Taizé dans le flux de son histoire

Les frères de Taizé prient dans l’église romane du village vers 1960. / ©DR
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Les frères de Taizé prient dans l’église romane du village vers 1960.
©DR

Taizé dans le flux de son histoire

Dynamique
L’historienne Silvia Scatena publie la première histoire de la communauté bourguignonne, singulier laboratoire d’unité chrétienne et creuset de renouveau spirituel.

Un pavé et un événement. L’ouvrage de Silvia Scatena l’est par l’épaisseur du volume et par le traitement réservé à son sujet. Sur 650 pages, l’historienne (professeure à l’Université de Modène et chercheuse associée à la Fondation pour les sciences religieuses de Bologne) offre la toute première histoire détaillée de Taizé, de ses origines romandes à son rayonnement mondial dans les années 1970.

Loin de se cantonner à la biographie du fondateur, elle s’attache à la communauté dans la pluralité de ses facettes. «Au-delà de Roger Schutz, qui reste le chef d’orchestre de l’ensemble, ce qui m’a intéressée, c’est la multiplicité des apports et des liens entre les frères et les différentes réalités ecclésiales ou historiques où leur projet s’est inséré, avec les débats houleux qu’il a pu susciter», explique Silvia Scatena.

Les premiers chapitres dessinent l’émergence de ce projet monastique au sein d’une nébuleuse d’étudiants protestants romands d’avant-guerre. Puis vient la fondation proprement dite à Taizé en Bourgogne, les premiers vœux et la rédaction de la règle. C’est à cette époque que se cristallise le vif désir d’unité chrétienne, qui connaîtra son apogée avec le concile Vatican II (1962-1965). Le livre analyse alors la désillusion œcuménique qui s’ensuit et l’invention du «concile des jeunes», relance novatrice intégrant le mécontentement juvénile de ces décennies. Tracé parallèle, l’historienne relate aussi l’essaimage en petites «fraternités», fondations aux expériences avant-coureuses, «au cœur des masses» et des Eglises.

L’ouvrage frappe par l’équilibre du jugement sur un sujet pour lequel l’autrice ne cache pourtant pas son empathie: «Taizé m’a beaucoup apporté sur le plan personnel… En retraçant la ‹parabole d’unité› de cette communauté, je voulais rendre aux frères un peu de ce qu’ils m’ont donné», confie-t-elle.

La richesse du travail est soutenue par la très ample documentation consultée: à Taizé même (où l’on avait pourtant longtemps affirmé ne pas en conserver, pour vivre la «dynamique du provisoire»), mais aussi dans nombre d’archives publiques et privées. A quand un second volume, qui reprendrait, depuis les années 1980, le fil de cette histoire passionnante? 

Racines romandes

On se souvient de la rencontre que Taizé a animée à Genève avec 40000 jeunes, au tournant 2007-2008. Mais les liens de la communauté avec la Romandie sont bien plus anciens. Ils sont même originels: le fondateur, frère Roger, était vaudois. Ceux qui deviendraient ses premiers frères étaient des étudiants lausannois, genevois et neuchâtelois. Une première expérience communautaire les a d’ailleurs rassemblés de 1942 à 1944 autour de la cathédrale de Genève.

A lire

Taizé, une parabole d’unité. Histoire de la communauté des origines au concile des jeunes, Silvia Scatena, Brepols, 2020, 650 p.

Vendredi 3 décembre à Genève, deux événements en lien avec cette publication : 17h30, au temple de Saint-Gervais, prière avec des chants de Taizé. 20h, à la salle André Trocmé (Rue Jean-Dassier 11), discussion avec Silvia Scatena et le prieur de Taizé, frère Aloïs.