Les Anglais en premiers de cordée

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Les Anglais en premiers de cordée

Histoire
L’émergence du tourisme en Suisse est liée à l’attirance et à l’émotion que procure l’esthétisme de ses paysages alpestres ou lacustres. Petite histoire non exhaustive d’un atout «nature» devenu industrie florissante.

Destination émoustillant l’imaginaire des touristes du monde entier, la Suisse n’accueille réellement des visiteurs que depuis quelque 150 ans. Au-paravant, la clientèle se résume à des pèlerins de passage, des muletiers avec leurs marchandises, ainsi qu’à des humanistes et des naturalistes explorant les Alpes. Au XIXe siècle, cet attrait pour la nature et la montagne séduit l’aristocratie et la grande bourgeoisie britanniques. «Les Anglais ont à la fois une lecture esthétique et politique de la Suisse. Indépendamment de percevoir en elle des valeurs qui peuvent être éternelles – reconnaissance de la montagne comme lieu élu –, ils la considèrent comme terre d’élection de la démocratie », note Laurent Tissot, historien et professeur émérite à l’Université de Neuchâtel.Cette période coïncide avec la conquête des cimes alpestres par des Anglais. En 1863, Thomas Cook, autre sujet de sa royale majesté Victoria, donne naissance au tourisme helvétique avec ses voyages à forfait expérimentés sur sol britannique.

L'effet Gothard

Laurent Tissot précise que «la technologie suisse en matière ferroviaire contribue à développer une industrie touristique qui écarquille les yeux». La réalisation, en 1871, d’un train à crémaillère au Rigi – le premier d’Europe – permet ainsi «d’emmener les voyageuses en crinoline au sommet des montagnes».Cette technologie atteint un niveau d’excellence avec le percement, en 1881, du tunnel ferroviaire du Gothard. «C’est une réalisation fondamentale, la plus importante du XIXe siècle, comparable au canal de Suez. Les trains pénètrent horizontalement dans la montagne après l’avoir gravie verticalement», souligne Laurent Tissot.

Jardin de cure mondial

L’intérêt que manifestent les voyageurs à la Belle Epoque s’accroît sans cesse. Le succès est impressionnant et génère un nouveau secteur économique. L’industrie du tourisme médical se déploie, notamment dans l’Oberland bernois, sur les rives du Léman et dans les Préalpes vaudoises.

«Le climat tempéré du lac, l’air pur des montagnes avoisinantes et l’accès à une eau abondante et de qualité font de l’Arc lémanique une région appréciée des médecins et des voyageurs étrangers soucieux de leur santé», indique Piergiuseppe Esposito, actuellement chargé de missions à la Bibliothèque cantonale et universitaire Lausanne. «Le tourisme médico-sanitaire englobe une diversité d’acteurs, de pratiques et de lieux: c’est à la fois un patient adressé par son médecin traitant dans une station climatique ou thermale, ainsi que des professionnels de la santé les prenant en charge, souvent en collaboration avec des promoteurs touristiques», précise l’historien qui a consacré une thèse de doctorat encore inédite à ce sujet.

Fructueux mariage

Ainsi, la médecine se joint et participe à l’essor du tourisme régional. «Des synergies inédites se créent entre les deux secteurs, dont le développement intense profite au tissu économique lémanique. La consommation de soins liés à l’afflux de riches étrangers donne en particulier une impulsion forte à l’industrie pharmaceutique régionale, notamment à Genève et dans la région de Vevey-Montreux», souligne Piergiuseppe Esposito. La Première Guerre mondiale, la crise économique des années 1930, puis la Deuxième Guerre mondiale auront de fâcheuses répercussions sur cette industrie florissante. Le tourisme connaît une longue traversée du désert. Il retrouvera tout son panache avec les Trente Glorieuses.

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