Comment commémorer les morts de 1939-1945?

Exemple d’un lieu de mémoire en Suisse: la plaque commémorative de Diepoldsau, Saint-Gall. C’est à cet endroit que, pendant la Seconde Guerre mondiale, des personnes ont traversé le vieux Rhin pour se réfugier en Suisse. Certaines ont été aidées, d’autres ont été refoulées et envoyées à la mort. / © Fabienne Meyer
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Exemple d’un lieu de mémoire en Suisse: la plaque commémorative de Diepoldsau, Saint-Gall. C’est à cet endroit que, pendant la Seconde Guerre mondiale, des personnes ont traversé le vieux Rhin pour se réfugier en Suisse. Certaines ont été aidées, d’autres ont été refoulées et envoyées à la mort.
© Fabienne Meyer

Comment commémorer les morts de 1939-1945?

Décryptage
En mars, le Parlement a donné son accord à la création d’un mémorial suisse pour les victimes du national-socialisme. Comment et pourquoi construire cette mémoire aujourd’hui?

Les faits

Deux motions parlementaires demandant au Conseil fédéral de créer un mémorial suisse pour les victimes du national-socialisme ont été déposées, et adoptées en mars 2022. L’étude de la faisabilité du projet est confiée au Département fédéral des affaires étrangères (DFAE), qui présentera plusieurs options au Conseil fédéral d’ici quelques mois.

Le contexte

Il n’existe pas, dans notre pays, de lieu «national» de commémoration des victimes de la Seconde Guerre mondiale. La mémoire est fragmentée et locale, propre à l’histoire de chaque canton et de chaque lieu. Une soixantaine de lieux différents marquent cette histoire (voir photo). Voilà plusieurs années qu’un groupe de travail, initié par l’Organisation des Suisses de l’étranger, a élaboré un concept de mémorial. Ce groupe a obtenu un large soutien moral de la société civile, incluant les Eglises suisses. Sa proposition, accessible en ligne (www.swissmemorial.ch/), s’articule autour de trois concepts: rappeler-transmettre- relier.

Les enjeux

Ils sont multiples. Historiques, d’abord. Comment la Suisse regarde-t-elle son passé? «Par rapport à d’autres pays, la Suisse n’était guère consciente de porter une responsabilité face aux victimes du national-socialisme, car l’Etat comme la population civile se sont longtemps considérés comme des spectateurs. Rendre visibles les compromissions avec le régime nazi, c’est reconnaître la responsabilité officielle de la Suisse», estime l’historienne indépendante Fabienne Meyer, qui a participé au groupe de travail sur le projet de mémorial. «Il y a trente ans, ce sujet était encore tabou, mais, en partie grâce au travail des historiens, notre société a fait beaucoup de progrès», complète Simon Geissbühler, chef de section Paix et droits de l’homme au DFAE, et chargé du projet au niveau fédéral.

De plus, les témoins directs de l’époque, âgés de 80 à 90 ans, sont en fin de vie. «Leurs voix sont fortes. Ne plus pouvoir parler face à face avec une victime est toujours un moment délicat dans un processus historique. Que ferons-nous quand elles ne seront plus là? C’est le bon moment pour pérenniser cette mémoire.»

Les enjeux sont aussi sociaux. La pandémie a entraîné un essor des théories complotistes. Or, nombre d’entre elles comptent des éléments antisémites, comme l’a relevé le dernier rapport sur l’antisémitisme en Suisse. «Lors de périodes d’incertitude, les juifs sont toujours des victimes et des boucs émissaires. La hausse de ces actes montre la nécessité d’avoir un lieu pour lutter contre le racisme et l’antisémitisme», explique Jonathan Kreutner, secrétaire général de la Fédération suisse des communautés israélites.

Les pistes concrètes

Se souvenir des victimes, enseigner l’histoire, offrir un regard actuel et futur: les attentes sur ce futur mémorial sont nombreuses. Est-il pertinent de les mêler? «C’est bien entendu un défi», concèdent les interlocuteurs. «Il faut que le lieu permette de se confronter à ses propres pensées, à des informations factuelles, mais aussi de rencontrer d’autres personnes et de débattre», analyse Fabienne Meyer.

Pour ce qui est du lieu, Jonathan Kreutner estime que «cela ne peut se faire dans une autre région que Berne, capitale de la Suisse, lien entre la Romandie et la Suisse alémanique». Aucun endroit précis n’a été identifié par l’équipe du DFAE. «Le processus vient de démarrer, nous discutons de toutes les options», explique Simon Geissbühler. Une chose est certaine: «Le budget ne devrait pas poser problème: le Parlement a approuvé ce projet à l’unanimité.»

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