L’augmentation de l’athéisme qualifiée de «dangereuse» en Egypte

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L’augmentation de l’athéisme qualifiée de «dangereuse» en Egypte

Sarah Lynch
12 février 2015
En Egypte, il n’y a apparemment nulle part où les athées sont en sécurité. Il en est de même pour ceux qui sont soupçonnés d’être non-croyants. Plusieurs personnes ont été ciblées dans des cafés, harcelées dans les rues, et d’autres licenciées.

Photo: Le Caire, CC(by-nc-nd) Marwa Morgan

, Le Caire, USA Today/RNS/Protestinter

Dar al-Ifta, le département du gouvernement qui émet les édits religieux, a publié une enquête en décembre affirmant que l’Egypte comptait exactement 866 athées, un nombre qui est reflète «une dangereuse croissance», juge cette administration. Quelques jours plus tard, les médias ont rapporté qu’un café réputé du Caire avait été fermé par les autorités. Il était accusé d’être un repaire d’athées.

«Je dois me taire quand il est question d’une quelconque critique ou de satire au sujet de la religion», a déclaré Mohammed Amr, qui est athée. «Si je souhaite faire une remarque à propos de la religion ou de la pratique de la religion, je la garde pour moi, et ne partage pas mes propres convictions», a-t-il continué.

Criminalisation de l’athéisme

Depuis 2011, au moins 27 sur plus de 40 prévenus jugés pour diffamation ont été reconnus coupables en justice, a indiqué l’association Initiative égyptienne pour les droits des personnes. «Il y a eu une augmentation des attaques contre les citoyens ayant des vues minoritaires et contre d’autres qui ont essayé d’exprimer une opinion sur les questions religieuses controversées», a déclaré l’organisation dans un rapport au mois d’août.

Un tribunal égyptien a condamné Karim al-Banna, un étudiant que son père avait qualifié d’athée, à trois ans de prison le mois dernier. Il avait écrit des messages sur Facebook qui ont été considérés comme insultants pour l’Islam, selon l’Association pour la liberté de pensée et d’expression.

Climat de répression et menaces de mort

«Quiconque écrit des commentaires ou des discussions sur des sujets qui sont contre la religion doivent faire face à des accusations d’infraction pénale», a révélé Fatma Serag, directrice du secteur juridique de l’association pour la liberté de pensée et d’expression. Bien que la constitution égyptienne garantisse la liberté de croyance, elle limite la liberté de pratique pour les chrétiens, le judaïsme et certains courants de l’Islam.

Dans les cas concernant le blasphème, les procureurs font souvent référence à un article du Code pénal qui traite des idéologies extrémistes et de l’exploitation de la religion.

Ayman Emam, un athée qui a créé une page Facebook, «la communauté athée égyptienne», pour surveiller les attaques contre l’expression des convictions, a été menacé pour ses opinions. En plus d’être harcelé en ligne, Ayman Emam a trouvé en été 2013 sur le pare-brise de sa voiture un morceau de papier avec des versets du Coran disant que l’apostasie devait être punie de mort.

Aucun recours possible

«Vous ne pouvez rien faire contre cela, car que pouvez-vous faire? Aller à la police?» a déclaré Ayman Emam. «Non seulement la police ne va pas vous aider, mais probablement va vous causer des problèmes.»

En septembre 2012, Amnesty International a signalé qu’une foule d’hommes en colère a encerclé la maison d’Alber Saber Ayad, un militant du Caire, l’accusant d’hérésie et d’athéisme pour avoir prétendument fait la promotion d’un film en ligne qui critiquait l’Islam. Après que sa mère a appelé la police pour demander une protection, les autorités ont arrêté Alber Saber Ayad, qui a été condamné pour «diffamation de la religion.»

D’autres ont fait face à des problèmes au travail. En juin 2013, un enseignant dans une école secondaire du quartier de Gizeh a été congédié parce qu’il était athée, a révélé aussi Fatma Serag.

L’année dernière, Amin Ezz El-Din, fonctionnaire du ministère de l’Intérieur qui a la charge de superviser la sécurité dans la ville côtière d’Alexandrie, a annoncé à la télévision égyptienne qu’une force opérationnelle serait constituée pour arrêter les non-croyants, selon le site de Mada Masr, un journal égyptien indépendant en ligne.

La vague de répression intervient au cœur d’un débat plus large sur la religion.

Les athées ont récemment commencé à apparaître plus fréquemment dans les émissions de télévision égyptiennes. Quelques jours avant l’attaque du journal satirique «Charlie Hebdo» le mois dernier à Paris, le président égyptien Abdel Fattah al-Sisi a lancé un appel pour une révolution dans l’Islam dans le but de remanier la religion –un acte important dans un pays conservateur où la population d’environ 90 millions est majoritairement musulmane.

Lors de son discours du jour de l’an, Abdel al-Sisi a souligné l’importance de la diffusion des enseignements modérés de l’Islam et de l’importance de confronter les interprétations trompeuses de la foi, selon le service d’information d’Etat. Cela ne semble pas indiquer l’acceptation imminente de vues controversées.

«Il n’y a aucun projet pour protéger les libertés», a déclaré Amr Ezzat, un chercheur responsable du programme Liberté religieuse au sein de l’association Initiative égyptienne pour le droit des personnes. «C’est un sujet abandonné.»