Priorités

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Priorités

24 juillet 2023

Deux faits liés : le 6 juillet 2023, il n'y a jamais eu autant d'avions dans le ciel mondial depuis qu'a lieu leur dénombrement quotidien ; la première semaine complète de juillet a aussi été la plus chaude dans le monde depuis que les mesures nous permettent d'établir une température mondiale moyenne.

Les avions d'abord. Avec le premier confinement du COVID et ses ciels presque vides d'avions, on avait espéré qu'on pourrait se mettre à limiter nos voyages aériens. Depuis que ceux-ci ont repris, les compagnies annoncent – avec de grands sourires – que le nombre de vol a rattrapé la situation d'avant COVID et l'a même largement dépassée. On est fier de polluer davantage la planète qu'en 2019 ! Et l'aviation n'est qu'un exemple parmi beaucoup d'autres où la foi au progrès fait qu'on se glorifie de ses crimes (cf. mon blog du 25 avril : https://www.reformes.ch/blog/jean-denis-kraege/2023/04/mortifere-foi-au-progres).

L'élévation de la température ensuite. Chaque été, c'est devenu un leitmotiv : les températures sont plus élevées que jamais. Cela est dû au réchauffement général du climat dont la cause est humaine, etc. etc. Pourtant l'automne revenu, on ne pense nettement moins à la crise climatique. Oh ! certes on fait quelques efforts. On pose des panneaux solaires, achète une voiture électrique, baisse le thermostat de 25o à 24,5o, prend des douches à deux... C'est peut-être bien, mais est-ce suffisant ? N'est-ce pas un moyen de se donner bonne conscience ? L'élévation de la température ressentie surtout en été n'appelle-t-elle pas des mesures plus draconiennes ? Et s'il n'y avait que la température, mais il y a les pluies torrentielles, l'élévation du niveau des mers, les pollutions de toutes sortes, la dégradation de la biodiversité...

Mais il y a pire ! Nos moyens d'informations ont juxtaposé ce qui a eu lieu le 6 juillet en matière de transport aérien et la température qu'il a fait cette semaine-là. Pourtant ni les media, ni leur utilisateurs – nous-mêmes – sommes enclins à faire le lien entre ces deux informations. On se dote de panneaux solaires, mais prend plus l'avion que jamais. Certains font des efforts en matière de chauffage, mais la baisse de consommation de produits carbonés est surtout due, l'hiver dernier, au réchauffement climatique ! Il faut impérativement prendre des mesures bien plus drastiques. Mais pour ce faire, il convient de changer ses priorités.

On ne peut militer pour une constante « reprise » de l'économie ET pour la lutte contre le réchauffement du climat. On ne peut non plus focaliser son attention, donc son temps et son énergie sur tout ce qui nous tient à cœur ET sur ce qu'il est convenu d'appeler d'un bel euphémisme la « transition énergétique ». On ne peut prendre l'avion pour être plus rapidement sur son lieu de vacances ET vouloir faire baisser la consommation de carbone. On ne peut non plus vouloir courir le marathon de Londres ET faire baisser cette même consommation. Ce n'est pas là seulement un question de cohérence. Dans quelques années vous ne pourrez plus aller cluber à Ibiza en avion car il y fera beaucoup trop chaud, toutes les forêts y auront brûlé... Vous ne pourrez plus courir le marathon de Londres, car une partie du centre ville sera submergé...

Ecoutons les écologistes radicaux ! Pour eux, la situation fait qu'il ne semble exister qu'une priorité : la sauvegarde de la planète. Tous nos combats, si légitimes puissent-ils nous paraître, doivent être remis à des dates ultérieurs. L'urgence écologique exige toutes nos disponibilités chaque jour de l'année ! Mais ici on me rétorquera qu'on ne peut quand même pas renoncer à se battre pour les droits humains au nom de l'écologie. Certes cela semble impossible. Pourtant ne risque-t-on pas de regretter d'avoir « perdu son temps » dans ce combat pour les droits humains quand des foules de réfugiés climatiques déferleront et que la loi de la jungle viendra anéantir tous les efforts que nous aurons fait en faveur de plus de justice et de plus de liberté entre humains ? Le combat pour sauver ce qui peut encore l'être de la nature n'est-il pas un combat pour défendre nos acquis culturels et parmi eux les droits humains ? Alors, autant que faire se peut, il s'agit de mener le combat écologique et celui en faveur des droits humains, mais s'il faut choisir, l'écologie prime.

S'il faut tout sacrifier pour empêcher une détérioration trop importante du climat, ne faut-il pas alors aussi fermer les Eglises ou les transformer en lieux de combat pour la décroissance ? A quoi bon annoncer la parole de Dieu quand a lieu la destruction chaque année plus rapide de notre environnement ? A moins de concevoir la foi chrétienne exclusivement comme une assurance sur l'au-delà, la priorité ne semble pas être de proclamer la bonne nouvelle qui crée la foi !

Et pourtant ! J'ose affirmer que proclamer la parole de Dieu est un moyen de se battre contre la dégradation de la vie sur terre. J'irai même plus loin : elle est la priorité des priorités en la matière ! Comme déjà évoqué dans le blog mentionné ci-dessus, le problème écologique n'est pas aujourd'hui qu'il nous faille prendre conscience qu'il y a là un réel problème et même que c'est LE problème actuel. Tout être raisonnable devrait en avoir pleinement conscience. Non ! Le problème écologique est d'être conséquent avec ce que l'on sait. Or ce qui nous empêche d'être cohérent, ce sont les illusions que nous nous fabriquons à propos de ce que nous sommes. Nous ne nous acceptons pas mortels, limités, relatifs... Pire encore : nous croyons que nous pouvons toujours nous en sortir à la force du poignet ou de notre cerveau. « On inventera de nouvelles techniques pour résoudre ce problème », s'entend-on dire. Nous nous croyons tout-puissants ou presque. Et ici le christianisme vient nous rappeler que tout-puissants nous ne le sommes pas. Il vient nous appeler à l'humilité. Trop souvent on a compris cette humilité comme une vertu dans notre seule relation à autrui. Or, en christianisme, humble, il s'agit de l'être d'abord devant Dieu donc aussi dans nos relations interhumaines, mais aussi face à la nature.

On nous ressort régulièrement que le christianisme est responsable du dérèglement climatique car il a prêché une phrase qui ne se trouve qu'une fois dans la Bible : « Dieu dit (aux humains) : Soyez féconds, multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-là. Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tous les animaux qui fourmillent sur la terre » (Genèse 1.28). Sur ce point on a parfaitement écouté ce que disaient les Eglises et on continue implicitement à le faire parce que cela nous convient parfaitement. Mais on n'a pas entendu ces même Eglises lorsqu'elles rappelaient l'incitation plusieurs fois répétée de Jésus à choisir la dernière place (Marc 9.35, 10.31, Matthieu 20.16 ; Luc 13.30, 14.7ss.), à renoncer à tout pour le suivre (Marc 8.34ss. ; Luc 14.25-33), à être sans inquiétude face à l'avenir, car il appartient à Dieu (Matthieu 6.25ss.)... Ce radical changement de compréhension de sa vie (métanoïa, mal traduit par conversion) est la priorité des priorité en matière d'écologie !

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