Noël seuls (ou presque), ils connaissent déjà

Noëls en mode solitaire, avec ou sans coronavirus / IStock
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Noëls en mode solitaire, avec ou sans coronavirus
IStock

Noël seuls (ou presque), ils connaissent déjà

18 décembre 2020
Cette année, Noël se fêtera de façon particulière, en effectif réduit. Pour certains, cette solitude pendant les Fêtes n’est pas une première. Porte-paroles des plus esseulés, des aumôniers témoignent. Et nous livrent quelques conseils pour passer le cap de ce Noël si singulier.

«Nous mettons l’accent sur la lumière au bout du tunnel, sur le fait que Noël symbolise l’espérance», lâche Natalie Henchoz, aumônière en prison dans le canton de Vaud. Situation inédite, Noël ne pourra pas être célébré en grande pompe cette année. La pandémie oblige la population à revoir son plan de table. On sera en petit comité. Certaines familles ne pourront pas retrouver leurs proches à l’étranger. Pourtant, pour les migrants, les détenus, les personnes en EMS, la solitude est monnaie courante. Mais ce n’est pas plus facile, pour autant!

«Noël est la pire des périodes pour les personnes seules, migrantes ou incarcérées», affirme Véronique Egger qui travaille à l’Aumônerie genevoise œcuménique auprès des requérants d’asile et des réfugiés (AGORA). «C’est très dur, car Noël ravive les souvenirs d’enfance, en famille. Si l’on a perdu son partenaire, il aura tendance à davantage manquer qu’au quotidien.» L’aumônière se rappelle l’histoire de ce réfugié togolais qui avait perdu son père pendant les Fêtes. Loin de son pays, cela faisait trente ans qu’il ne l’avait pas revu quand il a appris son décès. «Tous les moments partagés refont tout à coup surface», constate Véronique Egger.

Fêter derrière les barreaux

En prison, le temps est particulièrement long. «Les ateliers sont fermés. Les détenus restent donc toute la journée en cellule et la télévision leur rappelle sans cesse que c’est Noël. Il est très difficile pour les personnes incarcérées de savoir que les autres fêtent sans eux, en particulier, pour ceux qui ont des enfants. Certains culpabilisent d’être loin des leurs», relève Natalie Henchoz, qui ajoute que, chaque année, de nombreux détenus en attente d’un jugement espèrent pouvoir sortir avant Noël. «Après un certain temps, des détenus peuvent sortir une demi-journée pour se réinsérer. Les sorties à cette période sont magnifiques.»

Noël à l’EMS

Passer les Fêtes sans sa famille est aussi le lot de certains résidents en EMS. «Si certains d’entre eux rentrent auprès de leurs proches, d’autres sont seuls les 24 et 25 décembre», explique Daniel Galataud, aumônier en EMS dans le canton de Neuchâtel. Il nuance toutefois la façon dont cette période est vécue par les pensionnaires. «Cela dépend vraiment des personnes. Certaines se sentent tristes de passer Noël seules en EMS, mais la situation était identique à l’extérieur. D’autres regrettent d’avoir quitté leur lieu de vie.»

Toutefois, Daniel Galataud observe une forme de résilience chez les personnes âgées. «La grande majorité est très reconnaissante envers sa famille et les soignants. J’ai l’impression que cette génération, qui a aujourd’hui près de 90 ans ou plus, a eu parfois une vie difficile. Il arrivait que les familles soient davantage isolées. Ces personnes semblent avoir moins besoin de voir autant de monde que la génération d’aujourd’hui. Et la fatigue due à l’âge rentre aussi en ligne de compte.»

