Cath- info et Médiaspro, les partenaires confessionnels de la RTS ont signé une nouvelle convention: depuis le 1er septembre, chaque émission aura un seul producteur, choisi conjointement. Cela permet la création d’une unité de production numérique qui propose des contenus diffusés uniquement sur le web, rtsreligion.ch en particulier. Cette nouvelle convention ouvre également la voie à d’autres collaborations œcuméniques dans le domaine des médias.