« Je suis prêt à mourir aujourd’hui… »Apprendre à parler de sa peur de la mort pour induire la guérison

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« Je suis prêt à mourir aujourd’hui… »Apprendre à parler de sa peur de la mort pour induire la guérison

9 octobre 2000
Une trentaine de personnes, malades du cancer, proches et thérapeutes, ont passé le week-end à Jongny en dessus de Vevey en compagnie du cancérologue californien Carl Simonton
Un week-end intense de l’avis des participants qui trouvent dans la méthode Simonton ce qu’ils n’ont pas trouvé ailleurs: parler franchement de sa peur de la mort pour retrouver l’envie de vivre. Interview de ce radio-oncologue qui, en complément des traitements traditionnels du cancer, propose à ses patients une démarche où l’imagination, la joie et la douceur ont une place prépondérante. §Dr Carl Simonton, comment en êtes-vous arrivé à développer votre propre méthode de traitement du cancer?Dans ma pratique de radio-oncologue, j’ai très vite constaté que les patients atteints de cancer ont beaucoup de peine à coopérer avec leur médecin traitant. J’ai réalisé que ce qui les retient, c’est le désespoir : parce qu’ils ont le cancer, ils sont convaincus qu’ils vont mourir. Ils n’ont en général aucun espoir, ni dans la vie, ni dans les traitements qu’on leur propose. J’ai alors essayé de trouver les moyens de les aider à passer d’un état désespéré à un état d’esprit plus constructif. Et je me suis très vite rendu compte qu’en modifiant nos états émotionnels, nous agissons sur notre chimie interne. Cela m’a emballé et je me suis lancé dans un domaine étranger à celui pour lequel j’étais formé.

§Vous êtes-vous heurté à des résistances de la part de vos collègues médecins?Bien sûr. La médecine officielle nie toute influence des émotions sur le développement des maladies. Lors de la parution de mon premier article sur ce sujet en 1981, on m’a carrément mis sur la liste des charlatans pratiquants aux Etats-Unis et ce n’est que l’année dernière que j’ai été réhabilité parce quelques-unes des personnes-clés qui m’avaient mis sur cette liste avaient des proches qui souffraient de cancer et qui comprenaient la teneur de mes travaux.

§Quelle explication scientifique donnez-vous à l’influence directe des émotions sur la santé ?La première personne qui l’a démontré clairement c’est Hans Seyle, l’endocrinologue canadien dans ses ouvrages remontant aux années 50. Aujourd’hui la chimie de ce processus est largement reconnue. Nous savons notamment que notre cerveau agit directement sur notre système immunitaire grâce aux neuro-récepteurs qui existent à la surface de nos globules blancs. Et cet échange est très important parce qu’il dicte au corps l’endroit où des globules blancs supplémentaires doivent être envoyés, quel type de globules blancs doit être produit, etc. Tout ce réseau d’informations est régi par des minuscules molécules de communication. C’est le domaine de la psycho-neuro-immunologie.

§C’est ce qui vous amène à dire que les croyances des patients ont également une influence directe sur l’évolution de leur maladie?Nos croyances dictent nos états émotionnels et nos émotions sont le moteur le plus puissant de notre système de guérison. Nos croyances sont donc fondamentales. Elles doivent être saines, et nous pouvons vérifier ceci par une série de questions que les psychiatres ont mis au point ces dernières années. Un exemple de croyance négative: « Je vais mourir de mon cancer quoi que je fasse ». C’est l’opinion la plus répandue chez mes patients atteints de cancer et c’est la cause principale des problèmes. Le contre-exemple positif est évidemment: « Je peux guérir». Ce qui est sûr, c’est que personne ne peut dire « Je ne peux pas guérir ». La meilleure façon d’aborder le problème est donc de dire « Je veux guérir, je peux guérir et surtout voici les raisons pour lesquelles je voudrais guérir » (famille, musique, nature, tout ce qui fait vibrer quelqu’un). Mais cette envie de vivre doit avoir un corollaire: « Je suis prêt à mourir… aujourd’hui ». Et si je ne suis pas prêt à mourir, je dois me demander ce que je peux faire aujourd’hui pour m’y préparer. En travaillant de façon régulière avec la personne, il faut trois à six semaines pour l’amener à changer fondamentalement son attitude face à sa maladie et à son traitement. Et cette nouvelle attitude a le pouvoir de changer radicalement sa vie.

