Bienne: Traversées de déserts

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Bienne: Traversées de déserts

30 mars 2010
Nouvel effet du réchauffement climatique ? Non. Les « traversées de déserts » est le titre de l’exposition initiée par l’association « présences » à l’église du Pasquart, à Bienne. En ce temps de Carême, le sujet était tout trouvé. Déclinant le thème, les œuvres de douze artistes locaux abordent des questions comme la perte de repères, le rôle de guide ou l’introspection. Pistes de réflexion.

Par Sylvain Stauffer

Dans les tracas de la vie quotidienne, le recul manque parfois pour prendre les bonnes décisions. Le désert symbolise un lieu de retraite, de réflexion et d’introspection. « Dans une grande ville, il y a tellement d’indications que, paradoxalement, on a le sentiment de ne plus avoir de repères, d’être perdu », explique Catherine Kohler, co-commissaire de l’exposition, devant une toile représentant une mégapole grise et futuriste.


« Dans tout moment difficile, nous pensons qu’il est bon d’avoir un guide, des gens qui nous aident à sortir de ce désert », ajoute notre guide de luxe en présentant la peinture d’un homme, un bâton à la main. « Dans ce contexte, cette image d’Hubert Dechant nous a rappelé Moïse. » Plus loin, des photos de Michaël von Graffenried « montrent des migrants tamouls des années 80. On voit qu’ils passent une étape difficile. Arrivés en Suisse, entassés dans des cabanes en bois, ils n’ont plus de repères. En même temps, cette série témoigne que l’humanité est toujours en marche. Après les tamouls, il y a eu d’autres vagues de migration. C’est comme un cycle. Cela rappelle la traversée du désert du peuple d’Israël. »Introspection

Dans le langage populaire, « traversée du désert » est une expression qui désigne une période de crise. C’est souvent dans ces moments que l’on se remet en question, que l’on réfléchit au sens de sa vie. Ainsi, les difficultés peuvent parfois favoriser le progrès. « Ces  paysages montrent des routes tortueuses et des croisements de chemins. En même temps, ces images sont magnifiques. Cela laisse penser que des périodes de doute et d’introspection peuvent déboucher sur quelque chose de très positif. »

Dans la même optique, des photographies de Verena Lafargue illustrent l’introspection puis l’ouverture sur le monde. « Les clichés de l’artiste, dans ces immenses bulles transparentes, la montrent enfermée dans cette sphère. Mais elle n’est pas tout à fait enfermée ; il y a d’une part la transparence de la bulle, et d’autre part, le lieu, très ouvert, dans lequel elle est posée. Les périodes introspectives, les réflexions sur la vie, ont pour but de pouvoir mieux communiquer avec le monde par la suite, de rejoindre l’extérieur. De même, le but du peuple d’Israël était de sortir du désert. »

En sortant de l’église, lieu de recueillement, l’envie de communiquer et de partager nous envahit. Le désir de se rendre plus attentif à l’autre, et, si besoin, de lui apporter son aide, aussi.

RENCONTRE

Théologien et animateur, Reto Gmünder est responsable de faire le lien entre l’association « présences », initiatrice de l’exposition et l’église du Pasquart à Bienne. Rencontre.

Pourquoi avez-vous choisi ce thème de la traversée du désert ?

Reto Gmünder : Nous avons d’abord choisi ce thème par rapport au temps de l’église que l’on est en train de vivre : le carême. Les 40 jours avant Pâques sont une période où l’on se prépare à cette fête et où chacun est invité à faire le point sur sa vie, sur le développement de sa foi personnelle. C’est également un temps où l’on est accompagné par la symbolique des 40 ans de traversée de désert par le peuple d’Israël vers la Terre promise. Cette symbolique se retrouve aussi avec les 40 jours que Jésus a passé dans le désert. Il y a donc plusieurs traversée de désert dans la Bible.
De plus, dans le langage populaire, l’expression désigne une période difficile et un retour sur soi-même. Ce thème touche les gens. Tout le monde a des moments de crise, que ce soit à un niveau social ou à un niveau individuel, et tout le monde se retrouve dans cette symbolique de la traversée de désert.

Quel message avez-vous voulu faire passer au travers de cette exposition ?

R. G. : Nous faisons rarement des activités où l’on se sent l’obligation de transmettre un message. Nous voulons surtout que les gens aient un lieu pour réfléchir, pour discuter, pour échanger des points de vue. Notre but premier n’est donc pas forcément de faire passer un message.
Toutefois, c’est vrai qu’il y a des messages à différents niveaux. D’abord, à un niveau très général ; en organisant une exposition d’art contemporain dans une église, avec des artistes qui ne cherchent pas forcément à faire un travail avec une dimension spirituelle, avec des conférenciers (ndlr : trois conférences et des concerts ont eut lieu, sur ce thème, en parallèle de l’exposition) qui n’ont pas forcément un lien avec une confession, nous avons voulu dire que l’on ne peut pas tirer des frontières claires entre ce qui est de l’ordre de la culture, du spirituel et du social. Ce sont des domaines étroitement liés. Les questions que se posent les artistes ne sont pas très éloignées de celles que se posent des personnes en quête spirituelle ou même des gens qui vivent dans la société de manière plus ordinaire.
Au niveau de la thématique, le message est de réfléchir sur le besoin que l’on a de trouver ces temps de désert, ces temps où l’on prend du recul, où l’on réfléchit sur où l’on est et où l’on va.

Un moment difficile dans la vie peut-il amener quelque chose de positif, au travers de la réflexion, de la remise en question qu’il peut entraîner ?

R. G. : Effectivement, c’était un peu le fil rouge des trois conférences qui ont accompagné cette exposition. L’expérience difficile porte en elle l’occasion. On la saisit ou non, de se poser des questions essentielles.

Et après le désert, qu’est-ce qu’il y a ?

R. G. : Lors de la première conférence, Anne-Catherine Ménétrey Savary, l'ex-conseillère nationale écologiste, a insisté sur le fait que, pour elle, il n’y a pas forcément d’après désert. C’est-à-dire que nous sommes tous en marche, et que c’est un peu faussé de penser qu’il y a des périodes où tout va bien, qu’il y a ensuite une cassure, que l’on se retrouve dans le désert, et qu’il y a encore une cassure et de nouveau tout va bien. Elle avait plutôt tendance à dire que, dans son expérience, il y a des oasis. C’est-à-dire qu’il y a des moments de bonheur. Il faut déjà savoir les voir, être attentif à ces instants, et savoir les saisir et les vivre à fond. J’aime beaucoup cette idée de saisir les occasions qui sont données pour se poser des questions, pour réfléchir à sa vie, et aussi saisir les occasions où le bonheur s’offre, même s’il n’est pas définitif, même si c’est passager. Il faut être ouvert à ces instants de bonheur.

INFOS:


  • Exposition « Traversées de déserts ». Du 28.02 - 04. 04. 10, à l’église du Pasquart, Fbg du Lac 99a, Bienne/Biel.
  • Artistes : Jeanne Chevalier, Hubert Dechant, Carla Etter, Christoph Frautschi, Marcel Freymond, Franziska Frutiger, Michael von Graffenried, Jerry Haenggli, Verena Lafargue, Urs Peter Stooss, Sandra D. Sutter, Daniel Zimmermann.
  • Commissaires : Catherine Kohler et Hélène Joye-Cagnard
  • Association « présences » : www.presences.ch
  • Prochain cycle de conférences – exposition : du  21.04 au 20. 05. 2010 sur le thème des soins palliatifs.