Télévision: sus au religieusement correct!

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Télévision: sus au religieusement correct!

27 septembre 2000
Le Prix Farel qui vient de s'achever à Neuchâtel a mis en compétition les meilleures émissions religieuses diffusées en Suisse, France, Belgique et Italie
Le jury a fustigé le religieusement correct et a été ému par des productions sur le suicide, le sida, l'euthanasie, l'avortement, ainsi que sur la vie monastique.

"C'est une cuvée grave", commente Daniel Wettstein, directeur de la 18e édition du Prix Farel qui vient de se terminer à Neuchâtel. Un simple coup d'œil sur le programme le confirme. Une grande partie des reportages en compétition, qu'ils viennent de Suisse, de France, de Belgique ou d'Italie, traitent de la mort, du Sida, de l'euthanasie ou du suicide. A la clé, des témoignages poignants où l'on touche du doigt la vulnérabilité de la personne humaine tout en parvenant à éviter le piège de la mise à nu voyeuriste. Modèle du genre, le reportage de la Télévision catholique belge sur les soins palliatifs a impressionné par sa manière d'aborder avec tact mais sans fausse pudeur le corps humain dans son état dégradé, mettant en valeur le respect, la compassion et la bonté du personnel soignant: "La dimension religieuse n'avait pas besoin d'être nommée, note Anne Queffelec, membre du jury. Elle se voyait dans l'attitude des soignants". Même doigté chez les journalistes romands de Jonctions Magazine qui ont traité du suicide d'un jeune homme et des conséquences sur son entourage.

§La télé s'anoblitLe jury ne s'y est pas trompé. Il a salué le courage des réalisateurs de s'être attelés à ces thèmes difficiles et qui ne sont pas grand public: "Peu de gens ont envie de voir cela en prime time, estime Anne Queffelec. Pourtant, ce type d'émissions est indispensable dans un monde où le succès et la jeunesse prédominent. On y voit diverses façons de faire face à la mort, et cela permet de progresser soi-même dans sa réflexion. Quand la télévision ose traiter ces réalités-là, elle s'anoblit".

Cette forte présence de la mort a pourtant le don d'agacer un autre membre du jury, Peter Gottschalk, chargé de programmes documentaires sur ARTE. "Il n'y a rien de nouveau. Vu que les pasteurs ne veulent plus faire la révolution comme en 1968, on se rabat sur les sujets convenus que sont la maladie ou la mort". Sensible à la forme des reportages autant qu'à leur fond, Peter Gottschalk pointe la qualité technique défaillante de certains reportages: "Les premières trente secondes manquent de punch alors qu'il faut impérativement saisir le téléspectateur qui risque à tout instant de zapper. Certaines émissions sont trop longues et parsemées d'interviews mal filmées ou pédantes".

Quant à Guy Bedouelle, membre du jury, critique de cinéma et professeur d'histoire de l'Eglise à l'Université de Fribourg, il regrette que les reportages soient trop consensuels: "Beaucoup d'émissions montrent des bons sentiments. Or, rien n'est plus difficile à transmettre que les bons sentiments. J'aimerais plutôt savoir pourquoi on est catholique et qu'on le reste. Quel est le fondement de l'identité catholique ou protestante?".

D'autre part, dans le face à face avec la caméra, les prêtres et pasteurs ont parfois du mal à tirer leur épingle du jeu: "On voit qu'ils n'ont pas l'habitude de l'audiovisuel", estime Guy Bédouelle. "Trop d'intervenants s'expriment de façon tiède, relève Anne Queffelec. A mon avis, le religieux ne peut pas être tiède. Le sacré est forcément brûlant".

§Vie monastiquePar ailleurs, plusieurs équipes de télévision ont pénétré dans des monastères afin de sonder la vocation de leurs membres. Pourquoi cet engagement qui peut paraître anachronique aujourd'hui? Dans cet exercice, la RTBF(Télévision belge) qui a présenté un reportage intitulé "L'Amour fou" s'est montrée spécialement perspicace. Si les novices interviewés pensaient avoir fait le bon choix en ralliant la vie monastique, ils laissaient poindre, ici et là, le doute sur le but ultime de leur dévotion. "Finalement, à quoi ça sert tout ça?", demandait la journaliste de la RTBF (Télévision belge) à une sœur. Après un moment de profonde perplexité, la jeune femme qui ne s'attendait visiblement pas à la question, est partie d'une belle réponse sur la volonté de s'inscrire dans les pas du Christ et de perpétuer son amour. Autre temps fort du reportage, le moment où la journaliste questionne deux sœurs sur la sexualité. Loin des soupirs embarrassés, l'une d'elle explique que le corps entre aussi en jeu dans la relation d'amour avec Dieu et engendre une sexualité différente de l'acception habituelle.

§Trois diffusionsDiffusé une première fois en prime time à la RTBF, "L'amour fou" a été rediffusé à deux reprises et a engendré un nombreux courrier de téléspectateurs. "Nous sentions une demande du public au sujet de l'engagement religieux, explique la journaliste de la RTBF à l'issue de la projection de son film. Nous avions vu juste".