Coronavirus: quand on ne peut attendre des jours meilleurs

Le coronavirus, dans les services de soins palliatifs vaudois, éloigne de plus en plus le spirituel des patients. Aumôniers confinés, bénévoles distanciés, l’accompagnement subit actuellement des contraintes inédites. / IStock
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Le coronavirus, dans les services de soins palliatifs vaudois, éloigne de plus en plus le spirituel des patients. Aumôniers confinés, bénévoles distanciés, l’accompagnement subit actuellement des contraintes inédites.
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Coronavirus: quand on ne peut attendre des jours meilleurs

Le coronavirus, dans les services de soins palliatifs vaudois, éloigne de plus en plus le spirituel des patients. Aumôniers confinés, bénévoles distanciés, l’accompagnement subit actuellement des contraintes inédites.

Face aux mesures de distanciation sociale, chacun est invité à prendre son mal en patience. Mais comment accepter ces restrictions sanitaires dans les soins palliatifs, précisément là où ne peut pas se permettre d’attendre patiemment un retour à la normale? Les aumôniers sont souvent en première ligne pour accueillir et accompagner les patients dans leurs ressentis. Or la pandémie actuelle a largement tendance à restreindre l’aide spirituelle dans les hôpitaux.

 «Macron a raison, c’est un peu un temps de guerre», lâche Anne-Sylvie Martin, responsable du Service cantonal de Santé et de Solidarité de l’Église évangélique réformée vaudoise (EERV). «Pendant une période pareille, il est donc très difficile d’installer un accompagnement spirituel entre un aumônier et un patient, tout simplement parce que cela demande du temps, un dialogue et une écoute qu’on n’a pas l’occasion de faire durer comme on voudrait», observe encore l’aumônière, qui constate avec préoccupation la difficulté particulière que rencontre l’aide spirituelle et religieuse dispensée par des professionnels dans les unités de soins palliatifs des établissements de santé romands.

L’exception de la fin de vie

Depuis que les mesures de confinement ont été adoptées en Suisse, les personnes en fin de vie subissent en effet de gros changements dans les habitudes de leur séjour médical, bien qu’on fasse une exception pour ces patients un peu particuliers. Car si les visites sont désormais prohibées dans les principaux hôpitaux et établissements romands, les soins palliatifs, notamment à la Fondation Rive-Neuve à Blonay, bénéficient d’un léger traitement de faveur: «Si les amis ou connaissances ne sont plus admis auprès de nos patients, nous acceptons les visites de la très proche famille. Par contre, une seule personne à la fois peut visiter un proche soigné chez nous, et en ayant évidemment respecté toutes les mesures de prévention», explique Nicolas Büchler, responsable des services hôtelier et administratifs de la Fondation, qui déplore toutefois que le coronavirus ait mis à distance l’aumônier protestant du lieu, François Rosselet, mis en quarantaine. «Il reste disponible pour des appels téléphoniques si la demande en est faite par l’un des patients. Un prêtre catholique fidèle à un patient est venu à plusieurs reprises déjà, car cet accompagnement, s’il fait l’objet d’un désir clair, doit pouvoir continuer pour ces personnes en fin de vie.»

La présence des bénévoles, qui assurent d’ordinaire une compagnie essentielle auprès des malades, est également prétéritée: «Tout contact superflu est suspendu», informe Pauline Gaugler, cheffe des bénévoles au sein de la Fondation. «Il n’y a plus d’accès aux chambres, simplement la possibilité d’aider le service hôtelier au moment des repas, qui ne sont plus pris collectivement, mais individuellement, ce qui pèse considérablement sur l’ambiance de lieu de vie que Rive-Neuve a toujours su garder.»

Au bout du téléphone

Du côté du CHUV, on est à peu près dans la même situation. François Rouiller, chef du service aumônerie, déplore que sa collaboratrice, habituellement dévolue aux soins palliatifs, soit elle aussi «confinée depuis plusieurs jours». Une «garde renforcée» est donc assurée dans l’hôpital lausannois, où les aumôniers ne sont plus autorisés à se balader de chambre en chambre afin de proposer spontanément leurs services. Même chose à l’Hôpital de Lavaux, à Cully, comme le confie l’aumônier catholique Hans-Rüdi Meier: «J’ai négocié une sorte de garde à distance. À travers les soignants, je suis et reste disponible, mais sur demande uniquement.»
Pour Anne-Sylvie Martin, qui déplore que de plus en plus de professionnels soient personnellement touchés par le virus, l’accompagnement spirituel est malheureusement ce qui passe en premier à la trappe dans les services proposés par les hôpitaux. «La présence de la famille, qui est remise en cause par les directives sanitaires, devient la vraie priorité pour la majorité des malades», formule-t-elle, avant de rassurer toutefois sur l’utilisation du téléphone, qui peut parfois être cruciale dans certaines situation d’urgence. «Au bout du fil, la voix peut avoir un grand rôle d’apaisement dans certains contacts avec des patients. La simple idée d’allumer une bougie à distance peut faire beaucoup. Certaines personnes affirment tout à coup le besoin d’un petit rituel, même si ce n’est pas vraiment une réalité protestante. Parfois, alors qu’on n’a jamais vu leur visage, certains patients peuvent se satisfaire d’une promesse simple: celle qu’on pensera à eux, après avoir raccroché.»