Déjouer les engrenages de la précarité féminine

Une oeuvre qui décrit avec justesse le temps partiel subi. / ©DR
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Une oeuvre qui décrit avec justesse le temps partiel subi.
©DR

Déjouer les engrenages de la précarité féminine

Pression
En Suisse comme ailleurs, les femmes sont les premières concernées par la pauvreté. Derrière ce concept abstrait, des réalités sociales complexes, qui demandent des changements juridiques et culturels.

Aucune stabilité, aucune visibilité et donc aucune possibilité de s’épanouir. C’était, il y a quelques mois, le quotidien de Micheline Malongo Wetshi, aide-soignante et auxiliaire de santé à Renens, 57 ans, qui témoignait en 2021 dans le Bulletin de la pastorale œcuménique du monde du travail. «J’aime ce métier. Mais impossible de décrocher un poste fixe. Cette instabilité me bloque profondément.»

Vie quotidienne, formation professionnelle, vie de couple ou de famille… Lorsqu’on travaille à mi-temps, avec un très petit pourcentage, ou qu’on enchaîne les missions d’intérim, les contrats à l’heure ou à la semaine, tenter de garder un rythme ou un équilibre de vie est quasi impossible. Le quotidien s’apparente à une course d’obstacles, ce que raconte à merveille le récent film A plein temps (d’Eric Gravel, avec Laure Calamy dans le rôle d’une mère célibataire femme de chambre).

«Finalement, c’est la travailleuse qui s’ajuste à l’emploi», résume Jean-Claude Huot, responsable de la pastorale œcuménique du monde du travail dans le canton de Vaud. Cette flexibilité à tout crin n’entraîne pas seulement une fatigue psychique, mais une perte de revenus. Moins de travail, c’est des salaires et de retraites réduits.

Bas salaires

Or, les femmes sont les premières à en faire les frais. En Suisse, elles repré- sentent 70% des personnes en sous-emploi, confirme Morgane Kuehni, professeure de sociologie du travail à la Haute Ecole de travail social et de la santé Lausanne, interrogée par Caritas Mag en avril. Car les secteurs et métiers concernés sont principalement ceux de l’économie du ‹care› (soins, nettoyage), largement féminisée. Ce sont aussi des branches où les salaires sont moindres et où l’emploi est fragile. Le moindre imprévu – une maladie comme une pandémie – peut suffire à aggraver la précarité du foyer.

Liens complexes

L’édition 2022 de l’Almanach social, publié par Caritas, consacrée aux inégalités féminines, pointe les interactions complexes entre le travail précaire et la pauvreté féminine. On découvre ainsi que le taux de sous-emploi et de chômage cumulés est deux fois plus élevé chez les femmes (16,7%) que chez les hommes (8,6%). Le temps partiel est rarement choisi: «La dimension choisie du temps partiel n’est pas toujours exempte de contraintes professionnelles ou privées. Certaines personnes diminuent leur temps de travail pour limiter leur exposition à des facteurs néfastes pour leur bien-être ou pour s’occuper de leurs enfants. Au vu de la persistance de la division sexuée du travail et du manque de prise en charge des enfants, les Suissesses font un choix professionnel implicite ou plutôt un ‹non-choix› qu’elles articulent autour de leur vie privée», pointe Morgane Kuehni.

Comment sortir de cette spirale infernale? «Mieux partager le travail rémunéré et non rémunéré entre les hommes et les femmes, transformer les conditions de travail dans les secteurs d’activités féminisés», y augmenter les salaires à court terme, et instaurer une véritable politique publique en matière de conciliation entre travail, famille et petite enfance, conclut l’enseignante. Pour Jean-Claude Huot, il faut aller plus loin. «Toute notre économie repose sur des emplois de ‹care› mal rémunérés. Il ne suffit pas de repenser ces métiers. C’est notre dépendance à cette main-d’œuvre corvéable à la demande que nous devons interroger.»

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