Diverses cultures, une même vieillesse

Diverses cultures, une même vieillesse / © iStock
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Diverses cultures, une même vieillesse
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Diverses cultures, une même vieillesse

CONTRASTE
La perception des personnes âgées dans les différentes sociétés repose souvent sur des stéréotypes tenaces. Mais aussi sur des constantes, comme la peur universelle de la mort.

«La vieillesse n’existe pas! Ce qui existe, c’est le traitement particulier qu’une culture réserve à ses personnes âgées», affirme Léandre Nshimirimana. Pour ce psychologue burundais actif en Belgique, dans les sociétés traditionnelles comme l’Afrique précoloniale, «les personnes âgées jouissaient d’un grand respect et de privilèges étendus». Or, avec l’arrivée de nouvelles valeurs occidentales, elles se transforment en victimes sociales: un «naufrage» où les ancien·ne·s «payent toujours le plus lourd tribut».

De même en Inde, la structure sociale traditionnelle prévoyait une intégration des plus âgé·e·s: arrivés à l’âge adulte, les enfants continuaient à vivre chez leurs parents ou leurs beaux-parents, pour les prendre ensuite en charge pendant la vieillesse. Or, note un article de la revue de l’Organisation internationale du travail, cette attention portée aux générations anciennes s’amenuise avec l’évolution économique du pays, conduisant certain·e·s Indien·ne·s âgé·e·s à une grande précarité.

L’Occident est-il alors responsable d’une discrimination de la vieillesse? La société moderne aurait-elle remplacé le respect pour l’ancien·ne par un désintérêt, voire une ségrégation?

Conception universelle de la vieillesse

Une étude réalisée il y a une douzaine d’années par un groupe international de psychologues sur vingt-six cultures des six continents montre qu’il existe en réalité des perceptions largement partagées concernant les aîné·e·s. Malgré des différences profondes entre les sociétés occidentales et celles d’Afrique ou d’Asie par exemple, des modèles de communication intergénérationnelle très similaires se retrouvent, suggérant que des stéréotypes universels concernant l’âge existent bel et bien. 

L’anthropologie a montré que de nombreuses sociétés n’associent pas prioritairement la vieillesse à une réduction de l’autonomie fonctionnelle et à des problèmes de santé, comme on le fait majoritairement en Occident, mais davantage à un changement de statut et de rôle social au sein du groupe. Pourtant, note l’anthropologue Frédéric Balard, basé à Nancy, cette science remet aussi en question «une vision parfois idéalisée du traitement social du vieillard dans les sociétés non occidentales». 

Briser les préjugés

«Il faut casser ce lieu commun d’une société occidentale qui discriminerait les ancien·ne·s, à la différence de ce qui se ferait dans d’autres cultures», clame la sociologue Cornelia Hummel, de l’Université de Genève. Selon elle, au contraire, l’instauration d’un système de retraites dans nos sociétés constitue une «discrimination positive», plaçant les personnes âgées dans une situation privilégiée. Mais cette médaille a parfois un revers: un ressenti subjectif d’isolement pour ceux qui ont ainsi changé de statut social. 

Le psychologue Christian Maggiori tempère: «En réalité, même dans les contextes où les personnes âgées sont entourées d’un grand respect, comme au Japon par exemple, un certain 'âgisme' à leur encontre est présent.» Cette attitude de dénigrement repose sur des préjugés acquis dès l’enfance. «Lorsqu’on rencontre une personne dont l’ouïe est faible, on imagine faussement qu’elle ne peut plus comprendre de manière responsable», observe le professeur à la Haute école spécialisée en sciences sociales de Fribourg. 

Ces perceptions reposent au fond sur une constante universelle: comme on craint la mort, on a tendance à mettre à part les vieilles personnes, qui s'en approchent. Or, convient Cornelia Hummel, «aucune société ne voit cette échéance de manière positive».