Noël, une tradition qui garde un goût de merveilleux

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Noël, une tradition qui garde un goût de merveilleux

Tradition
Au-delà des coutumes et des croyances, la magie de Noël reste profondément ancrée sous nos latitudes. Tour d’horizon avec cinq personnalités issues de la tradition musulmane, bouddhiste, catholique, protestante et de la Libre Pensée.

PASCAL GEMPERLI

Porte-parole de la Fédération d’organisations islamiques de Suisse (FOIS) et secrétaire général de l’Union vaudoise des associations musulmanes (UVAM). Il s’exprime à titre personnel.

Noël, depuis toujours, prend une place importante dans notre famille. Quand tous les rendez-vous doivent être planifiés, les 24, 25 et 26 décembre restent fixes et irrévocables. Penser à Noël suscite le bonheur et fait chaud au cœur: la magie de l’enfance reste intacte.

Sur le plan personnel, Jésus – Issa en arabe – m’inspire amour et sérénité. Je le vois comme un modèle, planant au-dessus des querelles et préoccupations mondaines du commun des mortels. Les avis divergent au sein de la communauté musulmane, toutes traditions confondues, quant à la licéité de célébrer l’anniversaire du prophète Mohamed, c’est donc admis pour ceux qui le souhaitent. J’en déduis par analogie qu’il en va de même pour un autre grand prophète de l’islam : Jésus, tout en sachant que la date exacte du jour de naissance fait débat.

Dans la tradition islamique, Jésus est un signe pour les gens et une grâce venue de Dieu, il est rempli d’Esprit saint, parole de vérité et signe de la miséricorde, de la paix et de la joie de Dieu. C’est l’archange Gabriel qui annonce à Marie une maternité miraculeuse. Créé par le souffle divin au travers de la vierge Marie et né auprès d’un palmier, seul dans le désert avec sa mère, Jésus accomplit des miracles dès sa naissance, il est sans péché et monte vivant au ciel avant de revenir à la fin des temps.

Bien qu’accompagnée de merveilles, la naissance de Jésus dans un contexte pour le moins banal, sans pompe ni magnificence, nous rappelle le caractère éphémère des biens terrestres. Banalité et merveille sont intrinsèquement liées et font partie du message. 

THIERRY DEWIER

Président de Libre Pensée romande (LPR)

Noël est une fête ancestrale qui ne s’apparente pas seulement à la religion chrétienne. C’est une célébration de l’hiver, du père Noël, du sapin et des cadeaux. Du point de vue de la Libre Pensée, il est difficile d’exprimer une vision uniforme de Noël étant donné qu’elle se compose d’athées, mais aussi de déistes, de panthéistes et d’agnostiques… j’en oublie certainement. D’une manière générale je ne pense pas que Noël soit rejeté, à part peut-être par quelques antireligieux qui n’y voient que la fête religieuse. Certains qui ont grandi dans un contexte chrétien seront encore très attachés à la coutume familiale, et ils peuvent aussi célébrer la fête et le récit biblique avec une crèche et le petit Jésus au milieu sans pour autant y croire.

L’événement est là pour créer une ambiance de partages et de réjouissances. Personnellement, je me définis comme un agnostique athée (athée en adjectif). Le texte de la naissance est dès lors, sans vouloir offenser personne, juste un récit religieux. Pourtant, j’aime bien la symbolique de cette histoire. J’aime d’ailleurs aussi l’interprétation qui fait de Jésus le porteur du renouveau solaire. J’imagine des gens simples assis dans une étable au Moyen-Orient scrutant l’horizon et ayant l’angoisse de voir un soleil mourant se coucher toujours plus bas, avant de le voir enfin remonter après cette nuit, dans une gloire rayonnante.

