Bien chez soi…

Bien chez soi... / © Mathieu Paillard
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Bien chez soi...
© Mathieu Paillard

Bien chez soi…

Rodolphe Nozière
24 octobre 2022
Conte
Grincheux, l’un de sept Nains, en avait assez de vivre avec ses six autres compagnons, et ceux-ci le lui rendaient bien. A force de ronchonner pour tout et rien, Grincheux, en accord avec ses camarades, avait décidé de trouver une autre habitation…

Plus personne pour lui dire ce qu’il devait faire, et pour les six autres nains, enfin plus personne pour se plaindre…

Grincheux avait trouvé une vieille maison à la lisière de la forêt. Il était devenu joaillier, taillant à domicile les pierres précieuses que ses anciens colocataires trouvaient dans leur mine. Lorsqu’il avait besoin de faire ses courses, plutôt que de se rendre au marché et de subir la foule, il se faisait livrer chez lui. Il était devenu l’un des meilleurs clients de la «Seven Biquets’ Corporation».

Tout lui était livré à domicile: nourriture, outils pour son travail, livres et parchemins… Bref, il vivait bien tranquille chez lui, sans avoir à supporter qui que ce soit d’importun. Il avait même aménagé l’entrée de sa maison en boîte de livraison: les livreurs ouvraient une trappe pour y déposer les marchandises, et lui, de l’autre côté, les récupérait sans même devoir leur adresser la moindre parole.

Bref, c’était la vie rêvée pour Grincheux!

«A quoi bon sortir et affronter les humeurs des autres? À quoi bon faire la file d’attente au marché? Oui, à quoi bon sortir? Je suis bien chez moi, je n’ai besoin de rien d’autre», se réjouissait-il.

Même s’il ne quittait jamais, ou si peu, sa nouvelle maison, il était cependant au courant de ce qui se passait au-delà de sa porte d’entrée… Grincheux, certes solitaire, restait connecté. Depuis son écran, il effectuait ses courses, contrôlait les livraisons pour sa boutique de joaillerie, envoyait ou recevait des mails (en ronchonnant, bien entendu…).

Son écran lui transmettait les informations de toute la contrée. Parfois, il se noyait sous toutes ces nouvelles, ce qui multipliait ses raisons de grogner, en le faisant sourire, un peu, parfois…

Un flux de nouvelles arrivait en continu sur son écran: le dernier album de vocalises de la Petite Sirène, la dernière paire de chaussures hors de prix achetée par Cendrillon, les conseils contre l’insomnie de la Belle au Bois Dormant, les querelles de trolls sur telle ou telle façon de cuisiner les gnomes, sans oublier la menace lointaine – mais pesante – d’une guerre là-bas dans l’Est, entre des Hommes et des Orcs…

Son choix de vivre seul l’avait beaucoup arrangé et lui avait facilité la vie. Il vivait seul, bien sûr, mais à son rythme: une douce et agréable routine.

Cependant, cette solitude et cette invasion permanente d’informations lui pesaient. Certains des Nains lui proposaient de sortir, de monter des projets: moderniser la mine, construire des espaces verts…

Chaque fois, Grincheux repoussait cette invitation: «Non, je n’aime pas les fleurs.» Ou alors: «Non, je n’aime pas moderniser la mine!» Mais dans sa tête il se disait plutôt: «A quoi bon faire des projets? Pour qui, pour quoi? A quoi bon se mêler aux gens et de toute façon se fâcher pour un oui ou un non?»

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