Père Noël au chevet des enfants hospitalisés

Et qu’en est-il du côté des plus petits, lorsque ceux-ci se retrouvent à fêter Noël sur un lit d’hôpital? «Être hospitalisé quand on est enfant reste toujours difficile. La question de Noël n’est pas la première chose abordée. C’est très dur d’être malade, la priorité est d’aller mieux», affirme Nicole Keller, aumônière en pédiatrie. Au Centre hospitalier de Rennaz où elle travaille, les enfants ont la plupart du temps la possibilité d’avoir leurs parents auprès d’eux. «On ne programme pas d’opération à cette période. Actuellement, il n’y a qu’une dizaine d’enfants.» Ces bambins pourront quand même entrevoir le Père Noël. Chaque année, l’association Sparadrap pour les enfants malades ou hospitalisés organise une petite fête. «Mais cette année, pas de rassemblement, le Père Noël passe dans les chambres, et offre un petit cadeau.»

Être à l’écoute de la souffrance

Pour accompagner les personnes isolées en prison, EMS ou centres de requérants, les aumôniers organisent une célébration de Noël, mais offrent surtout une oreille bienveillante, plus encore que le reste de l’année. «Nous écoutons énormément, nous essayons de donner du sens. Par exemple, si le résident est chrétien, en rappelant que le Christ reste présent même quand on est seul», raconte Daniel Galataud. Dans certaines prisons, l’aumônerie arrive à faire un petit cadeau. Quelques chocolats ou une carte de téléphone. «Les gens nous connaissent. Nous sommes bien perçus de la part des détenus, car nous sommes les seuls avec lesquels il n’y a pas d’enjeu. Les entretiens sont complètement confidentiels. L’aumônerie est le seul lieu où ils peuvent parler librement», explique Natalie Henchoz.

La crise sanitaire en couche supplémentaire

Si Noël en prison, en EMS ou dans les centres de détention administrative est difficile en temps normal, la pandémie ne fait qu’en rajouter une couche. «Les Fêtes avec les familles ont été annulées», relève Daniel Galataud qui ne peut actuellement se rendre que dans trois homes sur les onze où il travaille habituellement. «Nous avons préparé une célébration œcuménique et l’avons filmée afin que les résidents puissent la regarder. C’est une façon d’être quand même présent», ajoute l’aumônier en EMS. «C’est extrêmement difficile de ne plus pouvoir toucher les gens. Quand on ne parle pas la même langue, une main sur l’épaule peut procurer un peu de réconfort», déplore Véronique Egger. Selon Natalie Henchoz, les détenus ont conscience de la grande difficulté d’être enfermés. «Même si leur situation n’a rien à voir avec celle du reste de la population actuellement, certains disent: "Nous avons plus l’habitude qu’eux".»

Conseils pour un Noël malgré tout?

Alors justement, quels conseils ces spécialistes de la solitude peuvent-ils nous apporter, à la veille de ce Noël si particulier? «L'expérience me dit d'éviter de donner des conseil. Toutefois je peux dire ce que ferais si j'étais seul à Noël», répond Daniel Galataud. «Je ferais un geste symbolique qui me relie aux autres et à Dieu: allumer une bougie, lire un texte biblique, chanter un cantique. Il y a certainement des gestes bien plus originaux. L'avantages des gestes faits depuis longtemps, c'est que nous savons que quelqu'un les fait en même temps que nous, quelque part sur cette planète.» Et d’ajouter : «Avoir un rituel était porteur de sécurité et de paix».

 «On peut encourager les personnes seules à écouter de la musique, aller marcher dans la nature, se détendre en s'accordant de petits plaisir, faire des projets pour l'avenir», propose encore Véronique Egger. Quant à la Vaudoise Nathalie Henchoz, elle rappelle qu’à la crèche de la Nativité, «il n’y avait pas de guirlande lumineuse, pas de repas gastronomique, pas de décors fastueux. Pourtant, dans cette simplicité absolue, nous recevons le plus beau des cadeaux: une présence qui dépose au fond de notre âme une paix et une joie incommensurable. Cette année, la solitude ou l'intimité nous donne l'occasion d'y prêter plus attention.»

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