«Le pèlerinage est un laboratoire de valeurs»

Gaële de La Brosse / © Nicolas Portnoi pour Le Pèlerin
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Gaële de La Brosse
© Nicolas Portnoi pour Le Pèlerin

«Le pèlerinage est un laboratoire de valeurs»

Gaële de La Brosse
Gaële de La Brosse, journaliste et éditrice, a écrit une dizaine d’ouvrages sur les chemins de pèlerinage. Plus qu’un phénomène revivifiant les religions, l’itinérance est pour elle un chemin de vie.

De quand date la renaissance des chemins de Compostelle?

Outre la création de différentes associations jacquaires en Europe, il y a quelques dates clés. En 1987, le chemin de Saint-Jacques a obtenu le premier label d’«Itinéraire culturel» du Conseil de l’Europe. En 1989, les Journées mondiales de la jeunesse se sont déroulées à Saint-Jacques-de-Compostelle. Puis ce fut l’inscription des chemins de Saint-Jacques sur la liste du Patrimoine mondial de l’Unesco (1993 pour l’Espagne, 1998 pour la France). La structuration de ces itinéraires (signalétique, réseau d’hébergements, publication de guides pratiques, carnet du pèlerin et certificat final) a servi de modèle à bien d’autres.

Lesquels?

Dès la fin du XXe siècle, en France, trois grands chemins ont été redécouverts: ceux du Mont-Saint-Michel, de Saint-Gilles-du-Gard et du Tro Breiz (ou «tour de la Bretagne»). Ont suivi, par exemple, ceux de saint Martin de Tours (qui va jusqu’en Hongrie), d’Assise, de Rome (la Via francigena, qui traverse la Suisse). Je citerais également le Sentier des huguenots, alors que les protestants ne sont pas, historiquement, attachés à la pratique pèlerine. De nombreux itinéraires ont de plus été conçus sur les traces de saints vénérés localement. Enfin, des parcours plus modestes ont été tracés vers des sanctuaires catholiques (Lourdes, le mont Saint-Odile, la Sainte-Baume, etc.) pour permettre aux pèlerins d’y arriver à pied.

Comment l’Eglise catholique regarde-t-elle ce phénomène?

Elle s’est longtemps méfiée de cette «pratique de plein air» non encadrée. A plusieurs périodes de son histoire, elle a également mis en garde ses fidèles contre la piété populaire (processions, vénérations de statues et autres rituels). Désormais, l’Eglise accompagne ce phénomène, qui repose sur trois catégories d’acteurs: associations, collectivités territoriales et autorités religieuses. Sur le chemin de Compostelle, une pastorale spécifique a été mise en place par les évêques d’Espagne et de France.

Existe-t-il pour vous une culture pèlerine?

Sans aucun doute! Le pèlerinage existe dans la plupart des religions, par exemple en Inde (sources du Gange), au Tibet (mont Kailash), en Arabie saoudite (La Mecque), en Amérique du Sud (Guadalupe)… Partout, le pèlerin quitte sa terre (peregrinus désigne, en latin, l’étranger) pour se diriger vers un lieu sacré. Sur la route, il retrouve des valeurs souvent négligées: fraternité, solidarité, partage, hospitalité, respect de la nature. A l’arrivée, les pratiques sont également similaires : déambulations, prosternations, gravissement de marches, passage d’une rivière, etc.

De nos jours, le pèlerinage n’est-il pas un outil de développement personnel?

En effet, et je crois que c’est là une dérive: se retrouver n’est pas le seul but du pèlerinage. A la différence d’une randonnée, il mène à un sanctuaire, et c’est ce terme qui donne son sens au chemin. Au retour, l’enjeu est de pouvoir vivre et incarner au quotidien les valeurs trouvées sur la route. En cela, le pèlerinage est un conservatoire ou un laboratoire de valeurs en mouvement.

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