Les Églises romandes se rêvent en numérique
Hasard du calendrier, Médias-pro, le service de médias des Églises réformées de Suisse romande, s’est retrouvé au cœur de la 48e assemblée générale de la Conférence des Églises réformées romandes (CER), qui s’est tenue le 13 septembre à Lausanne. En effet, deux des trois grands points de l’ordre du jour (hormis les formalités habituelles) se sont concentrés sur la question de la présence des réformés dans le paysage médiatique.
Décision unilatérale de la RTS
Le premier volet relevait de l’information donnée par Michel Kocher, directeur de Médias-pro, quant à la dénonciation de la convention liant le service de médias protestant, son homologue Cath-Info et la RTS. En effet, en juin dernier, la direction de la RTS a annoncé à ses partenaires avoir décidé d’arrêter le seul magazine télévisé de RTSreligion «Faut pas croire» à fin juin 2022, pour réallouer une partie des moyens ainsi économisés en faveur d’une offre digitale plus significative.
«J'ai l'impression que les dirigeants de la RTS ne s’étaient même pas aperçus que cette décision équivaut à une dénonciation de convention», relève Michel Kocher. «Il ne se sont rendu compte ni des enjeux pour nous, leurs partenaires, ni des conséquences légales d’une telle décision.»
«Ébranlés et déçus tant par le fond que la forme», les directeurs de Médias-pro et Cath-Info ont alors choisi de communiquer, ce que la RTS avait choisi d’éviter, l’entreprise de service public ayant opté pour une «communication réactive». «Nous sommes solidaires des économies considérables que doit réaliser la RTS, mais pas de cette façon-là, sans discuter le moins du monde éditorialement sur ce que l’on pourrait faire ensemble dans le monde numérique.»
La question qui se pose de fait aujourd’hui aux Églises réformées romandes est de savoir si, de leurs côtés, elles vont décider de baisser également leurs contributions à ce partenariat. «Réinvestit-on à la RTS ou à Médias-pro?» soulève Michel Kocher, invitant les Églises à y réfléchir d’ores et déjà.
Présence digitale
Sans lien direct avec cette première annonce, les représentants des différentes Églises romandes devaient également, lors de cette assemblée, se déterminer quant au projet de présence numérique, proposé par le directeur de Médias-pro et soutenu par le Conseil exécutif de la CER. «La dénonciation de la convention avec la RTS nous pousse à accélérer cette réflexion», formule Jean-Baptiste Lipp, président du Conseil exécutif de la CER, au moment d’enchaîner sur ce point de l’ordre du jour.
La crise sanitaire ayant «poussé certains lieux d’Églises à se lancer gaillardement dans différentes offres numériques en ordre dispersé», le projet vise à accompagner les Églises «dans leurs réflexions, leurs productions, leurs diffusions et leurs questions numériques». «Les moyens que chacune met dans la communication et l’information nécessitent aujourd’hui une meilleure synergie et mutualisation», pose le rapport.
Imaginé en quatre étapes, le projet soumis au vote se propose précisément de «stimuler la présence numérique des lieux d’Églises» dans «une vision long terme» autour d’un label fédérateur: «réformés-digital». «Il faut sortir du bricolage», enjoint encore Jean-Baptiste Lipp, annonçant par ailleurs que la CER va mettre en place un groupe de travail sur la communication de la CER et de ses Églises. Pour le Conseil exécutif, «ce projet est un premier pas dans cette direction».
En contrepoint total à l’annonce concernant la RTS, l’assemblée de la CER a décidé, à l’unanimité, et sans aucune discussion, de soutenir ce projet à hauteur de 150'000 fr. Une décision qui marque son engagement et sa détermination à penser sa présence médiatique, ainsi que sa confiance à son service de médias.
Ministères émergents… et historiques?
La deuxième décision de la soirée concernait le rapport de l’Exécutif autour de la question des ministères émergents (postes qui ne sont pas attribués à des pasteurs ou des diacres). Selon le rapport, «l’Église a tout avantage à intégrer, dans ses équipes professionnelles, des personnes en possessions de formations diverses et pas forcément universitaires. Il en va de la diversification des lieux d’expression, qui soit en adéquation avec notre société.» Là encore, le Conseil exécutif souhaite «avancer de manière harmonieuse au sein de la CER, plutôt que par ordre dispersé».
Si l’assemblée a voté en faveur des propositions du Conseil exécutif, à savoir de reconnaître ces nouveaux ministères, de poursuivre une réflexion systématique sur ceux-ci et de veiller à la mise en place d’un système d’équivalence, l’échange a fait émerger une autre préoccupation: «Ce qui pose vraiment problème aujourd’hui, ce sont les ministères historiques», a pointé Yves Bourquin, président de l’Église réformée évangélique de Neuchâtel (EREN). «Alors que le ministère pastoral a beaucoup changé dans nos Églises, la formation pastorale et théologique est restée très traditionnelle. Il faut aussi réfléchir à la question des passerelles à proposer pour les personnes qui s’intéressent à entrer dans le pastorat en deuxième partie de leur vie», poursuit-il.
Même souci du côté de Pierre-Philippe Blaser, président de l’Église évangélique réformée de Fribourg (EREF): «Il est également important que l’on n’oublie pas de promouvoir et soutenir la formation des ministères historiques auprès des candidats potentiels, collégiens, catéchumènes, etc.» Et d’insister: «Les ministères émergents me doivent pas devenir un oreiller de paresse pour ne pas s’interroger sur les ministères historiques.»
Tout en rappelant que le rapport en discussion concernait exclusivement les ministères émergents, le président de la CER a affirmé, au nom du Conseil exécutif, que cette inquiétude avait bien été entendue, et qu’une réflexion sur ces questions sera sans conteste mise sur pied prochainement.