Quand les Églises se battent pour l’accès à l’eau potable

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Quand les Églises se battent pour l’accès à l’eau potable

25 juillet 2019
Avec la chaleur estivale, on transpire à grosses gouttes. Par chance, en Suisse, rien de plus simple que d’étancher sa soif. Cette situation est loin d’être monnaie courante. Le manque d’eau potable touche 2,1 milliards d’individus. Une problématique cruciale pour les œuvres d’entraide chrétiennes.

Ouvrir le robinet et se servir un verre d’eau fraîche. Un geste des plus communs. Enfin, pas pour tout le monde. Trois personnes sur dix n’ont pas accès de façon sûre à de l’eau potable, et six sur dix n’ont pas accès à des installations sanitaires fonctionnelles, selon l’édition 2019 du Rapport mondial des Nations Unies sur la mise en valeur des ressources en eau. Une problématique qui préoccupe depuis longtemps les œuvres d’entraide chrétiennes, comme Pain pour le Prochain, Action de Carême et surtout l’Entraide protestante suisse (EPER). Depuis sa création en 1946, cette institution s’engage pour favoriser l’accès à l’eau potable dans les pays qui en manquent. Elle y consacre environ 10% de son budget annuel, soit 3 millions de francs pour 2018. Principalement active en Afrique, en Asie et en Amérique latine, elle a touché environ un million de personnes, ces dix dernières années.

Sur le terrain, l’EPER collabore avec des ONG locales. Elle s’occupe du financement et de la mise en place de points d’eau, tels que des stations de pompage. Par exemple, en Éthiopie, dans les districts de Guduru et de Habado Guuru, qui comptent environ 180’000 habitants, plus de la moitié n’ont pas accès à de l’eau potable de façon sécurisée. Depuis 2013, l’EPER y a développé plusieurs projets de captages avec la mise en place de réservoirs. Ces travaux ont permis, à ce jour, à 17’800 personnes d’accéder à de l’eau potable, pas sans certaines difficultés.

De multiples obstacles

«La principale difficulté est l’accès à une eau de qualité. Dans certaines régions d’Éthiopie, les nappes phréatiques profondes sont souvent contaminées par un taux très élevé de fluor qui entraîne des problèmes osseux potentiellement graves», explique Karl Heuberger, expert de la thématique «eau» à l’EPER. Un autre problème réside dans l’utilisation de pesticides pour l’agriculture. «Il est très compliqué d’améliorer une eau contaminée par des produits chimiques. Au Brésil, plus de cinq kilos de pesticides par personne sont utilisés chaque année.» Et lorsqu’un accès à une eau de qualité est possible, la maintenance des installations n’est pas de tout repos. L’EPER reste au maximum trois ans sur place pour développer le projet et former professionnellement une partie des habitants. Ce n’est pas toujours suffisant. Un autre obstacle de taille concerne le rôle des gouvernements. «Ce sont les responsables directs du bon fonctionnement des installations. Il arrive, trop souvent, qu’ils ne fournissent pas l’aide financière nécessaire, pour des raisons de priorisation politique.»

Selon le rapport de l’ONU, entre 1990 et 2015, la proportion de la population mondiale ayant accès à une source d’eau améliorée, c’est-à-dire un point d’eau fixe, est passée de 76% à 90%. «Ces dernières années, d’une façon globale l’accès s’est largement amélioré. Une tendance que l’on doit essentiellement à la Chine, un pays qui pèse lourd dans les statistiques mondiales. Par contre, en Afrique et en Amérique latine, la situation n’a que peu changé», précise Karl Heuberger.

L’impact du changement climatique

Si l’accès à l’or bleu est devenu plus aisé, «la pénurie d’eau affecte plus de 40% de la population et devrait augmenter», relève encore le rapport de l’ONU. Notamment, à cause du changement climatique. «Le problème s’accentue, surtout dans les pays du Sud, qui subissent de grandes sécheresses à cause de la perturbation du cycle des moussons», relève Karl Heuberger. Parallèlement, «l’agriculture industrielle, et son corollaire, le déboisement, ont engendré une forte diminution de l’eau dans les nappes phréatiques peu profondes. Un problème pour de nombreux maraîchers qui creusent encore des puits à la main pour arroser leurs cultures», explique Roger Zürcher, ingénieur agronome à DM-échange et mission. Cette organisation protestante soutient plusieurs projets pour inverser cette tendance. «Le reboisement et la couverture permanente des sols, par des plantes de couverture ou du paillage, favorisent l’infiltration d’eau dans le sol», ajoute le spécialiste. «Nous cherchons à développer avec les communautés locales des projets de niches innovateurs alternatifs à l’agriculture industrielle. Ces initiatives fonctionnent. Et à partir d’un certain pourcentage de personnes qui les mettent en pratique, entre 15% et 30%, la société peut basculer dans un autre mode de fonctionnement, tel que l’agroécologie».

En 2005, la Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS) ainsi que la Conférence des évêques ont signé une déclaration œcuménique avec les Églises protestantes et catholiques du Brésil demandant, entre autres, que «l’eau soit reconnue localement et mondialement comme un droit de l’homme» tout en s’engageant à motiver les forces politiques et la population à «combattre la privatisation de l’eau». En 2010, l’ONU a enfin reconnu l’accès à l’eau potable comme un droit humain. D’autres organisations religieuses, dont le Conseil œcuménique des Églises, font un travail de plaidoyer, notamment au travers du Réseau œcuménique de l’eau.