Quand la folie rapproche de Dieu

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Quand la folie rapproche de Dieu

6 octobre 2000
Debout, tombé, relevé: pour le Neuchâtelois Brice Pfyffer, la vie est une lutte de chaque instant pour s'arracher aux tourments de ses troubles psychiques et empêcher la maladie d'avoir raison de son bonheur de vivre
Seul noyau dur qui résiste quand le chaos l'envahit, sa foi. Dans un essai qui vient de paraître, "Heureuse faiblesse", il s'attache à montrer que Dieu se cache dans la fragilité des malades mentaux. Pour sa part, le chanteur vaudois Dominique Scheder a renoué avec le catholicisme de son enfance au sortir du long hiver de ses délires. Il a créé une halte spirituelle au Groupe d'accueil et d'action psychiatrique (GRAAP) à Lausanne. Histoire de réunir ceux qui se posent des questions d'ordre religieux, cherchent à se rapprocher de Dieu et à s'apaiser. Ou tout simplement à se dire, en toute liberté."La foi ne me guérit pas mais elle m'aide beaucoup. Elle me sert de colonne vertébrale explique le Neuchâteloise Brice Pfyffer. Persuadé que Dieu se cache dans la faiblesse humaine, il nous livre avec "Heureuse faiblesse", essai littéraire qui vient de sortir de presse, un ardent plaidoyer pour les malades mentaux, dont "l'extrême fragilité renvoie à celle du Christ". Son livre est une invitation pour ceux "qui fonctionnent bien socialement" à écouter et comprendre les malades psychiques et surtout à se montrer solidaires avec eux.

"Je me suis converti au christianisme à la suite d'une sévère décompensation psychotique. Ma foi m'a été d'un grand secours", poursuit Brice Pfyffer qui a trouvé dans l'écriture mais aussi la peinture un moyen de communiquer et d'exprimer sa richesse intérieure.

A la suite de sa conversion, il a fréquenté une communauté évangélique charismatique dont la structure rigide et les dogmes lui sont apparus comme un rétrécissement de l'horizon. Il s'est alors risqué à une foi plus intériorisée et plus libre. "J'essaie de ne pas croire trop simplement, de ne pas me laisser aller à mon fanatisme naturel". Sa formation théologique donne à ses propos une cohérence intellectuelle sans en brider la spontanéité.

§Le malheur et la souffrance Est-il révolté contre Dieu qui a permis ses souffrances? Brice Pfyffer fait une distinction entre malheur et souffrance; il estime que cette dernière fait partie de la création. "Le malheur, lui, relève de la liberté de l'homme de choisir le mal, la guerre et la mort". C'est contre le mal que l'auteur de "Heureuse faiblesse" est révolté, pas contre Dieu. "Je suis heureux de vivre. La maladie me fait souffrir par période mais ne m'empêche pas d'être heureux à d'autres moments.

§Halte spirituelle au GRAAP"Dans ma folie, je voulais sauver le monde entier!" Le chanteur vaudois Dominique Scheder évoque ce qu'il appelle avec pudeur "un incorrigible hiver", pendant lequel il s'est battu pour se défaire d'un délire mystique. Renouant avec la foi catholique de son enfance au sortir de cette douloureuse crise de schizophrénie, il eut l'idée de créer, pour faire résonance à ses préoccupations religieuses, un lieu où débattre en toute liberté de questions spirituelles, de croyances,un endroit privilégié où dire ses doutes, ses aspirations, mais aussi parler de la vie, de la mort, de la joie et de la souffrance. Animateur d'ateliers d'écriture au Groupe d'accueil et d'action psychiatrique (GRAAP) à Lausanne dont il est l'un des membres fondateurs,il pensa tout naturellement à cet endroit pour y instaurer sa halte spirituelle. Il invita le pasteur Pierre Matthey à en devenir le médiateur. Une quinzaine de personnes venues de tous horizons religieux, croyants et athées se retrouvent souvent au rendez-vous un lundi soir sur deux.

§Parler vrai pour répondre à des cris Compagnon bénévole de ceux qui fréquentent la halte spirituelle, le pasteur Pierre Matthey, a su imprimer à ces rencontres une liberté de parole et un esprit de tolérance. "La halte n'est pas un lieu où persuader et convaincre" précise d'emblée Pierre Matthey, elle permet à chacun de s'exprimer sur des sujets dont on parle en général avec difficulté. Certaines questions sont comme des cris auxquels il n'est pas facile de répondre sur le champ. Le groupe m'a appris à parler vrai pour dire ma foi. Les participants, dans leurs manifestations parfois désordonnées, ont des talents qu'à force d'être ordonné, je n'ai pas. Le groupe m'apporte tout ce qui me manque".