Les communautés face au désir de rouvrir

Abbaye de la Maigrauge / ©Wikimedia
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Abbaye de la Maigrauge
©Wikimedia

Les communautés face au désir de rouvrir

Estelle Pastoris
14 septembre 2020
Dans le courant de l’été 2020, une grande partie des communautés religieuses de Suisse romande ont senti la nécessité de rouvrir leurs portes au public. Toutes confessions confondues, des frères et des sœurs témoignent de l’importance de l’accueil dans leur vie spirituelle, ainsi que des adaptations exigées par la situation sanitaire.

Depuis Pentecôte, dès le feu vert des autorités, la communauté protestante de Saint-Loup (VD) décide de rouvrir ses portes. Une certaine impatience se fait ressentir chez les diaconesses qui sont toutes contentes d’accueillir à nouveau des retraitants. «Pour nous, il n’y a pas eu d’hésitation. Enfin on peut reprendre!», s’exclame Sœur Lucienne, responsable de la communauté Saint-Loup. Du côté de la communauté œcuménique de Grandchamp (NE), la décision était plus délicate. Chacune des sœurs avait ses propres peurs et de nombreuses discussions ont été nécessaires avant d’envisager la réouverture, d’abord pour cinq hôtes, puis pour quinze au maximum. «On devait choisir: ne pas ouvrir l’accueil pour se protéger ou prendre le risque d’ouvrir les portes», raconte Sœur Lauranne. «Finalement, à la fin du mois de juillet, nous nous sommes rendu compte que, si nous décidions de rester fermés, on ne suivrait pas une loi de vie, mais une loi de mort.»

Une ouverture sur le monde

Pour Saint-Loup comme pour Grandchamp, l’accueil est profondément enraciné dans l’existence des sœurs. En effet, pour les diaconesses de Saint-Loup, l’accueil, l’accompagnement spirituel, la relation d’aide et le "prendre soin" sont des valeurs fondamentales. Les retraites spirituelles qui se donnaient dans le hameau de Grandchamp ont été comme la matrice de la communauté. Les sœurs ont à cœur de continuer à faire vivre ce lieu et d’accueillir tout personne ayant besoin de se ressourcer. Et Sœur Lauranne de constater: «Si nous n’avions pas repris l’accueil, nous n’aurions pas été fidèles à l’appel que Dieu nous a adressé.»

À cela, s’ajoute le fait que, dans une communauté monastique, un hôte est souvent synonyme de contact avec l’extérieur. Pour la communauté de Grandchamp, les personnes présentes sont «une ouverture, un élargissement, un lien avec ce qui se passe dans le monde». Dans le canton de Fribourg, à l’Abbaye catholique de la Maigrauge, Sœur Bénédicte décrit l’accueil comme un moyen de contact avec la réalité des contemporains. Elle souligne aussi que, pendant le confinement, les sœurs ont trouvé particulièrement difficile de devoir fermer l’église aux fidèles. Cependant, pour la plupart d’entre elles, ce temps de fermeture a aussi été l’occasion de se recentrer sur l’essentiel, de s’adonner à des travaux que les charges devenues vacantes permettaient : jardinage, cuisine, couture, dessin, etc.

À l’Abbaye de Hauterive, communauté catholique voisine de la Maigrauge, l’accueil prend une dimension théologique importante. Responsable de l’hôtellerie, Frère Henri-Marie explique que les cisterciens reçoivent le Christ lui-même dans la personne de l’hôte. Aux V-VIe siècles, les moines accueillaient les retraitant en leur lavant les mains, voire les pieds. Aujourd’hui, les nouveaux arrivants se lavent de nouveau les mains à l’entrée, bien qu’il n’y ait plus de contact physique d’une personne à l’autre.

Des contraintes parfois enrichissantes

«Tout à notre joie de rouvrir, notre principale question était: comment?», raconte Sœur Lucienne. «Nous nous sentions prises dans une responsabilité personnelle et collective, avançant au rythme de la société. La vigilance ne veut pas dire la peur! Nous devions oser reprendre l’accueil dans la confiance. Il fallait se mettre en marche!»

Afin d’envisager la reprise en toute sécurité, les diaconesses ont appliqués toute une série de mesures. Par exemple, les petits groupes ont leur zone délimitée dans la chapelle. Ils mangent à part et l’hôpital de Saint-Loup, qui s’occupait déjà des repas avant la crise, a pris la décision de préparer des plateaux individuels pour chaque personne inscrite. Tout a été mis en place de manière réfléchie, afin que les hôtes revenus à Saint-Loup puissent se sentir à l’aise, malgré la pandémie.

À l’Abbaye de Hauterive, différentes mesures ont également été prises, des mesures qui ont apporté du positif dans la vie de la communauté. «Nous n’accueillons, au monastère, plus que des demandes de retraite pour minimum trois jours. Les hôtes ont ainsi davantage le temps de s’ancrer dans notre réalité et ils ne le regrettent jamais», constate Frère Henri-Maire. «Mais ce n’est pas tout! Pendant les repas, un moine est présent à chaque table pour servir, ce qui n’était pas le cas avant.»  En effet, avant l’arrivée de la pandémie, les frères avaient l’habitude de manger à part. La présence de l’un d’entre eux est maintenant requise à chaque tablée, afin que les services et les plats passent entre le moins de mains possible. «Les retraitants sont très reconnaissants de cette présence pendant les repas et ils nous le disent», conclut le frère hôtelier. «Je suis content qu’une situation négative ait apporté des effets positifs.»

Une demande à la hausse

«Ce qui me fend le cœur, c’est d’avoir dû refuser énormément de demandes», regrette Frère Henri-Marie. D’habitude, l’Abbaye accueillait une trentaine de personnes. Elle n’en accueille aujourd’hui plus que dix: une diminution drastique notamment due au fait que les chambres ne disposent pas toutes de leurs propres sanitaires et qu’elles doivent rester vides 48h entre chaque passage. À Grandchamp, de même qu’à Hauterive, beaucoup de demandes ont dû être refusées. L’un des points les plus problématiques est sans doute la taille exigüe des deux chapelles. Ouvertes en dehors des prières, elles restent encore aujourd’hui fermées au public pendant les célébrations, si ce n’est sur invitation des sœurs.

À Fribourg, du côté de la Maigrauge, la demande de retraites a augmenté suite au covid-19. Dans le courant du mois d’août, une dizaine de personnes nouvelles se sont adressées à la communauté, dont certaines n’avaient encore jamais mis les pieds dans un monastère. «C’est pour cela que cela nous tient à cœur de maintenir notre accueil», explique Sœur Bénédicte. «Le côté méditation touche énormément de monde. Un atout de notre communauté est que beaucoup de gens se retrouvent dans notre façon de prier, se sentant portés par la douceur des chants grégoriens: des chrétiens de souche, des catholiques, des réformés, mais aussi des gens totalement hors églises. La musique touche beaucoup, même lorsque les chants sont en latin.» 

La communauté de Saint-Loup constate elle aussi une hausse des demandes. «Les places se sont tout de suite remplies», témoigne une collaboratrice. «D’habitude, nous avions plutôt une pause pendant la période estivale. Cette année, les gens qui n’ont pas pu venir avant sont arrivés pendant l’été. Et ils étaient heureux de revenir, en connaissance des mesures appliquées.»

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