ABBÉ JEAN-JACQUES THEURILLAT

Vicaire épiscopal du Jura pastoral pour la partie romande du diocèse de Bâle

Pour moi, avant d’être théologiques, Noël et la naissance de Jésus relèvent d’un climat qui se nourrit de l’expérience de l’enfance. Pour beaucoup de personnes, c’est un mélange d’ambiances qui inclut les odeurs du pain d’épice, le sapin et les soirées de partage. Quant au merveilleux, ce n’est que si l’on accepte l’idée de désenchantement du monde, à la manière du sociologue Max Weber, que la présence des anges semblera extraordinaire. Mais, avec un regard croyant, cette présence est finalement assez banale. Les anges dans le récit de la naissance de Jésus de Luc sont des figures «normales» liées à la tradition biblique. Ils ne viennent pas de nulle part, ils représentent le lien entre le Ciel et la Terre et jalonnent de nombreux textes de l’Ancien Testament.

Si l’on comprend le sens du mot «merveilleux» comme «étonnant», je dirais que Dieu est toujours étonnant. Le récit de la naissance de Jésus est un exemple parmi d’autres. Il est très paradoxal que le tout autre s’incarne dans une certaine précarité en un homme qui sera confronté à sa propre finitude. Mais si le terme de merveilleux est compris comme magie ou prodige, je dirais que le christianisme n’est pas une religion qui privilégie le fantastique.

JAMES MORGAN

Professeur de Nouveau Testament à la HET-PRO et lecteur de grec biblique à l’Université de Fribourg

J’ai grandi dans la tradition anglicane, les deux grandes fêtes de Noël et de Pâques étaient très importantes pour notre paroisse et pour notre famille. Je ne me considère pas comme un mystique, mais je trouve qu’il y a déjà beaucoup de «merveilleux» dans le cadre de notre existence normale. Si l’on parle du «merveilleux» comme du «miraculeux», cela fait du bien lorsque cela se passe. Cependant, on peut être déçu quand ses attentes pour une intervention ne sont pas comblées. Dans le texte de Luc sur la naissance de Jésus, le merveilleux n’est peut-être pas nécessaire. Auparavant, les apparitions de l’ange Gabriel à Zacharie et ensuite à Marie ne sont pas aussi spectaculaires que dans cette scène. En fait, si l’on enlevait la deuxième partie du texte qui fait référence aux anges, aux bergers et à la gloire de Dieu, le récit se tiendrait. Mais ce passage apporte des précisions concernant l’identité et le rôle de l’enfant dans le plan de Dieu. Les anges et les bergers, dans le projet de Luc, font partie d’une chaîne de messagers et de témoins qui parcourent l’Evangile de Luc et les Actes. L’importance de leurs rôles respectifs concerne le contenu du message qui annonce la naissance d’un Sauveur qui est le Messie. L’impression première de paradoxe de sa naissance dans une étable peut être atténuée par le fait que la place de l’enfant sera aussi le signe par lequel les bergers reconnaîtront l’enfant. Par conséquent, ce qui semble banal est valorisé par l’action divine. 

LAMA RIGDZIN

Centre bouddhiste tibétain Do Nga Chöling à Bienne

Etant d’origine bretonne, Noël me rappelle forcément mon enfance ancrée dans la tradition catholique. Le bouddhiste que je suis devenu considère Jésus comme un bodhisattva incarné. En effet, dans la tradition tibétaine, nous reconnaissons de nombreux êtres qui sont venus pour délivrer un enseignement de sagesse. Son message est bien sûr adapté au contexte de son époque et à sa culture. Bien qu’il diverge par la forme, il n’est fondamentalement pas très différent de l’enseignement bouddhiste. La référence aux anges dans le récit de la naissance de Luc me fait également penser à des autres figures de notre tradition : les dakini. Ces êtres célestes féminins apparaissent à certains individus pour leur délivrer un message. Personnellement, je pense qu’il est dans la nature de l’homme d’avoir besoin d’une part de merveilleux dans son existence afin d’atteindre une certaine forme de transcendance. Les nombreux temples et lieux spirituels majestueux qui ont été construits au fil des siècles en sont les témoins. Aujourd’hui, on pourrait dire que le merveilleux s’est déplacé dans la publicité et le consumérisme. D’une certaine manière, on pourrait dire que dans notre société sécularisée, alors que Jésus avait chassé les marchands du temple, maintenant ce sont les marchands du temple qui chassent Jésus de Noël. 

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