La nature est-elle un remède?

Dans le Nord vaudois, Elisabeth Tricot propose des « coachings » pour se relier à la nature et à soi / ©DR
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Dans le Nord vaudois, Elisabeth Tricot propose des « coachings » pour se relier à la nature et à soi
©DR

La nature est-elle un remède?

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Stages, retraites, sessions, bains «de nature», le contact avec le vivant est devenu un argument marketing. Que peut-on réellement attendre de ces pratiques?

L’époque est à la «reconnexion» à la nature. Nos interconnexions avec notre environnement sont mieux comprises, des études scientifiques concluent même à l’impact de séjours naturels réguliers pour faire diminuer le taux de cortisol, «l’hormone du stress» chez l’humain. Au Japon, les médecins prescrivent des «bains de forêt» depuis vingt ans. L’écospiritualité permet de développer son lien à l’environnement. Ces mouvements sociétaux appellent toute une série d’activités: on peut désormais danser en forêt, faire du yoga dans les champs, rencontrer son psy en plein air… Quelle est la plus-value de ces pratiques? Ne risque-t-on pas tout simplement d’utiliser la nature comme un cadre ou un décor?

Changement de posture

Pour Elisabeth Tricot, qui a développé une série de coachings en forêt, Les Racines de l’Hêtre, dans la région de Romainmôtier, travailler en pleine nature apporte un «changement de posture». Réfléchir à un souci existentiel sous les arbres plutôt qu’entre quatre murs permet de se sentir «plus détendu, plus proche de soi. On voit les choses autrement, on prend du recul beaucoup plus vite sur une situation de vie, cela permet d’accepter plus facilement un changement ou un processus», confirme Mireille Régis. Entrepreneure, elle a fondé Walk2talk.ch qui réunit, en Suisse romande, une équipe de psychologues pratiquant dans les espaces naturels choisis par leurs patients. Les demandes de consultations en plein air ont augmenté au cours du second confinement. «Mais certains ont aussi arrêté de consulter, car les liens familiaux plus étroits vécus sur cette période leur ont fait du bien!»

Pleine présence

Pour cette psychologue, le travail intérieur en pleine nature a un autre intérêt: «Il permet de se concentrer davantage sur ce qu’on dit, contrairement au dispositif en face à face en cabinet.» Un sentiment de pleine conscience? «Plutôt pleine présence», nuance Irène Collaud, qui développe avec les Unions féminines chrétiennes tout un pôle d’activités en forêt. «La nature nous ramène déjà à notre enveloppe corporelle. C’est sentir nos pieds dans l’herbe, se reconnecter à ce qui est autour de nous, sortir de sa tête», explique cette accompagnatrice en montagne, pour celles et ceux qui voient dans ces activités une dimension ésotérique. Un aspect qui peut exister, mais qui, pour les trois praticiennes, ne doit pas être un but en soi. «Souvent, les gens ont des attentes très précises. Or on ne vient pas en nature pour ‹atteindre› quelque chose, comme une performance. On ne va pas forcément ressentir de vibrations, ou une connexion», met en garde Elisabeth Tricot. «Parfois, on va juste vivre un moment de sérénité!» Sérénité… qui demande parfois de passer par l’inconfort. En effet, rappelle Irène Collaud, «pour certaines personnes, sortir de son cadre habituel, marcher sur des sentiers inconnus, apprendre à faire du feu… n’est pas simple et demande un vrai dépassement de soi. Dont on peut tirer une fierté, c’est très précieux!» Précieux, et donc à protéger: pour éviter de transformer la forêt en un simple espace de «self-care», Elisabeth Tricot assure toujours travailler avec les garde-forestiers, et éviter toute pratique invasive. «Mon but n’est pas d’utiliser la nature, mais d’y prendre racine autrement.»