L'invitation du Prince de la paix

L'invitation du Prince de la paix / © Mathieu Paillard
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L'invitation du Prince de la paix
© Mathieu Paillard

L'invitation du Prince de la paix

Bettina Beer, théologienne
23 novembre 2021
Tensions
La pandémie n’est pas seulement une catastrophe sanitaire, elle suscite des conflits jusqu’au cœur de nos familles. Noël pourrait être l’occasion de disputes, ou alors un espace de rencontres au-delà des clivages.

 Alors que l’année dernière, à la même période, nous nous demandions comment fêter Noël en respectant les règles sanitaires – en forêt, en petit comité, pas du tout – cette année, nous cherchons déjà des stratégies pour éviter les discussions clivantes autour du vaccin et du certificat Covid. Les avis divergents sur les mesures sanitaires se sont transformés au fil des mois en fossés infranchissables divisant familles, cercles d’amis et communautés religieuses, et ce jusque autour de la dinde et sous le sapin.

Comment avons-nous pu en arriver là? La pandémie, cet ennemi commun invisible et pourtant mortifère, suscite en nous un sentiment d’impuissance. Ce virus microscopique a déployé un pouvoir incroyable sur nos vies. Cela nous frustre et nous met en colère. Et comme le virus est insaisissable, nous retournons cette colère et cette frustration contre les autres, celles et ceux qui ont un autre avis sur le vaccin et l’Etat qui édicte des mesures et des recommandations. Et nous voilà enlisés dans une guerre des tranchées qui nous prive du réconfort et du soutien dont nous aurions tellement besoin: la sécurité de la famille, les rires entre ami•e•s, la chaleur de la communauté.

Et si Noël devenait l’occasion de nous rencontrer au-delà de nos divergences covidiennes, des rencontres où nous pourrions nous dire nos besoins, nos colères et nos angoisses face à cette situation qui n’a de sûr que ses incertitudes? Et si le nouveau-né dans la crèche nous rappelait ce que nous sommes, avant tout autre chose: des êtres humains fragiles et impuissants en quête de chaleur et d’amour? Et si le Fils de Dieu nous demandait de voir en toute personne une créature voulue par Dieu, créée à son image? Et si ce Prince de la paix emmailloté de langes nous apprenait à lâcher ce sur quoi nous n’avons pas d’emprise, pour employer notre énergie et notre temps à rendre meilleur ce qui est à notre portée, l’ambiance au travail ou à la maison par exemple?

Alors peut-être que cette année, Noël pourrait devenir cette fête de la lumière au cœur de nos obscurités, ce nid douillet qui nous abrite du froid de nos hivers, cette source d’amour et de paix dans nos déserts intérieurs.

Le texte du chant de Noël «O Dieu, tout puissant Créateur» remonte à Martin Luther, qui a écrit plusieurs dizaines de cantiques. Celui-ci nous rappelle que Dieu s’est fait humain pour que nous puissions vivre de son amour et goûter à sa paix.

VOM HIMMEL HOCH, DA KOMM ICH HER

O Dieu, tout-puissant Créateur,
Tu deviens homme et serviteur,
Et pour nous sauver de la mort,
Tu viens partager notre sort.

Le monde immense et frémissant
T’ignore, pauvre et faible enfant ;
Ton peuple joyeux te reçoit,
Puissant Sauveur et humble Roi.

Pour compagnons tu as choisi
Les pauvres de tous les pays,
Pour serviteurs tu recevras
De tous les peuples tous les rois.

Heureux sommes-nous en ce jour
D’être au pouvoir de ton amour,
Heureux serons-nous à jamais
D’être au royaume de ta paix.
Martin Luther

L’auteure de cette page

Bettina Beer a étudié la théologie à l’Université de Neuchâtel. Depuis 2014, elle est chargée des relations avec les Eglises à l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS) à Berne.