La crise croissante au Soudan du Sud ne doit pas passer inaperçue

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La crise croissante au Soudan du Sud ne doit pas passer inaperçue

Fredrick Nzwili
10 février 2015
L’attention du monde restant focalisée sur l’influence des groupes extrémistes islamiques dans le continent africain, le conflit sanglant qui se déroule actuellement au Soudan du Sud n’a que très peu été porté à l’attention de la communauté internationale
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Photo: Une famille du Soudan du Sud, avant la guerre. ©Fredrick Nzwili, RNS

, RNS/Protestinter

On estime à 50 000 le nombre de personnes qui sont mortes et à 2 millions le nombre de celles qui ont été déplacées dans la dernière phase des combats au Soudan du Sud, selon l’International Crisis Group (ICG, voir encadré). Pourtant, c’est environ dix fois plus que dans le nord du Nigeria, où le groupe terroriste islamiste Boko Haram a tué plus de 5 000 personnes en six ans.

«Le conflit du Soudan du Sud ne reçoit pas beaucoup d’attention en raison du déplacement des intérêts vers l’extrémisme islamique», a déclaré le révérend Fred Nyabera du Kenya, qui est sociologue et directeur de l’Initiative interreligieuse pour mettre fin à la pauvreté des enfants, au sein de l’organisation religieuse Arigatou International. «C’est devenu un problème mondial en raison des menaces directes auxquelles elle expose les populations. Mais, laisser le Soudan du Sud seul à un moment où les gens essaient de définir leur identité et de construire leur pays, dans des circonstances très fragiles, c’est différer un gros problème» a ajouté Fred Nyabera.

Appartenances politique et ethnique étroitement mêlées

Lundi 2 février dernier, le président du Soudan du sud Salva Kiir et son ancien adjoint Riek Machar, passé depuis dans les rangs des rebelles, ont signé un accord de paix à Addis-Abeba, en Ethiopie. Il propose un gouvernement de coalition.

C’est une lutte pour le pouvoir entre les deux hommes qui a déclenché les combats en décembre 2013. Mais en quelques mois, la violence a pris une dimension ethnique: les troupes gouvernementales de Salva Kiir, en grande partie de la tribu Dinka, et les rebelles appartenant à la tribu Nuer menées par Riek Machar, se sont retrouvées engagées dans des affrontements meurtriers.

«Comme beaucoup de conflits en Afrique, le conflit au Soudan du Sud est une guerre tribale pour motifs politiques», a déclaré le cheikh Abdallah Kheir, un enseignant religieux à l’Université Kenyatta de Nairobi.

Des traités de paix qui n’ont aucun poids

Depuis le début du conflit, les deux parties ont signé et brisé six accords de paix. Mais les négociations de paix menant aux pactes n’ont concerné que Salva Kiir et Riek Machar, en laissant de côté d’autres intervenants majeurs, tels que des groupes religieux, des organisations d’aide non gouvernementales et les dirigeants des communautés tribales. «Tant que les perspectives de paix seront envisagées comme la seule chasse gardée de deux protagonistes, alors les perspectives de paix resteront sombres», a déclaré le révérend Fred Nyabera.

Un jeune pays qui essaie de se construire

Selon l’institut de recherche américain Pew Research Center, 60% des habitants du Soudan du Sud sont chrétiens, 33% sont adeptes des religions traditionnelles africaines et 6% sont des musulmans.

Le Soudan du Sud est devenu un état indépendant en juillet 2011 après avoir voté la sécession du Soudan lors d’un référendum. Mais l’indépendance n’a pas apporté la stabilité à la région, déclare l’ICG dans son rapport du 29 janvier dernier.

Selon les évêques catholiques du Soudan du Sud, la guerre est une question de pouvoir, pas de personnes. «Les aspirations de quelques individus et de factions ont conduit à un cycle de massacres de représailles», a déclaré le 30 janvier dans un communiqué l’archevêque catholique romain Paulino Lukudu Loro de Juba.

«Nous disons à tous ceux qui sont impliqués de quelque façon: si vous continuez à vous battre, vous allez vous détruire vous-même et allez détruire la patrie. La nation doit être sauvée de ce péché.»

International Crisis Group

L’International Crisis Group a été créé en 1995. C’est une organisation non gouvernementale internationale à but non lucratif dont la mission est de prévenir et résoudre les conflits meurtriers, grâce à une analyse de la situation sur le terrain et des recommandations indépendantes. Ella a, pour cela, recours à un personnel hautement qualifié.

De 2009 à 2014, elle a été présidée par la Canadienne Louise Arbour, qui a été haute-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme. C’est le français Jean-Marie Guéhenno qui lui a succédé. Ce diplomate est spécialiste des questions de défense et des relations internationales. Il a été secrétaire général adjoint au département des opérations de maintien de la paix de l’Organisation des Nations unies, jusqu’en juillet 2008.

Les rapports récents de l’ICG sont en ligne.