Surmonter les résistances

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Surmonter les résistances

Dossier
Les changements, individuels ou communautaires, prennent du temps. Analyse des freins les plus fréquents.

1. Un manque de ressources théologiques

Bien sûr, la Bible regorge de références à la nature. Evidemment, les Églises produisent quantité de déclarations sur le climat. Mais l’écothéologie reste une discipline mal connue des chrétiens, principalement produite en anglais, et peu «reçue» côté francophone. Plusieurs paroissiens se sentent démunis lorsqu’ils recherchent des outils pratiques, qui articulent changement climatique, convictions religieuses et vie spirituelle. Pour le moment, c’est du côté catholique qu’ils trouvent leur bonheur! «Pour moi, Laudato Si ', encyclique du pape François, a été le déclic ! J’y ai lu de la bienveillance, de la positivité, un appel à vivre autrement, une conversion écologique intérieure. J’ai compris que parler de sobriété et de modération n’était pas quelque chose d’effrayant, si c’était une démarche acceptée», témoigne Christine Phébade Yana Bekima.

2. Une pensée à reconstruire

Une situation qui ne surprend pas Martin Kopp, docteur en théologie protestante, spécialisé dans la question climatique. «Longtemps, la théologie protestante a été christocentrée et anthropocentrée: on a travaillé en priorité la relation de Dieu à l’homme. Les questions écologiques et environnementales nous invitent à redécouvrir la valeur intrinsèque des autres êtres vivants dans la Création. Le théologien réformé allemand Jürgen Moltmann disait que la disparition d’une espèce est un sacrilège. Ce qui ne signifie pas non plus que tous les êtres vivants ont une valeur égale, il ne s’agit pas de tomber dans le biocentrisme. Mais de redécouvrir la dimension cosmique et holistique du texte biblique.»

3. Nos propres mécanismes neurologiques

Dans Le bug humain (Robert Laffont, 2019), le docteur en neurosciences Sébastien Bohler explique pourquoi le fonctionnement du cerveau humain rend difficile une réaction appropriée face au dérèglement climatique. Notre striatum, la partie du cerveau qui influence les réactions émotionnelles, est d’abord sensible aux résultats immédiats. Les expériences scientifiques montrent que l’on préfère en général toucher 20 francs immédiatement plutôt que 100 francs dans dix ans. Percevoir des menaces à des échéances de dix, vingt ou cent ans implique un effort intellectuel (le cortex) et s’oppose à des réflexes profondément enfouis dans notre cerveau. Sans compter que notre société et notre culture stimulent plus souvent le striatum que le cortex.

4. Le contexte

Supprimer la vaisselle jetable? Plus complexe à faire qu’à dire, comme en témoigne Joëlle Walther, présidente du Consistoire de Genève, organisme qui a tenté l’aventure. Outre le temps et l’énergie nécessaires pour remettre en cause un fonctionnement, il faut trouver des solutions écologiques, sans faire grimper les coûts… «Nous avons aussi découvert que la vaisselle biodégradable laissait très souvent des microparticules de plastique dans le sol, et qu’il fallait lui préférer la vaisselle compostable!» Les prestataires externes doivent aussi être sensibilisés. Enfin, en Église, les décisions se prennent plutôt en collège. Ce qui implique que tout le monde ait conscience de l’urgence et de la pertinence du sujet. Ouf! C’est chose faite. «Il y a trois ans, personne n’aurait été choqué par des films en plastique sur des desserts. Aujourd’hui, oui!»

Ressources

Sur la terre comme au ciel, lieux spirituels engagés en écologie, par Christine Kristof-Lardet, Labor et Fides, 288 p., 2019. Découvrir les lieux où s’inventent de nouveaux modes de vie et de pensées.

Désobéir pour la planète?, Revue Kaizen, n. 46, septembre-octobre 2019, 98 p. Un dossier complet sur la désobéissance civile.

Laudato Si'. Ce texte du pape François sur «la sauvegarde de la maison commune» a été salué par les spécialistes pour la solidité de ses bases scientifiques. A lire sur www.pin.fo/laudato.

La nouvelle théologie verte (Colloque). Les 6 et 7 février 2020, au palais universitaire de Strasbourg. Infos: theopro.unistra.fr.

S’engager pour le climat, Cahier de l’Atelier n.544, 128 p. éditions de l’Atelier finance, social, théologie… des pistes théologiques (protestantes, orthodoxes, catholiques) pour changer de regard sur la crise climatique et passer à l’action.

Zéro déchet à la manière d’un lombric, Nathalie Tordjman, éd. Salamandre, 2019, 207 p. Une foule d’idées simples pour un quotidien plus vert, inspirées du monde animal.

Un Dieu zéro déchet! Dave Bookless, Je sème, 2019, 192 p. L’Anglais Dave Bookless, directeur théologique de l’ONG écologiste chrétienne A Rocha International, raconte comment il est devenu l’une des figures de proue des écologistes évangéliques.