Les athées veulent se faire une place dans la très religieuse Afrique

Un culte de louange. Image prétexte. / CC0 / Pixabay
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Un culte de louange. Image prétexte.
CC0 / Pixabay

Les athées veulent se faire une place dans la très religieuse Afrique

Fredrick Nzwili
4 septembre 2018
Afrique
Sur le continent profondément religieux qu’est l’Afrique, le christianisme et l’islam sont tous deux en hausse. Mais de petits groupes d’athées convaincus contestent le rôle que joue la foi dans la société.

Partout en Afrique, des groupes se lèvent, mettant l’accent sur la science et la pensée critique comme une manière meilleure pour comprendre le monde naturel. Un de ces groupes, les «Athées du Kenya», a gagné en visibilité et réclame désormais un jour férié spécial, le 17 février comme «jour des athées».

«Nous demandons au gouvernement d’instaurer un jour férié dans le but de faire reconnaître l’athéisme au Kenya», explique Harrison Mumia, président du groupe. Lors de cette journée, le groupe organiserait des parades «sans dieu», tout en promouvant la liberté de religion et les droits de l’homme dans ce pays d’Afrique de l’Est qui compte plus de 80% de chrétiens et environ 10% de musulmans. «Nous voulons promouvoir la science et le scepticisme, et avoir une approche éthique rationnelle et humaniste», ajoute Harrison Mumia.

Multiplication des groupes athées 

Les athées au Nigéria commencent aussi à faire entendre leur voix, réclamant des lois qui ne soient pas influencées par la croyance religieuse, mais plutôt par la pensée critique et les preuves à base scientifique. «Nous avons créé un organe juridique, la Société athée du Nigéria, pour défendre notre vision pour un Nigéria séculier», annonce Calistus Igwilo, président du groupe.

Les athées se sont regroupés dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, y compris au Ghana, en Afrique du Sud, au Zimbabwe et en Ouganda. Les groupes disent que leur nombre est en croissance, mais qu’ils n’ont encore que peu de membres.

Les «Athées du Kenya» estiment qu’ils ont 650 adhérents en 2018, une hausse de 60 personnes depuis 2014, et affichent plus de 10'000 adeptes sur les réseaux sociaux. La «Société athée du Nigéria» compte environ 5000 membres. «C’est tout à fait remarquable si l’on considère que peu d’athées sont prêts à l’admettre à cause du fait que les personnes athées sont stigmatisées», souligne Harrison Mumia.

Beaucoup de Kényans considèrent que le Kenya est un pays qui adore Dieu. Les athées sont donc, au contraire, considérés comme des adorateurs du diable.
Harrison Mumia

La très croyante Afrique subsaharienne

Mais pour les spécialistes et les responsables d’Églises, attirer davantage de monde sera un combat difficile pour les athées. L’avenir du christianisme se trouve en Afrique et l’on estime que d’ici 2060, plus de 4 chrétiens sur 10 seront originaires d’Afrique subsaharienne. Une augmentation de 26% depuis 2015, selon le Pew Research Center. En outre, 27% de tous les musulmans vivront en Afrique subsaharienne d’ici 2060, selon Pew. En contraste, les athées constituent environ 2% de la population du continent.

«L’athéisme et l’agnosticisme sont rejetés dans la pensée traditionnelle africaine», relève Jesse Mugambi, professeur de philosophie et d’études religieuses à l’Université de Nairobi. «Beaucoup de Kényans considèrent que le Kenya est un pays qui adore Dieu», explique Harrison Mumia. «Les athées sont donc, au contraire, considérés comme des adorateurs du diable.»

Des athées stigmatisés

Certains athées ont été licenciés de leur travail parce qu’ils refusaient de prendre part à des rites religieux. D’autres sont rejetés par leurs familles. «Ils passent pour des étrangers sur un continent où le concept de Dieu s’étend de manière vaste, même jusqu’au cœur des communautés traditionnelles africaines», explique Wilybard Lagho, vicaire général de l’archidiocèse catholique de Mombasa, au Kenya.

Religion News Service/Protestinter – Nairobi