Vivre en groupe… ça s’apprend!

Les habitants du Petit Bochet discutent régulièrement de leur quotidien. / © Sophie Brasey
i
Les habitants du Petit Bochet discutent régulièrement de leur quotidien.
© Sophie Brasey

Vivre en groupe… ça s’apprend!

Désaccords
Vivre ensemble reste difficile, y compris quand on partage le même idéal. Y a-t-il des recettes pour que le projet fonctionne? Echos d’une réussite et d’un échec.

«C’est le fameux PFH, le ‹putain de facteur humain›, qui fait échouer 90% des projets.» Derrière la boutade se cache une multitude de problématiques que Simon Noble a dû prendre à bras-le-corps. Membre de la communauté qui s’est installée à la ferme du Petit Bochet à Gimel (VD), son projet basé sur la permaculture dure depuis quatre ans. Le principe: cultiver un lopin de terre et proposer un accueil aux personnes en détresse.

Vie communautaire, jardin en permaculture et accueil social, c’était aussi le projet de Marc* lorsqu’il s’est installé avec des amis dans une maison de l’Ouest lausannois. Mais si la bande vit toujours en colocation, on ne peut pas parler de communauté pour autant. «Manifestement, nous avions des idées très différentes de ce projet.»

De l’importance du cadre

C’est justement là où le bât blesse. D’après Simon Noble, l’avenir de la communauté se joue largement dans les débuts: «Il faut un cadre strict. En discussion de cinq ou six personnes, on doit établir clairement ce qu’on veut faire ou pas. Cela sera sans doute renégocié ensuite, mais les débats seront plus simples si l’on est sur la même longueur d’onde à la base.»

Après avoir trouvé le lieu, les règles et les personnes, encore faut-il se donner une ligne directrice. Les habitants du Petit Bochet se sont inspirés des formules traditionnelles en se dotant d’un principe supérieur. «Pour les communautés religieuses, il y a une transcendance. Nous avons choisi l’écologie.» 

Trouver l’équilibre

Ces dernières années, Marc a pris soin de proposer à ses comparses des temps consacrés exclusivement à la relation dans le groupe. La colocation a donc accueilli par deux fois un médiateur, «des moments riches où chacun a pu s’exprimer et découvrir ce qui habitait les autres». Sans que cela ne relance l’élan communautaire pour autant.

Au Petit Bochet, le groupe a aussi pris soin du relationnel. Presque un peu trop, estime Simon Noble. «Nous avons remarqué que ce qui nous soudait, c’était le travail commun. Nous avions aussi besoin de vivre des moments conviviaux. La discussion intellectuelle, c’est bien, mais il faut nourrir la relation concrètement.»

Vivre en communauté pose aussi de manière lancinante une question qui n’est jamais totalement résolue: comment trouver l’équilibre entre l’individu et le groupe? «Cela suppose un espace pour prendre soin de soi et discerner ses propres besoins. Cela suppose aussi de prendre en considération les besoins des autres.»

L’argent, pierre d’achoppement

Tout n’est pas toujours rose à la ferme du Petit Bochet. La mise en commun des salaires cristallise beaucoup de problèmes, selon Simon Noble. Mais qu’en est-il du risque d’abus (financier ou psychique) lorsqu’une communauté établit des règles de partage aussi contraignantes? «Premièrement, nous prenons nos décisions par consensus (personne n’est contre) ou par consentement (tout le monde est pour). Ensuite, le cadre est aussi là pour cela: tant qu’il est clair, et qu’il permet de quitter le groupe quand il ne nous convient plus, cela limite grandement les abus.»

Plus facile à dire qu’à faire, bien sûr. Cela suppose «d’abolir l’implicite», selon Simon Noble, qui insiste sur la nécessité de rediscuter sans cesse le cadre – surtout si de nouvelles personnes rejoignent l’équipage. Et un certain changement de paradigme par rapport à l’essor de la vie communautaire dans les années 1960. «Avant, on était très centré sur la dimension communautaire. Maintenant, je dirais que nous cultivons l’individu pour qu’il puisse servir le groupe harmonieusement.»