Genève: Pensée protestante et nouvelle constitution

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Genève: Pensée protestante et nouvelle constitution

Maurice Gardiol
19 septembre 2012
En octobre 2008, j'ai été élu avec 79 autres personnes de différents partis ou associations au sein de l'Assemblée chargée de rédiger un nouveau projet de constitution. Le texte actuel date de 1847 et a été modifié par des révisions partielles à plus de 120 reprises, ce qui le rend à la fois illisible et sur bien des points obsolète.


, membre de l'Eglise protestante de Genève, constituant

Je me suis présenté parce que je considérais que je pouvais contribuer à ce projet avec ma connaissance du travail associatif suite à mon engagement dans divers domaines de la vie de la cité et des églises de Genève. Adopter une nouvelle constitution est une occasion unique pour une communauté de refaire alliance, de dire les valeurs sur lesquelles elle souhaite fonder l'action de l'Etat afin de permette un vivre ensemble responsable et solidaire.

Parallèlement aux travaux de la Constituante, un groupe de réflexion de l’Eglise protestante, auquel j'ai aussi participé, a mené une réflexion approfondie. Nous avons transmis régulièrement aux membres de l’Assemblée des remarques et des suggestions dans divers domaines en lien avec la pensée réformée et la présence des communautés religieuses dans la Cité.

Dans un opuscule intitulé « L’Eglise réformée et la Cité », nous en présentons une synthèse sous forme de thèses sur l’héritage spirituel, la santé, l’économie, la famille et l’environnement. Dans ces différents domaines, il nous est apparu que l'éclairage de la pensée et de l'éthique protestantes offrait des points de vue originaux et stimulants.

Un préambule et une vision

Maintenant que le texte final est soumis à notre approbation, nous sommes satisfaits de constater que notre proposition d'inclure dans la constitution un préambule pour rappeler nos héritages, y compris spirituel et culturel, a été retenue. Comme nous le souhaitions, ce préambule donne à cette charte fondamentale une introduction qui nous engage dans une dynamique du respect les uns des autres, de l'environnement et de la diversité de nos origines et de nos convictions. Ce sont des aspects qui rejoignent notre souci de gérer avec sagesse la Création qui nous est confiée mais aussi de garder l'humain au centre de nos actions.

Des valeurs et des droits fondamentaux à réaliser et à transmettre

Dans ce sens, le titre entièrement nouveau dans notre constitution cantonale sur les droits fondamentaux est important pour cette cité de Calvin, de Rousseau et d'Henry Dunant. Il démontre l’attachement aux droits humains auxquels ont œuvré ces personnalités et bien d'autres. Plusieurs des droits et des libertés énumérés découlent logiquement et concrètement des valeurs de responsabilité, de liberté, de justice et de solidarité que rappelle le premier article du projet de constitution et qui font aussi partie de notre éthique protestante.

Une laïcité en dialogue

Tout le monde sait qu'à Genève, la séparation de l'Eglise et de l'Etat remonte au début du XXe siècle déjà. Mais rien dans la constitution actuelle ne définit le concept de laïcité. C'est pourquoi nous espérions que le projet de nouvelle constitution le mentionne et le précise.

Nous estimons que l'article qui traite de cette question délicate est équilibré et nous apprécions qu'il mentionne la nécessité d'un dialogue entre les autorités et les communautés religieuses sur des sujets qui peuvent concerner les uns et les autres.

Une reconnaissance du travail associatif et du bénévolat

Les Eglises et la plupart des autres communautés religieuses sont des associations reconnues d'intérêt public. L'introduction dans la constitution d'un article qui précise que l'Etat reconnaît le travail associatif ainsi que le bénévolat nous paraît être une très bonne chose. D'autant plus que tout en respectant l'autonomie des associations, l'Etat peut nouer des partenariats avec elles pour des activités d'intérêt général.

Dans ce cadre, les Eglises pourraient mieux faire prendre en compte l'engagement de leurs divers services et aumôneries dans le domaine de l’accompagnement spirituel et social. Elles contribuent ainsi également au bien-être commun.

Des entreprises libres, mais responsables et solidaires

Nous savons ce qu'un certain développement économique doit à l'enseignement de Calvin. Mais comme cela a bien été mis en évidence en son temps par le professeur André Biéler, pour le réformateur il est indispensable que la liberté de créer et d'entreprendre soit reconnue non pas comme un mérite, mais comme un don. En conséquence, elle doit s'accompagner d'un souci de justice, de solidarité et de redistribution des richesses.

Politique familiale, cohésion sociale, développement durable, promotion de la paix et médiation

A Genève les protestants ont joué un rôle important dans les domaines de l'éducation et de la formation, de la politique sociale, de la protection de la nature, ou encore de l'aide humanitaire. Les articles du projet de nouvelle constitution apportent dans ces domaines des impulsions nouvelles. Ainsi le fait de rendre obligatoire une formation sous une forme ou sous une autre jusqu'à l'âge de la majorité au moins devrait permettre d'éviter des ruptures dans ce processus qui entraîne des jeunes vers l'exclusion sociale.

De même l'introduction de la médiation pour la résolution extrajudiciaire de litiges nous semble favoriser des chemins d'écoute et de réconciliation qui nous tiennent à cœur dans la suite du message évangélique.

Enfin nous apprécions que le principe d'un développement durable dans ses composantes écologiques, économiques et sociales soit affirmé tout au long du projet. Ces préoccupations rejoignent celles développées par les Eglises et le COE dans leurs programmes "Paix, justice et sauvegarde de la Création" ou "Vaincre la violence".

Pour ces différentes raisons, et pour bien d'autres encore, je considère que le projet de nouvelle constitution est bien meilleur que le texte actuel tant dans la forme que sur le fond. Cet avis est partagé par le groupe de réflexion de l'Eglise protestante de Genève.

  • Un débat contradictoire opposera au temple de Plainpalais à 19 heures le 26 septembre Laurent Extermann, constituant qui expliquera les raison de son oui et Guy Le Comte, paroissien de l'Arve, historien qui exposera les motifs de son non.

BIO EXPRESS

Né en 1946 à Genève, marié et père de deux grands fils. Membre de l'EPG au sein de laquelle il a exercé un ministère de diacre pendant une trentaine d'années après une formation initiale de travailleur social et un engagement de quelques années au Centre social Protestant de Genève.

Il a été l'un des fondateurs de l'Aumônerie oecuménique auprès des requérants d'asile (AGORA) et de l'Association CAMARADA, centre d'accueil et de formation pour femmes exilées dont il préside encore le Conseil.

Ayant mis un terme à son ministère diaconal il y a quelques années, il a travaillé comme consultant en particulier pour des paroisses ou des associations locales. Il préside le Conseil de l'aumônerie oecuménique des prisons à Genvève, est membre du Conseil de fondation de FONDIA et de celui de l'Office protestant des éditions chrétiennes (OPEC).

CITATIONS

"Il nous faut apprendre à vivre ensemble comme des soeurs et des frères, sinon nous mourrons ensemble comme des idiots" (d'après Martin Luther King)

"Lorsque tu entreprends quelque chose, sache que tu auras contre toi ceux qui voulaient faire la même chose, ceux qui voulaient faire le contraire et l'immense majorité de ceux qui ne font rien" (Confucius)