Un pasteur genevois parmi les Justes : un livre révèle le parcours hors normes d’André et Magda Trocmé

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Un pasteur genevois parmi les Justes : un livre révèle le parcours hors normes d’André et Magda Trocmé

14 janvier 2008
Figures emblématiques de la résistance non-violente et du sauvetage de très nombreux Juifs menacés de déportation pendant la Seconde Guerre Mondiale dans la région du Chambon-sur-Lignon (FR), André Trocmé, qui fut pasteur à Genève de 1964 à 1970, et sa femme Magda, n’ont pas cessé de vouloir témoigner de façon concrète de « l’existence de Dieu sur terre »
Ils ont été en première ligne des combats pacifistes, côtoyé Martin Luther King, Rosa Parks, Indira Gandhi, Lanza del Vasto et l’abbé Pierre. Pierre Boismorand, pasteur à Martigny et Saxon, restitue leur parcours exemplaire.« En essayant de sauver, nous avons réconcilié le rêve et la réalité. La vérité de Dieu, c’est l’Autre, l’autre homme, le juif qu’on cache », écrit André Trocmé, pasteur au Chambon-sur-Lignon de 1934 à 1949. En France comme en Suisse, Magda et André Trocmé sont peu connus ; ils ont pourtant joué un rôle déterminant dans la filière d’évasion vers notre pays et permis de sauver de très nombreux réfugiés juifs, ce qui leur a valu la médaille de la Résistance à la fin de la guerre et la Médaille des Justes de l’Etat d’Israël en 1970. Infatigable, le couple s’est battu pour faire respecter la valeur inaliénable de chaque être humain, quels que soient son origine, son statut social et sa religion. De Genève, où André Trocmé a été pasteur de la paroisse de Saint-Gervais, jusqu’à sa retraite en 1970, le couple a continué son combat pacifiste, condamnant notamment la torture en Algérie, luttant pour les droits civils des Noirs aux Etats-Unis. Jamais André Trocmé n’a jamais failli à son engagement social et non-violent, forgé dans les années où il fut pasteur à Maubeuge au nord de la France, dans une région ouvrière pauvre, dévastée par la Première Guerre Mondiale. En épousant André Trocmé qu’elle a rencontré lors de ses études à New-York, Magda a adhéré à la vocation de son mari. Elle n’était pas protestante pour autant ni même profondément croyante. Elle explique dans une lettre à ses enfants: « Ma religion était une vraie protestation et l’est encore ». Ce qui l’a poussée à faire, comme elle l’écrit avec une modestie rare, « des petites choses par-ci par-là » ; en fait elle a accueilli et participé activement au sauvetage de centaines de Juifs et de réfugiés étrangers. Ensemble, André et Magda résistent à la violence exercée sur leur conscience par le régime de Vichy. « Nous avons appris que le refus de la guerre n’est que la moitié de notre devoir ; dire non au mal n’est pas suffisant. La résistance à la guerre doit comprendre quelque chose de plus : le salut de la vie physique et morale de l’homme ».

Magda et André Trocmé opposent jour après jour une résistance spirituelle active, « capable d’accomplir des gestes courageux qui peuvent apporter une aide concrète aux victimes de la persécution ». Le couple est animé, comme l’écrit Pierre Boismorand dans son livre, par «un mélange de détermination à refuser l’injustice et une certaine inconscience, liée sans doute à un sentiment d’invulnérabilité, à la certitude d’accomplir une action juste ».

Une fois la guerre finie, André et Magda Trocmé s’investissent dans le Mouvement international de la réconciliation (MIR). André Trocmé accepte une mission d’observateur en Allemagne, où il éprouve une profonde compassion pour les souffrances subies par le peuple allemand vaincu et découvre incidemment que certains connaissaient l’existence des camps mais n’avaient osé en souffler mot par peur de représailles. En 1954, il part en mission en Israël et au Liban. En 1958, en pleine guerre froide, André et Magda Trocmé sont les premiers à remettre en question l’énergie nucléaire. André Trocmé se rend à Hiroshima et Nagasaki. « C’est à Nagasaki que l’angoisse de la damnation m’a ressaisi… Ceux qui me font peur, ce sont les vivants, ceux qui ont lancé la bombe, ceux qui l’ont fabriquée, conçue, votée. Ainsi l’homme, de sa propre initiative a rouvert les portes de l’enfer qu’il croyait refermées pour toujours ».

André Trocmé achève sa carrière pastorale en Suisse, dans la paroisse Saint-Gervais à Genève, où il initie en 1964, au lendemain de l’indépendance de l’Algérie, un projet de coopération technique avec le nouvel Etat.

Le pasteur Trocmé et sa femme ont traversé le 20e siècle sans jamais dévier de leurs convictions, de leur soif de justice, sans jamais abandonner leurs révoltes ni renier leur pacifisme chrétien, minoritaire au sein de l’Eglise.Magda et André Trocmé, figures de résistances, textes choisis et présentés par Pierre Boismorand. Novembre 2007, Editions du Cerf.