§«Quelle est votre volonté de vivre » d’une part et « êtes-vous prêt à mourir » d’autre part, cette double question, vous la posez à tous vos patients ?Je la pose à tout le monde, même à mes enfants. Nous devrions tous avancer dans la vie avec cette idée : je veux vivre pour telles ou telles raisons clairement définies et je suis prêt à mourir aujourd’hui. Nous devrions nous y préparer de toute manière, d’autant plus lorsqu’on se retrouve atteint d’une maladie grave qui rend la chose plus probable encore. C’est quelque chose que je vis réellement, ce n’est pas une théorie, même s’il est vrai qu’on n’est jamais vraiment prêt à mourir. Mais je suis le plus prêt possible, en tout cas plus prêt que si je n’y avais pas travaillé.

§D’où vous vient cette force d’être prêt à mourir?Si vous vous ne l’êtes pas, c’est que vous n’y avez pas travaillé! C’est une attitude qu’on acquiert avec de l’entraînement. Cela ne relève pas de la confiance qu’on peut avoir ou pas dans la vie ou en Dieu. Il faut y travailler régulièrement. Dans le christianisme on en parle tout le temps. L’Evangile rappelle qu’il nous faut mourir chaque jour. C’est donc une croyance très ancienne. Nous devons absolument apprendre à la cultiver parce qu’elle a une valeur immense: elle peut nous aider à mobiliser nos énergies afin de bien vivre.

§Vos patients ne réagissent-ils pas violemment lorsque vous leur posez cette question?Pas vraiment parce que j’aborde ce problème en douceur. Je leur donne quelques jours pour se préparer puis nous passons à un exercice autour des croyances sur la mort. C’est un exercice capital, qui prend environ trois heures, et qui consiste pour eux à visualiser leur mort et leur retour à la vie. Si cette expérience est concluante, ils se sentiront mieux après qu’avant. Si ce n’est pas le cas, on essaie de voir ensemble les raisons pour lesquelles cela a échoué.

§Quelles sont les croyances les plus néfastes par rapport à la mort?Il y a trois catégories de peurs vis-à-vis de la mort: celle qui pose le plus de problèmes, c’est de ne pas savoir comment nous allons passer de l’«ici et maintenant » où nous sommes bien vivants l’expérience même de la mort. La deuxième source de problèmes, c’est la question de savoir ce qu’il advient de notre âme après la mort. Enfin la troisième source d’angoisses, et celle qui pose le moins de problème aux gens, ce sont les dernières heures de la vie. Il s’agit donc prioritairement d’aider les gens à travailler leur peur de ce que l’on pourrait appeler l’irruption de la mort dans leur vie. Il faut apprendre à la connaître, pour diminuer son influence néfaste et se concentrer sur tout ce qui nous procure de la joie et de la douceur. C’est en cela que l’imagination et la méditation jouent un rôle central dans la thérapie.

§Vous parliez tout à l’heure du christianisme. Vous êtes vous-même fils de pasteur: en quoi votre éducation chrétienne a-t-elle influencé votre travail ?J’ai grandi dans l’idée que la nature de l’homme est mauvaise et que moi-même j’allais finir en enfer. Cela a changé à l’âge de 29 ans, mais pendant 29 ans j’ai connu régulièrement les pires souffrances qu’un être humain peut endurer. Quand je rencontre des gens qui pensent qu’ils vont tout droit en enfer, je comprends exactement ce qu’ils ressentent et ce qu’ils vivent. Maintenant, je sais qu’ils peuvent changer cette manière de voir les choses. Mon éducation chrétienne m’a donc privé d’un épanouissement harmonieux en grandissant, mais elle m’a énormément aidé à comprendre mes patients.

§On sait maintenant qu’en Suisse, le service de radio-oncologie de l’Hôpital de Sion s’intéresse à votre méthode, cela vous réjouit?Oui, puisque la Dr. Claire Guillemin, radio-oncologue à Sion elle aussi, semble intéressée par la méthode, je serais heureux de la rencontrer afin d’envisager de nouvelles collaborations.

§En Suisse, la méthode du Dr Carl Simonton est appliquée par le Simonton Center Suisse, avenue Ruchonnet 57 à Lausanne. Deux ateliers et semaines de travail pour malades auront lieu en 2001: en février à Fribourg et Thoune et en octobre à Sion et Schönried.